L'argent de la vieille_Extraits critiques

C’est une attitude personnelle que j’ai envers l’enfance. Je me suis rendu compte que c’est une attitude constante que j’ai envers l’enfance et que l’on retrouve par exemple dans Pinocchio. L’enfant, c’est le réel, le concret tandis que son père Gepetto c’est le rêve, l’illusion. Justement j’avais écrit dans les quelques lignes que l’on m’avait demandées pour la brochure de presse : si l’enfant exige de son père qu’il sorte du ventre de la baleine et affronte de nouveau la vie, c’est parce que les enfants représentent la volonté de vivre, la confiance en une réalité qui existe et que l’on peut modifier, la conscience que la lutte, c’est la vie, et ne plus lutter, c’est ne plus vivre. Je dois avouer que j’ai fait ce film parce que j’aimais la position de la petite fille.

Fiche Ufoleis

                

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Qu’est ce qui a particulièrement retenu votre intérêt dans Lo Scopone scientifico ?


Deux choses m’intéressaient particulièrement : la tentation du coup de chance qui est diffuse dans toutes les classes sociales italiennes frustrées et la clairvoyance de la petite fille qui comprend que l’on ne peut que perdre dans ce jeu. La petite fille est l’unique voix de la vérité. De fait, j’ai porté une grande attention à cette enfant et je crois que ça se voit. C’est elle qui comprend que ses parents sont sur le chemin de la perdition. C’est elle qui juge Sordi, ce n’est pas Sordi qui commande. Dans la scène très belle  où Sordi doit feindre la maladie pour justifier le fait que sa femme soit allée jouer aux cartes avec son soupirant, la petite fille a tout compris.  Du reste ce thème des enfants qui comprennent beaucoup plus  de choses que les adultes ne le pensent est déjà présent dans Prohibito rubare… Au fond, il y a une similitude entre mes personnages féminins et mes personnages d’enfants. Les personnages porteurs d’une vérité inconsciente qui est la vérité de la nature, sont conduits à comprendre émotivement les individus qui sont à côté d’eux, c’est  à dire à  les comprendre non pas sur le raisonnement mais sur la sensibilité.

Entretien réalisé par Jean A. Gili

(Ecran N° 43 janvier 1976)

Ne peut-on pas dire que L’Argent de la vieille est un film plus politique que beaucoup de films qui parlent directement de politique ?


Selon moi, oui. C’est une allégorie sur le pouvoir, la différence de classes sociales, la lutte, la façon de conduire la lutte ou de ne pas la conduire pour le sous-prolétariat. Car c’est du sous-prolétariat qu’il s’agit, pas du prolétariat. Il y a une scène très révélatrice de la position d’Alberto Sordi : c’est après que la vieille ait subi une tentative de vol : il court à la villa en craignant qu’elle soit morte et que son espoir de devenir riche soit fini. Elle a une attitude très noble envers les deux pauvres types qui ont tenté le cambriolage avec une grande maladresse. Sordi se solidarise avec elle et dit que ce sont des ignorants qui ne savent pas ce qu’ils font. Il se place tout de suite du côté de la riche contre ses camarades du bidonville. Il croit être plus malin que les autres et pouvoir se tirer de la misère. Il vit de cette fausse sympathie que la vieille dame lui accorde.


L’enfant, qui est la nouvelle génération, est la seule qui soit assez terroriste pour tuer, et c’est ce qui est passionnant.


Terroriste, c’est peut-être trop fort, mais elle a un sens précis de la réalité, elle voit les choses comme elles sont, elle ne vit pas dans la même illusion que sa famille et tout le tissu social du bidonville dans lequel elle se trouve illusion qui les porte tous à la folie, comme à la fin. Il y a une scène quand Sordi revient après sa tentative de suicide dans le bidonville, où tout le monde se bagarre, se dispute, car la folie du jeu a détruit toute solidarité entre eux.


La vieille aussi a le sens des réalités ?

Très précis. C’est une rencontre entre le grand capitalisme et le sous-prolétariat. Le servilisme est aussi un idéalisme. Elle s’amuse avec les sous-prolétaires

comme le chat avec la souris.


Comment avez-vous utilisé la musique ?


Il y a deux thèmes. Il y a un motif populaire romain qui accompagne les états d'âmes de l’enfant et les moments de la vie dans le bidonville. Par rapport à la situation politique italienne il est intéressant que vous montriez que seuls les enfants ont une vision juste du combat à mener pour sortir de la misère.

Propos du réalisateur