Institut Benjamenta
Institut Benjamenta_Extraits critiques

SYNOPSIS


Institut Benjamenta mêle fantastique, mysticisme et conte de fées. L’institut, délabré et moribond, est une école de formation pour majordomes auxquels est perpétuellement enseignée la même et unique leçon. Jakob, qui vient de s’inscrire, erre parmi les couloirs labyrinthiques de l’institut, essayant de percer les mystères de la vie des occupants hagards de cet étrange établissement. La fratrie, Lisa et Herr Benjamenta sont les gérants de cette institution ; alors que l’aîné dirige l’établissement d’une main de fer, sa cadette rêve d’évasion. L’arrivée de Jacok va bouleverser ce fragile équilibre 


NOTE D’INTENTION


            L’Institut Benjamenta est un internat délabré et moribond pour apprentis domestiques, dans lequel Jakob von Gunten est venu s’inscrire. Le temps et le lieu du film seront ambigus : on saura que l’école occupe l’étage supérieur d’un bâtiment en fond de cour dans une grande ville, et que Jakob est conscient de vivre une époque moderne. Le cadre est d’ordre moins géographique que spirituel, l’important étant d’ouvrir le champ des métaphores du rêve et du conte de fées (en explorant les travaux de Robert Walser sur le conte de fées, Blanche-Neige et Cendrillon). Le fil rouge sera le cheminement du héros-narrateur à la recherche du sens de la nature de l’école (l’école étant la source même du mystère) :

            « On apprend très peu de choses ici, on manque de professeurs et aucun de nous n’ira bien loin. Plus tard dans la vie, nous serons tous quelque chose de très petit et de subalterne. » La voix intérieure de Jakob, en voix-off, nous donne à voir sa relation ambivalente à l’école, les portraits qu’il dresse de ses camarades d’études (en particulier Kraus, l’élève modèle), ses relations avec le frère et la sœur (Fräulein et Herr Benjamenta) qui dirigent l’école, la répétition à l’infini de l’unique leçon : « Répétez des scènes pour la vie », qui constitue le programme de l’école ; ailleurs, des descriptions de rêves révèlent la vie intérieure et les réflexions de Jakob, en particulier des visions subjectives élaborées mutuellement entre Jakob et Fräulein Benjamenta ; des visions d’une descente dans les profondeurs : les « Passages de la Pauvreté et de la Privation » ; l’admission de Jakob dans le monde jusque-là secret des « chambres intérieures » de Fräulein et Herr Benjamenta. Ces rêves et ces visions constituent l’initiation symbolique de Jakob aux renoncements et aux désillusions de l’Institut Benjamenta.

            Le film s’articule par juxtaposition lyrique d’épisodes, plus proche en cela des structures par associations et par images de la danse et de la poésie (ainsi que du cinéma muet) que du récit conventionnel, pour mieux traduire le domaine enchanté de ce que Walser appela « ce conte de fées dépourvu de sens et pourtant riche de sens ».


Les frères Quay

  

TIMOTHY QUAY, STEPHEN QUAY

Stephen Quay

Réalisateur, acteur, scénariste, directeur de la photographie et animateur.


Timothy Quay

Réalisateur, scénariste, directeur de la photographie et animateur.


Jumeaux "identiques", selon l'expression pédagogiquement correcte qui remplace celle de "vrais" jumeaux (les autres, dissemblables, n'étant en aucune façon des "faux"), les frères Stephen et Timothy Quay, plus connus sous le nom des Frères Quay (the Brothers Quay ou Quay Brothers en anglais), sont nés en Pennsylvanie en 1947. Ils ont étudié le graphisme et l'illustration à Philadelphie avant de poursuivre leur formation au Royal College Art de Londres. C'est dans la capitale britannique qu'ils réalisent, dans les années soixante-dix, leurs premiers films, des courts métrages d'animation. Dans cette même ville, qu'ils n'ont pas quittée depuis, ils ont installé la maison de production sous le label de laquelle ils réalisent tous leurs films, les Koninck Studios.

Profondément influencés par le maître de l'animation tchèque Jan Svankmajer auquel ils vouent un culte depuis l'enfance, les frères Quay jouissent depuis une vingtaine d'années d'une réputation extrêmement élogieuse dans le monde de l'animation. Leur petit chef d'œuvre devenu classique, La Rue des Crocodiles (1986), est à juste titre considéré comme une date dans l'histoire de ce genre. Le cinéaste visionnaire Terry Gilliam, amateur éclairé de la chose dessinée, a récemment sélectionné cette perle universelle parmi les « dix meilleurs films d'animation de tous les temps ».

            Il faudra néanmoins attendre 1994 et leur première réalisation de film live pour que le nom des frères Quay imbibe les cercles plus larges de la cinéphilie : avec Institut Benjamenta, adapté du texte de l'écrivain suisse Robert Walser, ils s'imposent d'emblée dans le paysage. Leur film ne ressemble à rien de connu, leur trajectoire est étrange, leur gémellité curieuse... tout cela suffit à les cataloguer définitivement pour ce qu'ils sont peut-être : de brillants et profonds originaux.

            Leurs contributions artistiques extérieures sont régulières : des décors pour une version Broadway des Chaises de Ionesco ; des panneaux vidéo pour des scènes d'opéra et de concerts, de courtes scènes d'animation pour les besoins de films tiers, ou même des clips vidéo. L'une de leurs dernières escapades a été leur collaboration avec le compositeur british Steve Martland : un concert-projection live à la Tate Modern de Londres, événement à l'occasion duquel ils ont réalisé quatre courts-métrages spécifiques.

            Si les frères Quay restent néanmoins des passagers clandestins du cinéma moderne, c'est aussi parce qu'ils ont choisi de camper sur une faille où ils sont bien seuls. Ils sont à cheval sur ce précipice, cet abyme, qui sépare le cinéma en salles de celui dit expérimental, et que l'on consomme autrement : dans des expositions, des installations, sur DVD, via Internet... ou dans des festivals.


Olivier Séguret, Festival international du film de La Rochelle

Institut BENJAMENTA

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