Les petites fugues_Extraits critiques
Les petites fugues

SYNOPSIS



Pipe, valet de ferme, est maintenant à la retraite. Ayant gagné un appareil photo dans une fête, il s'enthousiasme pour la photographie et réalise un reportage sur les bouleversements progressifs de la ferme dans laquelle il avait travaillé pendant huit ans.

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La quête de Monsieur Pipe


« Depuis quarante ans, le vieux Pipe travaille dans la même ferme de Gros-de-Vaud. C'est dire qu'il occupe, socialement, une place particulière, typique de la civilisation paysanne de nos régions, surtout jusqu'au moment de la mécanisation systématique de l'agriculture: dévoué, rude à la tâche, ce domestique de campagne, par son fidèle attachement au clan, fait partie de la famille dans tous les domaines de l'existence quotidienne ou sentimentale; on l'invite aux fêtes, il partage les soucis ou les plaisirs de ses employeurs et, pourtant, sur le plan précis des affaires d'argent (ou de gestion de l'entreprise), il reste un serviteur qui n'a pas le droit à la parole. En somme, Pipe est un esclave que le paternalisme des maîtres semble rendre heureux (il possède le gîte, le couvert, même un peu d'affection, et de quoi se payer un verre de vin le dimanche) ; mais ce bonheur apparent, proche à certains égards de celui que vivent les gens d'aujourd'hui dans leur rapport à l'Etat, masque mal un manque essentiel : celui de l'authentique liberté. Pipe va en faire l'apprentissage grâce à l'acquisition d'un vélomoteur, véhicule qui va lui permettre de s'approprier un espace qu'il fut contraint d'ignorer : celui des champs et des forêts au delà de son habituelle aire de labeur, celui du lointain, celui du ciel. Le magnifique film d'Yves Yersin, par sa beauté fraternelle et sa vérité, montre avec lyrisme la découverte de cette liberté, les rêves qu'elle nourrit, les extases qu'elle procure, et ce qui sournoisement la menace. D'ailleurs, ce qui la menace en constitue le prix incalculable et, parce qu'il exprime l'inexprimable mystère de ce fondement de la condition humaine en partant d'un intelligent scénario qui maintient vivante la dialectique au cœur du poème, Yersin peut cerner continuellement la justesse naturaliste pour la dépasser dans le sens du chant. Jusqu'à un certain point de son récit, Yersin (je pèse mes mots !) signe un chef-d'œuvre ; jamais (Roméo et Juliette au village compris avec, bien entendu, l'ensemble du nouveau cinéma suisse) une création du septième art conçue et réalisée dans notre pays n'atteignit ce niveau de bouleversante évidence: nos réalités extérieures et intérieures saisies à vif dans leur particularisme, puis remodelées pour éclater en plein universalisme concret. L'élaboration très subtile du rôle effectuée par Michel Robin sous la direction du réalisateur n'y est évidemment pas pour rien: il incarne Pipe le Vaudois avec une exactitude confondante et le pousse au mythe.»


Fredddy Buache (Avant-scène cinéma : 11/1979)

(Ancien directeur de la Cinémathèque suisse , auteur de nombreux ouvrages sur le cinéma.)

Un soir de 1960, il assiste à une projection d'Hiroshima mon amour d'Alain Resnais ; ce sera le déclencheur de son envie de faire du cinéma: « Je venais d’assister à la projection d’Hiroshima mon amour. Ce film a généré chez moi une telle émotion, à la fois par le contenu et par la forme ! » La découverte des films suivants de Resnais, jusqu'à Muriel qui restera son préféré, entérine cette nouvelle passion. En 1962, il commence une spécialisation dans la photographie de publicité puis, de 1963 à 1964, entame une formation de caméraman. En 1968, avec trois autres réalisateurs, il forme le groupe Milos-film en hommage à Milos Forman. Ils décident de réaliser quatre courts métrages, plusieurs portraits de femmes à différents âges ; seul le court métrage de Yves Yersin, Angèle, retient l'attention.


Considéré comme le cinéaste ethnologue de la Suisse romande, de 1965 (Le  Panier à viande) à 1973  (Les Derniers passementiers), il tourne une quinzaine de  documentaires et de films ethnographiques , surtout des courts métrages qui décrivent  l'artisanat et les petits métiers de la campagne (L’Huilier, Le Cordonnier ambulant, La Chapelière du Loetschental, Une fromagerie du Jura) . Tous  ces films sont tournés en noir et blanc avec une caméra 16 mm sur pied, d'où une grande fixité du cadre, et se caractérisent aussi par une absence totale de son, ni son direct, ni commentaire.


Entretemps, en 1971, après le départ de Jean-Jacques Lagrange, il avait rejoint le "Groupe 5" aux côtés d'Alain Tanner, Jean-Louis Roy, Michel Soutter et Claude Goretta, un groupe de cinéastes, tous plus ou moins collaborateurs pour la Télévision Suisse Romande, qui ont travaillé ensemble pour produire des films indépendants.


En 1979 , il réalise son premier et seul long métrage de fiction, Les Petites fugues. En 2013, après treize mois de tournage, il signe un documentaire  long métrage, Le Tableau noir, Prix du Jury au Festival de Locarno, (inédit en salles diffusé sur Arte en septembre 2015), qui décrit le quotidien d'une école intercommunale dans le Jura neuchâtelois.

Yves YERSIN

Yves Yersin, est né en 1942 à Lausanne d’un père graveur et dessinateur qui lui a le premier insufflé son intérêt pour l’image. De 1959 à 1961, il étudie la photographie à Vevey où il obtient le Certificat fédéral de capacité.

EXTRAITS CRITIQUES

LES PETITES FUGUES