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Synopsis

Le 3 juin 1835, Pierre Rivière, un jeune paysan normand de vingt ans, égorge à coups de serpe sa mère, sa sœur Victoire et son jeune frère Jules. Il prend la fuite et erre plusieurs semaines dans les bois avant de se faire arrêter. A peine emprisonné, le meurtrier, que la plupart des témoins décriront comme un garçon au comportement étrange, voire sous les traits d'un idiot, entreprend la rédaction d'un épais mémoire*, texte d'une stupéfiante beauté, véritable autobiographie dans laquelle il expose les raisons qui l'ont conduit à son geste : délivrer son père des " peines et afflictions " que lui faisait subir son épouse depuis le premier jour de leur mariage... Criminel monstrueux ou " pauvre " fou ? Le débat opposera longtemps magistrats et psychiatres.
En 1972, Michel Foucault avait dirigé un ouvrage collectif sur la mémoire de Pierre Rivière qui fut publié dans la collection Archives/Gallimard. C’est ce travail qui a servi de base à René Allio pour son film.

René ALLIO

« Ma quête, c’est la remise à sa juste place de l’homme et de la femme ordinaires dans leurs gestes de la vie, leur confier ce rôle de « héros » qui leur est refusé dans le cinéma dominant. »

Né à Marseille en 1924,René Allio après des études de Lettres, s’intéresse à la peinture et devient décorateur de théâtre. Après un court métrage en 1963, La meule, il réalise en 1965, son premier long métrage, La vieille dame indigne, qu'il adapte d'une nouvelle de Bertolt Brecht. Le film reçoit de nombreuses récompenses à travers le monde, et connaît un succès public inattendu. Il constitue le premier volet d'une trilogie complétée des deux films suivants, L'une et l'autre (1967), et Pierre et Paul (1968). Ce cycle témoigne d'une curiosité attentive aux changements dans la vie et les mœurs. Avec Les camisards (1970), reconstitution d'un épisode douloureux de l'Histoire, Allio exprime son souci de rechercher les racines culturelles et historiques de la France contemporaine. Le matelot 512 (1984) participe du même souci. En 1973, il revient aux aspirations de ses débuts, avec Rude journée pour la reine. Cette fable sur des petites gens et leurs rêves, médiocres mais touchants, campe avec justesse la complexité des relations familiales. Elle constitue en outre une satire de ce qui, dans la société de consommation, tend à couper l'individu de ses racines, à lui faire perdre son identité et donc, sa liberté. En 1976, il intègre une dimension psychanalytique à son propos, en réalisant une adaptation d'un fait divers du XVIIIème siècle : Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère. Attaché à l'identité propre de chacun face à la globalisation de la société de consommation, René Allio se prend comme sujet d'étude dans deux œuvres quasi autobiographiques : Retour à Marseille (1979) et L'heure exquise (1980). Son dernier film, Transit (1989), inspiré du livre homonyme d’Anna Seghers, est une farouche revendication de la liberté de pensée, d'évocation et de critique personnelle. Il meurt à Paris le 27 mars 1995. René Allio a réalisé une œuvre cinématographique fondée sur une esthétique de l’engagement où il ne cesse de dénoncer la " société-souricière ", devant laquelle il lui semble indispensable de préserver la fidélité à soi-même. . En 1968, René Allio a d’ailleurs participé à la création de la Société des réalisateurs de films

Les meurtres qu’on raconte

« Le mémoire de Pierre Rivière nous revient, après bientôt 150 ans, comme un texte d’une grande étrangeté. Sa beauté seule suffirait encore à le protéger aujourd'hui. Nous nous défendons mal du sentiment qu’il a fallu un siècle et demi de connaissances accumulées et transformées pour pouvoir enfin, sinon le comprendre, du moins le lire, et encore si peu et si mal. Au cours d’une instruction et d’un procès des années 1830, comment pourrait-il être reçu par des médecins, des magistrats et des jurés qui devaient y trouver des raisons de décider la folie ou la mort ? Et pourtant il a été accueilli  avec une certaine tranquillité. Nul ne semblait réellement surpris qu’un petit paysan normand, sachant tout juste lire et écrire, ait pu doubler son crime d’un pareil récit, que ce triple meurtre ait pu être entrelacé avec le discours du meurtre, qu’en entreprenant de tuer la moitié de la famille, il ait conçu la rédaction d’un texte qui était ni aveu, ni défense, mais plutôt élément du crime. Que Rivière, en somme, ait pu être, de deux manières, mais presque en un seul geste « auteur »... »

Michel FOUCAULT
Extrait de l’ouvrage collectif sur Pierre Rivière (Archives/Gallimard)

Michel FOUCAULT

Extraits critiques