La fièvre (A febre)
Bacurau

Synopsis:


à travers la trajectoire d’un quartier homonyme de la périphérie de Rio, Encantado dresse un portrait poétique et politique du Brésil depuis la France, de l’élection de Lula en 2002 jusqu’à l’ascension de Bolsonaro en 2018, vu par la première génération de classe populaire à étudier à l’étranger.

Prix du public de Meilleur Film du Festival Internacional de Cinéma de Brasília14

C. L.: Peut-on distinguer les ennemis actuels de la démocratie brésilienne?

F. G.: Ce serait facile de pointer du doigt l’extrême droite, représenté par l’ancien militaire et candidat à la présidentielle Jair Bolsonaro. Il représente une haine, un obscurantisme qui s’est installé de manière très rapide et très forte au sein de la société. Cette installation a pu avoir lieu car le Brésil est un pays d’histoire autoritaire, avec des  épisodes démocratiques. À mon sens, un Bolsonaro ne se construit pas tout seul. Il est une construction collective. Il est le produit d’une situation. Comment penser à l’ascension de ses idées sans faire le lien avec l’acharnement des médias sur le thème de la corruption contre la politique, notamment celle représentée par Lula? Les médias brésiliens ont encore un énorme pouvoir de mobilisation et d’excitation des masses. Et ce qui est inquiétant, c’est leur concentration: six familles les contrôlent. Le principal acteur de ces médias est Globo, qui d’ailleurs a publiquement soutenu le régime militaire de 1964


C. L.: Quelle est la place des mouvements évangélistes sur la scène politique?

F. G.: Centrale, décisive. Les mouvements évangélistes ont occupé un peu le terrain de certains mouvements sociaux de base, historiquement liés aux courants progressistes de l’église catholique. C’est l’évangélisme néo-pentecôtiste qui porte le plus d’inquiétudes: en phase avec les dogmes du libéralisme actuel, il met en avant la réussite matérielle tout en gardant un regard très conservateur par rapport aux mœurs. Le droit à l’avortement et l’homosexualité sont des sujets non seulement interdits mais contestés. Alors que le catholicisme et les religions ancestrales brésiliennes faisaient de la pauvreté une valeur cardinale, cet évangélisme l’envisage dans une certaine position d’infériorité et de culpabilité. C’est-à-dire: être pauvre, c’est une faute. À mon sens, ce changement «’idéologie» contribue à ouvrir la voie à des réformes néolibérales, voire ultra-libérales, qui sont à l’ordre du jour non seulement au Brésil, mais un peu partout. La «parlementaire évangéliste» a été un des piliers pour la destitution de Dilma.

Samedi 27 mai : 14h


 Le Brésil désenchanté (Encantado)

documentaire de Filipe Galvon,

1h 23, Brésil, V.O.S.T. inédit à Troyes, sortie en 2018, 1ère diffusion en 2020, mis à jour en 2023

En présence de Filipe Galvon, réalisateur du film

Entretien avec Filipe Galvon, réalisateur du documentaire Encantado par Cédric Lépine - Club de Mediapart

C. Lépine: Qu'est-ce qui vous a poussé à réaliser ce film?

F. Galvon: En vérité, au départ ce n'était pas du tout un documentaire sur la crise politique au Brésil. Car il n'y avait pas de crise au Brésil quand j'ai commencé à penser à ce film, en 2012. C'était un film sur mon quartier d'origine. (.) Mon quartier, que je pensais être une exception, est devenu une parfaite incarnation de ce qui se passait au Brésil. J’ai alors élargi mes perspectives. J’ai suivi et filmé les immenses contestations de 2013, que certains peuvent appeler les printemps brésiliens.

C. L.: En quoi le documentaire est-il un moyen alternatif d’aborder l’évolution de la société brésilienne par rapport aux autres médias d’informations?

F. G.: La démarche documentaire me donne plus de liberté pour raconter cette histoire que je n’en aurais en tant que journaliste. Un réalisateur peut plus facilement assumer un point de vue personnel qu’un journaliste, qui a pour mission officielle d’informer la population et d’incarner un contre-pouvoir. Cela est très important dans le cas de la crise brésilienne actuelle car il y a un profond désaccord sur le récit de ce qu’il s’est passé depuis 2013, même au sein de la gauche. La plupart des gens sont désemparés face à la destitution d’une présidente et l’incarcération d’un ex-président, érigé en icône. Il faut trouver un moyen de raconter et d’expliquer cela, c’est un défi pour le pays.

C. L.: Quel enchantement symbolisait l’arrivée de Lula à la présidence du Brésil?

F. G.: C’est simple: pour la première fois de l’histoire du pays, un individu issu des milieux populaires, sorti de l’extrême pauvreté, accédait à la présidence. Historiquement, c’était un fait inédit et extraordinaire. Symboliquement, c’était un fait qui allait changer l’histoire du pays pour toujours. Pourtant, les modèles de gouvernement et de développement brésiliens, n’ont pas du tout été reformés pendant toutes ces années . Cela est devenu à mon sens finalement la source principale de désenchantement. Le système politique brésilien doit être complètement réinventé.

  

Filipe GALVON


Après avoir été reporter pour divers magazines culturels au Brésil et directeur de création à la télévision, le réalisateur brésilien Filipe Galvon a collaboré à de nombreuses écritures de scénarii et documentaires pour la télévision. Il est également auteur de contenu institutionnel et publicitaire. Depuis 2013, il vit à Paris et se consacre à la réalisation de documentaires

En se basant sur l’observation de son quartier d’origine (Encantado, situé dans la périphérie nord de Rio de Janeiro), transformé par les Jeux Olympiques d’été de 2016 puis délaissé, le réalisateur retrace l'histoire récente du Brésil qui serait marquée successivement par une période d'"enchantement" (en référence au nom du quartier qui signifie, en français, "enchanté") et par un désenchantement profond.

Le film part du début des années 2000, durant lesquels les gouvernements de Lula puis de Dilma Rousseff ont permis d'importants progrès sociaux et économiques pour le pays, puis suit le délitement progressif de ces avancées, marqué notamment par les manifestations massives de 2013 ainsi que par la destitution de Dilma Rousseff en 2016. Wikipedia

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