L'enfer Extraits critiques

PROPOS de Serge Bromberg et Ruxandra Medrea

 

 Quelle image aviez-vous d'Henri-Georges Clouzot avant de découvrir ces images ?

« Celle d'un cinéaste immense. Un grand maître capable de diriger avec brio toutes les dimensions visuelles et sonores d'une création. Il y a chez lui et dans son œuvre une volonté de perfection incroyable. Une volonté qui n'a d'ailleurs sans doute jamais été aussi forte que sur ce tournage de L'Enfer. En 1964, Clouzot est un cinéaste mûr, au cœur d'une carrière glorieuse, à un moment où tout le cinéma s'interroge. Ce film s'inscrit alors tout naturellement dans cette dynamique qui consistait à inventer un cinéma différent. Et si la Nouvelle Vague le considérait comme un cinéaste de la vieille école, il était de toute façon convaincu que son cinéma était largement supérieur à celui de cette génération montante…


« Le dispositif qu'il avait mis en œuvre avec le financement illimité de la Columbia, qui lui permettait de créer en toute liberté, fait en tout cas rejoindre la production et la réalisation de ce film au rang des gestes artistiques. Clouzot imaginait, inventait avec sa caméra au jour le jour. L'œuvre d'art ne se limite pas au film. Elle englobe Clouzot inventant et mettant en scène son invention. Autour de lui, à l'époque, il y a avait près de 300 personnes qui lui faisaient confiance. Depuis trente ans, il s'était affirmé comme un des plus grands cinéastes, il n'y avait donc pas de raisons de douter. Et finalement, tous on participé à un naufrage magnifique. Un naufrage qu'au fond de lui-même il avait probablement programmé. Et quelque part, 'L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot' pourrait constituer le dernier acte de la pièce que le cinéaste avait commencé à écrire en 1964. Simplement à l'époque, Clouzot a été rattrapé par la réalité. »

« Deux niveaux s'entrelacent comme la structure d'une molécule d'ADN. Le premier, c'est l'histoire du tournage. La façon dont les techniciens et les acteurs ont vécu ce tournage dramatique et pourquoi il s'est interrompu. C'est l'histoire d'un metteur en scène qui entre en enfer, qui dessine un labyrinthe et qui se perd dedans. Et puis il y aussi le film et son histoire propre. Celle d'un homme de plus en plus jaloux de sa femme, au point de vouloir s'en débarrasser. Et l'idée géniale de Clouzot a été de placer le spectateur au cœur du cerveau de ce fou obsessionnel. De filmer la déstabilisation et la folie en caméra quasi subjective. Le cinéaste allait bien au-delà de la simple évocation d'un drame bourgeois entre un mari jaloux et sa femme comme Claude Chabrol le fera dans son remake de 1993. »

 

« Comme il n'y a eu que deux semaines et demie de tournage, nous avons choisi, pour combler les séquences que Clouzot n'avait jamais pu tourner de demander à des acteurs, Jacques Gamblin et Bérénice Béjo, de lire les dialogues originaux. C'était une façon, me semble-t-il, de rester dans l'atmosphère du film, sans jamais pour autant prétendre établir la moindre comparaison avec le couple Romy Schneider / Serge Reggiani. Nous avons cherché à rester le plus neutre possible. Ils sont filmés sans décors, avec le scénario à la main. Le but étant simplement de faire en sorte que le spectateur reste bercé par la continuité de cette histoire. »

Propos recueillis par Mattieu Menossi pour evene.fr

 

« Clouzot avait une ambition énorme. D’un côté, il voulait raconter une histoire comme il avait l’habitude de le faire, c’est la partie en noir et blanc du film ; de l’autre il voulait tout exploser ! Vraiment : réinventer le cinéma. »

Ruxandrea Medrea

Serge Bromberg, le réalisateur du film, est le PDG de Lobster Films depuis 1984 et a réuni une collection de cinéma ancien de plus 40.000 titres rares. Producteur délégué pour la télévision depuis 1994, il a produit plus de 500 magazines et émissions, films d'entreprises et documentaires. Serge Bromberg est par ailleurs Directeur Artistique du Festival International du Film d'Animation d'Annecy.

 D’origine roumaine, la co-réalisatrice, Ruxandra Medrea,

32 ans, a débuté sa carrière dans le milieu cinématographique en tant que juriste, spécialisée dans la propriété intellectuelle.

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