NICOLAS RAY
«Le cinéma, rien que le cinéma»
J.L. Godard
«Je suis un étranger ici-bas… La quête d'une vie remplie est paradoxalement solitaire. Je crois que la solitude est très importante pour l'homme, aussi longtemps qu'elle ne lui nuit pas».
Nicolas RAY : (Cahiers du cinéma No 89 novembre 1958)
Né dans une petite bourgade du Wisconsin, il passe son enfance à La Crosse et manifeste très jeune des dons pour le théâtre, la musique et l'architecture. Il suit les cours de Frank Lloyd Wright, dont l'influence sur son œuvre sera déterminante («m'enseigna, dit-il, une façon particulière de poser le regard sur les choses»), et se lie d'amitié avec Elia Kazan. En 1944, il sera son assistant pour son premier film, le Lys de Brooklyn. John Houseman, alors directeur de la compagnie théâtrale La Phoenix lui confie, en 1947, la réalisation d'un premier film, Les Amants de la nuit, l'histoire d'un jeune couple traqué par la police et dont Robert Altman fera un remake en 1974. Tout Ray est déjà dans cette première œuvre: son romantisme fiévreux, son non-conformisme, son goût de la révolte, son aptitude à saisir l'épiderme des choses et, au-delà, cette espèce de feu intérieur qui consume les êtres vulnérables, et qui ne va pas tarder à l'embraser lui-même. Le film sera découvert et admiré en Europe avant de sortir, tardivement, aux États-Unis. Entre-temps, Ray a tourné un deuxième film, beaucoup moins personnel, A Woman's Secret (1949), et surtout en a mis en chantier deux autres, produits et interprétés par Humphrey Bogart: Les Ruelles du malheur (id.) et Le Violent (1950); ce dernier, vrai journal intime des rapports (houleux) de Ray et de sa vedette féminine, Gloria Grahame, qu'il épouse en secondes noces pour en divorcer presque aussitôt. Après quelques travaux alimentaires encore, ce sera l'admirable Maison dans l'ombre (1952, avec R.et Ida Lupino), et une succession de grandes réussites: les Indomptables , ballade romanesque aux accents faulknériens, Johnny Guitar (1954), conte de fées camouflé en western flamboyant, deux «» westerns: À l'ombre des potences (1955) et Le Brigand bien-aimé (1957), enfin la rencontre au sommet Nick Ray/James Dean: la Fureur de vivre (1955), dont le succès et l'aura le dépasseront quelque peu. Ray jette ses derniers feux dans deux films au ton quasi testamentaire, d'un lyrisme échevelé: La Forêt interdite (1958), une œuvre qu'on a pu qualifier de tellurique, tant le cinéaste y semble aux prises avec les éléments premiers de l'univers; et Traquenard (id.), sorte de tragi-comédie musicale baroque, avec le couple mythique Robert Taylor/Cyd Charisse. Ray s'y confirme comme un maître coloriste, maniant en virtuose le pourpre et l'or. C'est alors qu'on a l'idée saugrenue de lui confier des «machines» commerciales.
Ce n'est pas son registre. Il échoue, successivement, avec Les Dents du diable (1960), Le Roi des rois (1961) et surtout Les 55Jours de Pékin (1963, avec Ava Gardner). Pendant le tournage mouvementé de ce dernier film, il est victime d'un infarctus. Mis à la retraite anticipée par les producteurs, qu'indispose depuis longtemps son tempérament farouchement indépendant, il passera les quinze dernières années de sa vie dans une éprouvante solitude, aggravée par la maladie. En 1979, Wim Wenders, filmera, avec son accord, les derniers mois de Nicolas Ray dans un film bouleversant, Nick's Movie/Lightning Over Water. Ce sera un film posthume, Ray succombant au cancer qui le ronge, le 17 juin 1979.
Filmographie
They live by night 1947
Les amants de la nuit
A woman’s secret 1948
Knock on any door
Les ruelles du malheur
In a lonely place 1949
Le violent
Born to be bad 1950
On dangerous ground
La maison dans l’ombre
Flyng leathernecks 1951
Les diables de Guadalcanal
The lusty men 1952
Les indomptables
Johnny Guitar 1953
Run for cover 1954
A l’ombre des potences
Rebel without a cause 1955
La fureur de vivre
Hot blood
Ardente gitane
Bigger than life 1956
Derrière le miroir
The true story of Jessie James
Le brigand bien-aimé
Bitter victory 1957
Amère victoire
Wind across the everglades 1958
La forêt interdite
Party girl
Traquenard
The savage innocents 1960
Les dents du diable
King of king 1961
Le roi des rois
Fifty-five days of Peking 1963
Les 55 jours de Pékin
Wet dreams 1973
Sketch The janitor Rêves humides
Wet can’t go home again
Lightning over water 1980
Nick’s movie (co-réalisateur Wim Wenders)