Cocorico_3

Synopsis

Lam est marchand de poulets, il circule dans les villages de brousse autour de Niamey, au volant d’une vieille fourgonnette 2 CV à l’enseigne, «  Cocorico ! Monsieur Poulet ». Un jour, il part de Niamey, avec son apprenti, Tallou, pour aller chercher de la marchandise. A la sortie de la ville, il embarque un ami, Damouré, qui désœuvré, veut participer à la tournée. Le voyage va être mouvementé. Une « diablesse », Claudine, jette un sort aux trois compères.

« Après la guerre, en 1946, les trois ingénieurs sortis de la tourmente accomplissent leur serment audacieux fait à Bamako trois ans plus tôt.

Leur quête : découvrir de nouvelles manières de vivre et les révéler au monde.

Les 4184 kilomètres du fleuve sont parcourus en cinq mois du 24 octobre 1946 au 25 mars 1947 à bord de radeaux et de pirogues. C’est la première fois que des hommes réussissent un tel exploit…Rouch enchaîne coup sur coup deux autres expéditions en Afrique au cours desquelles il réalise en un temps record son terrain ethnographique de thèse et ses premiers films pionniers du cinéma vérité…

La descente du Niger – tel un film-fleuve où tout s’enchaîne et s’entrecroise - préfigure l’œuvre scientifique de l’ethnographe et du cinéaste. Au cours de cette exploration, l’intrépide trio a posé les jalons qui dirigeront les travaux de Rouch et ceux des équipes qu’il formera tout au long de sa carrière. On y trouve les chasses rituelles au lion, à l’hippopotame, les gens du fleuve, les phénomènes de possession, les vaches merveilleuses, l’univers de la mythologie et la magie songhay, la musique et la danse… De cette première mission fondatrice, Rouch a rapporté un film Au Pays des mages noirs, tourné en noir et blanc… « Ce fut notre entrée au cinéma », dit Rouch peu satisfait toutefois du commentaire très formaté imposé par les normes des Actualités françaises. »

 Un fleuve-film nommé Niger par Bernard Surugue. In Jean Rouch : Alors le Noir et le Blanc seront amis (Mille et une nuits 2008)

JEAN ROUCH (1917-2004)

« Et l’homme blanc comprendra peut être que le Noir qu’il croyait si ignorant, si primitif, a aussi des techniques adroites, des façons de penser cohérentes, une philosophie extraordinaire du monde et de la vie, en un mot, une civilisation que rien ne permet de classer au-dessous de notre civilisation, une civilisation très différente certainement, mais aussi riche et surtout aussi valable que la nôtre. » Jean Rouch

En mars 1982,  Claude Jean Philippe, a programmé sur son Ciné-club à Antenne 2, un cycle important consacré à Jean Rouch avec, entre autres, Bataille sur le grand fleuve et Cocorico ! Monsieur Poulet. En guise de biographie,  voici un extrait du très beau texte qu’il a écrit sur Jean  Rouch dans les Dossiers du cinéma (volume I) Casterman 1971

 

« Il y  avait, dans le Paris des années trente, un adolescent vif, fils de marin, lycéen désinvolte, qui « n'attendait rien que de sa seule disponibilité...Lycéen contestataire, rêvant de militer à la Fédération Anarchiste, chaud partisan des Républicains espagnols, le jeune Rouch se bat contre les « Jeunes Patriotes » d’extrême droite. Il découvre le jazz au premier concert de Louis Armstrong à la Salle Pleyel, et le cinéma à la Cinémathèque d’Henri Langlois. Admissible à plusieurs grandes écoles, il choisit  « les Ponts et Chaussées » parce que c’était celle où la rentrée se faisait le plus tard »…

Chargé de construire des ponts et des routes au Niger, il voit de près la colonisation, les colonisateurs, et ne trouve pas de mots assez forts pour exprimer son dégoût. Très vite, il se tourne vers les Africains et commence à nouer ses premières amitiés…

Le Niger, son champ d’étude, est avant tout sa terre d’élection. L’ethnographie à ses yeux se confond avec le cinéma dans une expérience poétique du monde, expérience aventureuse, soumise à la seule objectivité du hasard, fondée sur l’attente et la rencontre.

Tout film de Rouch est une frontière franchie, un lieu de passage. Lui-même vit à la lisière de deux civilisations. Il distribue son temps entre le Musée de l’Homme et la boucle du Niger. Ethnographe parisien, il se métamorphose tout naturellement en conteur africain pour traduire l’impétueuse présence des génies dans les corps possédés…

« Le génie africain, dit Désiré Ecaré, jeune cinéaste ivoirien, c’est une grande désinvolture. » Ce que Rouch confirme en affirmant : « Les Africains vivent pleinement aujourd'hui, le moment présent. Ils n’ont rien à perdre. Ils ignorent cette angoisse que notre civilisation a inventée et qui est liée à l’idée du lendemain- Car demain n’existe pas -. On ne peut vivre qu’aujourd’hui. »

Le cinéma de Rouch tire toutes les conséquences de cette certitude. Le présent seul existe, c'est-à-dire en termes de découpage cinématographique le plan lui-même depuis la claquette jusqu’à l’arrêt du moteur. D’où, chez Rouch, une double tentation, celle du film en un seul plan...ou bien l’abolition du montage académique, c’est à dire le refus de lier artificiellement des instants (des plans) privilégiés. Il s’agit en 1959 de rendre au cinéma toute sa liberté, sa fraîcheur, sa faculté de découverte. Sans le savoir, avec, Moi, un Noir, Rouch devient l’initiateur. Godard voit le film et s’enthousiasme. Les anti-raccords de A Bout de souffle découlent naturellement de ceux de Rouch. A travers ces brèches, au-delà même des recherches de la « Nouvelle Vague », tout le jeune cinéma va s’engager.

Il appartenait à Rouch de donner le branle.

Extraits critiques