La part Celeste

« Thibaut Gobry installe ses personnages et son histoire avec limpidité, nous promène dans des rues familières que les Troyens reconnaîtront aisément, pour nous perdre ensuite au détour d’un atelier parisien. On suit ce jeu de piste avec avidité, sans jamais se perdre, tout comme Louise sait qu’elle n’est pas perdue, que tout n’est pas perdu. Elle va inexorablement vers son passé, parce qu’elle n’a pas le choix, si elle veut assurer ce concert qui approche à grand pas. Ce passé, c’est Pierre, on se doute dès le premier regard échangé avec Louise que les retrouvailles vont être douloureuses et éphémères, puisque Louise va partir, doit partir. On laisse alors le violoncelle un instant pour s’attarder sur ce couple qui n’en est plus un, ce couple qui semble ne pas avoir su se dire au revoir. Pierre reste distant, refuse d’apporter son aide à Louise pour mieux revenir ensuite, troublé, déstabilisé par les silences de Louise. Puisque les corps sont blessés, la rémission semble se faire en silence. Pierre semble comprendre et accepter, pour un temps. Mais tout n’est pas que silences dans ce film, car s’il est question de musique, le réalisateur nous en donne à entendre. Par l’intermédiaire, tout d’abord, du groupe dont fait partie Louise, Las Malenas, un groupe composé exclusivement de femmes au caractère bien trempé, véritable famille soudée à qui on s’attache immédiatement et qui donne au film ses meilleurs moments d’humour. Quant aux musiques du film, Thibaut Gobry a de nouveau fait appel à son frère Geoffroy, qui nous livre une partition en accord avec la musique du groupe, mais qui surprend aussi pour qui connaît ses précédents travaux, notamment par l’utilisation de percussions et guitares électriques pour accompagner une belle scène de retrouvailles sous la pluie… Si Thibaut Gobry traite de l’ambiguïté des sentiments et des tourments amoureux (voir Les Amis de Décembre), il semble aussi s’affranchir de l’influence de ses aînés (on pense à Lelouch, et surtout Truffaut) pour développer un univers fait d’ambiguïté, où l’on se laisse guider par la main du réalisateur. Nous ne verrons rien du Japon, mais le voyage, lui, est bien réel. »

Samuel Guillot : Le Troisième œil (N° 38 juin 2009)

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 « J’ai réalisé Le Voyage au Japon sans tout à fait savoir ce que je faisais, puisque c’est sa réalisation, sa matérialisation, et tout le processus que cela suppose, qui m’a permis d’y voir clair ; d’élucider. Il porte donc un tâtonnement que je ne peux ni dénier, ni renier. La rencontre de Louise et Pierre est une énigme. Ils me touchent parce que leur désir, leur élan, leur tendresse, ne parviennent pas à s’incarner, et se vivre dans l’existence. Une histoire qui en est à peine une, un pari de cinéma à tenir ! Pour moi, l’essentiel est d’adosser la réalisation d’un film à la nécessité intérieure de le faire, et de ne jamais lâcher sur cette exigence. C’est un film qui, je l’espère, tremble un peu d’oser cela : d’urgence, de trac. Menant à bout sa réalisation avec l’admirable soutien de toute l’équipe, j’y ai appris ce qui ne s’apprend pas : affirmer une sensibilité qui n’appartient qu’à soi. Il ne suffit pas d’apprendre le cinéma, encore faut-il atteindre sa façon propre de faire un film.

Le Voyage au Japon me semble donc porter quelque chose en germe, concentré, tendu, serré dans son poing. Si le poing est rentré, ce n’est pas de se fermer, c’est qu’il entend contenir beaucoup et ne renoncer à rien. »

 

Thibaut Gobry

Son dernier film, « La Part Céleste », a été présenté pour la première fois en août dernier au Festival International de Rhode Island. « La Part Céleste » y a reçu un accueil enthousiaste de la part du public américain qui lui a décerné le Grand prix du meilleur réalisateur. Fin novembre, le film a reçu le Grand prix du moyen métrage au festival international du film d'Amiens.

Thibaut Gobry travaille actuellement sur le scénario de long métrage de « Monsieur Proust », qui se concentre sur l'année de la révélation de Marcel Proust, lorsque ce dernier réalise qu'il ne sera jamais écrivain, et se met à écrire...


Filmographie :


« La Part Céleste », 30', Zorba Production / 2012

Lauréat de l'association Beaumarchais-SACD pour le scénario

Soutien de la région Champagne-Ardenne                      

Grand prix du meilleur réalisateur - Rhode Island International Film Festival 2012

Grand prix du moyen métrage - Festival international du film d'Amiens 2012    


Le Voyage au Japon : fiction, 26', Zorba Production / 2008 ;Festival du Film de Cabourg 2009

Festival de Lure 2009 ;Festival de Châlons-en-Champagne 2009

Balises Mémorable : documentaire sur le sculpteur Ralf Räde, 21'; Ville d'Avallon (89), Bibliothèque G. Chaissac, Association Than / 2005


Les Amis de Décembre : fiction, 29', Ellabel production, 2002 ; Diffusion La ligue de l'enseignement Champagne-Ardennes


Litanie pour un retour :

fiction, 23 Les Films à Fleur de Peau.

Avec la participation de TV5 / 1999

Documentaires commandés par les villes d'Avallon et  Noyers (89) 1991 - 1994

Réalisation de 4 courts et 2 longs métrages (films d'études) / 1990 - 1994 Lauréat DEFI JEUNES 1994

Thibaut GOBRY

Thibaut Gobry, né en 1971, vit à Troyes.Après sa maîtrise d'Etudes Cinématographiques, il réalise des documentaires et des courts métrages, met en scène un opéra et anime une émission de radio de critiques de films. Il enseigne actuellement le langage cinématographique à l'Université Technologique de Troyes et est directeur de publication du Troisième Œil, journal culturel de l'agglomération troyenne.