On ne vous connaît pas encore bien en France, pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je suis née en Angleterre et vécu en Inde - où ma mère vit toujours. J’ai des origines polonaises, juives et irakiennes : tout un mélange ! Après l’université, je savais que je voulais faire quelque chose qui aiderait un peu le monde. C’est très idéal mais… Pourquoi pas. J’avais vingt ans, j’étais très idéaliste… Et je le suis restée !
Le cinéma vous est venu comment ?
J’adorais les documentaires, je trouvais que c’était une belle manière de communiquer avec le monde, avec les gens en général : montrer les choses de la vie, les personnes que l’on voit tous les jours et auxquelles on ne fait pas attention. Je suis donc allée étudier à Berkeley en Californie où j’ai rencontré Marlon Riggs. Il m’a demandé de travailler sur son dernier film Black Is... Black Ain'T. Malade du SIDA il est mort avant la fin du tournage... Nous étions trois à travailler sur ce film, nous avons donc décidé de le finir pour lui rendre hommage. Il a été une grande influence pour moi, il était très créatif, ne se prenait pas pour un dieu derrière sa caméra. Quand j’ai réalisé mon premier long-métrage, American Gypsy, je lui avais posé la question de savoir si je pouvais faire ça, si j’en avais le droit. Comme je n’étais pas Rom si je faisais un film sur les Roms, comment aurais-je eu leur autorisation ? Riggs ne m’a pas donné de réponses, mais m’a aidée à me remettre en question ; il faut simplement être honnête en tant que réalisatrice.


C'est votre second documentaire sur les tsiganes, d’où vient votre intérêt pour leur culture ?
Je ne sais pas exactement… Un peu de mon enfance, lorsque je croyais tous les mythes sur les Roms. En grandissant, je suis resté fascinée par deux stéréotypes. En Californie, le politiquement correct est très présent, surtout en ce qui concerne les Juifs ou les Noirs. Pourtant, je me souviens d’un grand magazine international qui avait titré un jour "gypsy killers" ("tueurs gitans") et ça n’avait choqué personne parce qu’on ne considère pas les gitans comme de vrais gens… Les stéréotypes sont des extrêmes, les mêmes que l'on entend à propos de l’Inde. Comme "vous allez vous faire voler, c’est sale", le côté négatif, ou bien pour le côté positif "allez là-bas pour la spiritualité". J’ai beaucoup vécu là-bas et je sais que ces deux extrêmes font partie intégrante du pays. Je voulais donc exposer les différences entre mythe et réalité.


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« J'avais fini le premier long métrage et  je croyais que j'allais travailler sur un tout autre sujet. C'est à cette période qu'une société qui organise des concerts, le « World Music Institut », m'a proposé deux jours de travail. Il s'agissait de filmer des musiciens et plus particulièrement un concert avec des gitans. Ils avaient entendu parler de moi et du fait que je m'y connaissais sur les caméras et les gitans. Lorsque  j'ai commencé à tourner je me suis rendue compte très vite qu'il se passait quelque chose d'absolument génial sur scène et aussi en coulisse ainsi qu'à  l'hôtel lorsque les artistes s'y retrouvaient après les concerts. J'avais envie de partager cela avec le monde. Lorsque le 'World Music Institut' lança une nouvelle tournée Gypsy Caravan, j'étais prête pour réaliser ce long métrage. Les caméramans m'ont suivie dans cette aventure qui dura cinq ans. Réaliser ce film me permettait de rentrer dans le monde des Roms d'une manière très différente de celle de mon premier film  et de montrer leur musique et, par cette porte là, rentrer dans la vie réelle de cette communauté. Je voulais montrer  les gitans sur scène, en coulisse  et dans leur domicile.


Il y a un message ...et je suis presque gênée de le dire... ce que je voudrais que le public retienne c'est le fait que les Gitans , les Roms sont des êtres humains. C'est tellement simple que je suis presque gênée de le formuler par des paroles. Ceux qui disent ne pas aimer les gitans, on les reconnait de suite, mais, je pense qu'il y a aussi beaucoup des gens qui disent aimer la musique gitane ou qui aiment les gitans mais, en réalité, ils sont fans de l'idée et de la musique mais ils ne voudraient absolument pas  être avec les gitans. En ce moment, il y a beaucoup de gens et d'organisations qui se battent pour la reconnaissance de ce peuple et contre le racisme. On peut dire que c'est un mouvement politique. En ce qui me concerne, je ne milite pour aucun mouvement politique particulier bien que j'accorderais sans hésitation mon support à un mouvement qui œuvre en faveur de la reconnaissance de la communauté Rom, si cela était nécessaire. Mais mon action est avant tout d'apporter un témoignage humain basé sur un vécu avec cette communauté. »


Entretien (musiquealhambra.com)

Propos de la réalisatrice