L'argent de la vieille_Extraits critiques

SYNOPSIS


Une américaine très riche est passionnée par les jeux de cartes. Son jeu préféré est le "scopone scientifico" auquel elle joue quand elle est en Italie. Là-bas, sa demeure surplombe un bidonville de Rome et Madame se plaît à défier les pauvres gens au cours de parties où elle est sûre de remporter la mise..

«Étrange parcours que celui de Luigi Comencini, qui refuse toute ligne droite, zigzague entre hauts et bas, prend des chemins de traverse et rebondit toujours quand on ne l’attend pas. L’homme a beaucoup tourné, sûrement trop, et sa filmographie pléthorique a de quoi désarçonner au premier abord. Capable du meilleur comme du pire, il peut diriger coup sur coup une commande et une œuvre sensible, passer en un clin d’œil de la trivialité à la subtilité. Il réalise ainsi L’Incompris, l’un de ses joyaux, entre une énième farce avec Fernandel (Don Camillo en Russie) et une parodie d'espionnage (Les Russes ne boiront pas de Coca-Cola). Et quand on le croit enfin au sommet de son art, installé dans une position d’auteur de prestige après les succès critiques de Casanova, un adolescent à Venise, L’Argent de la vieille ou Les Aventures de Pinocchio, le voilà qui replonge en signant des sketches alimentaires pour des pochades franchement consternantes (Basta Che Non Si Sappia in Giro!, Quelle Strane Occasioni).

Brillant conteur, solide metteur en scène, Luigi Comencini aura longtemps été reconnu comme un simple «». Il revendiquait d’ailleurs cette étiquette et considérait le divertissement comme une tâche noble, exigeant talent et métier. De ses études d’architecture, il a retenu cette leçon primordiale: «une maison est tout d’abord un objet à habiter, fait à la mesure de l’homme; un film est avant tout un spectacle destiné à un public populaire.»N’oubliant jamais ce principe, il cherchera tout au long de sa carrière à proposer aux spectateurs des films bien charpentés, accessibles et néanmoins soignés. Comencini n’a rien du grand maître retiré dans sa tour d’ivoire, distillant les chefs-d’œuvre avec parcimonie. S’il a produit autant, c’est d’abord pour obtenir son indépendance financière, garante de sa liberté créatrice. Il a dû souvent collaborer avec le système pour mettre sur pied des projets vraiment personnels – quitte à s’acquitter ensuite de produits incolores pour éponger les dettes et les factures. Il reconnaît lui-même ce nécessaire combat avec l’industrie: «Les dix films que je suis prêt à défendre comme des œuvres valables ne seraient jamais nés si je n’avais pas tourné d’autres films ratés, partiellement ou complètement.»

Gildas Matthieu (Critikat.com : 02/2013)

Luigi COMENCINI

«Je préfère passer pour un artisan qui donne des rêves.»


Né en 1916, Luigi Comencini suit des études secondaires en France avant de s'inscrire à l'Ecole Supérieure d'Architecture de Milan. Parallèlement, il s'intéresse au cinéma. Il s'adonne à la critique dans des quotidiens et commence une collection de films avec Alberto Lattuada et Mario Ferrari, à l'origine de la Cinémathèque de Milan. Il est assistant-réalisateur à partir de 1942 et coscénariste au lendemain de la guerre.

Auteur d’une quarantaine de films, Luigi Comencini est longtemps considéré comme un cinéaste mineur avant de gagner la faveur de la critique dans les années 1970. Son œuvre d'une grande cohérence fait la part belle aux rapports affectifs aux dépens des idées, sans jamais se départir d'une veine tragi-comique typiquement italienne. Il en va ainsi de ses nombreux films sur l'enfance, son thème de prédilection depuis ses débuts (Bambini in città, 1948; Proibito rubare, 1948). Après la gloire apportée par le diptyque Pain, amour... (1953-1954), il signe des drames sensibles sur les rapports entre enfants et adultes : La Finestra sul Luna-Park - Tu es mon fils (1956), L'Incompreso (1966), Infanzia, vocazione e prime esperienze di Giacomo Casanova veneziano (1969), Le Avventure di Pinocchio (1971), Voltati Eugenio (1980) ou encore Marcellino (1991), sa dernière fable à la fois réaliste et poétique qui est un remake de Marcelino, pan y vino (1955), de Ladislao Vajda. Sa lucidité s'exprime aussi dans des analyses désenchantées de la société italienne, à l'image de Tutti a casa - La Grande pagaille (1960), l'un des meilleurs films sur les événements de l'été 1943, ou L'Ingorgo - Le Grand embouteillage (1979), dans lequel il détourne les conventions de la comédie à l'italienne au profit d'une critique sociale acérée. Touche-à-tout, le cinéaste s'empare du mélodrame avec Delitto d'amore (1974) et Cuore (1984) qu'il sait traiter avec une grande justesse, ou de la comédie grinçante parée d'un aimable érotisme avec Lo Scopone scientifico - L'Argent de la vieille (1972). Dans les années 80, il renoue avec le mélodrame épique en adaptant notamment La Storia (1987), et fait une incursion dans l'opéra filmé avec La Bohème(1988). Son œuvre abondante et éclectique témoigne d'un pessimisme raffiné et sentimental servi par un sens très sûr du spectacle populaire. Il est décédé en 2007 à Rome.

En 1987 il reçoit le Lion d'or pour l'ensemble de la carrière, à la Mostra Internazionale d'Arte Cinematografica (Venezia). La cinémathèque française lui a rendu hommage en 2013 en projetant l’intégrale de son œuvre.        La Cinémathèque française.