Puisque nous sommes nés
Tourbillon

PROPOS


Carnet de voyage

« Il y eut un soir, il y eut un matin.

Au Nordeste du Brésil, on a le sentiment du premier jour de la création du monde, dans ce paysage immense et aride, où l’on boit le ciel, où l’on pourrait le toucher. Le Sertão est de la taille du monde. Plus de 800000 km2 où survivent plusieurs millions d’habitants. Chacun d’eux depuis sa naissance y a connu la faim : une terre d’où l’on s’exile.

C’est un film sans voix off, sans commentaire. Les pauvres ne sont pas concernés par les commentaires, ils racontent leurs propres histoires avec véhémence, force et grandeur de vue, de vie.

Il suffit de s’approcher, de les écouter, dire qui on est, pourquoi on est là.

Ce dont ils souffrent le plus, c’est de n’être pas vus, pas regardés, pas entendus ; n’être rien aux yeux des autres, n’être qu’une ombre en transparence, est la pire des injustices, au nu de la douleur qu’on tait.


Filmer des gens qui ont peu (ceci entendu du côté matériel), c’est aller vers une relation de confiance intime qui nécessite du temps. Ils font partie d’une population presque captive, (leur choix possible devant la vie est si mince), il faut prendre le temps de regarder leurs visages, d’être touché par leur voix pour comprendre le regard qu’ils portent sur leur propre condition, ce qu’ils font de cette compréhension de la vie et en quoi elle leur sert à résister à tout ce qui pourrait les faire déchoir. Faire un film avec eux, c’est s’agrandir de l’expérience et de la parole de chacun, dans une connaissance partagée du « métier de vivre ».  Leur expérience vaut la nôtre et nous avons beaucoup à apprendre d’eux.

 

Notre monde

Ils ont peu, donc ce peu est beaucoup pour eux.

Mais ils peuvent aussi tout perdre d’un seul coup, puisqu’ils ont peu, et ne plus se relever.

Si ce monde continue tel qu’il est, bientôt on ne pourra plus filmer ce que nous avons filmé. Nous aurons trop honte, même de notre regard bienveillant et intègre (autant que se peut), sur eux. Pour cette raison, nous avons tenté de raconter nos personnages pour qu’ils deviennent comme des personnes de notre vie, et que les photos noir et blanc égrenées tout au long du film soient comme notre album de famille commun à parcourir ensemble. Les photos sont l’esprit, en plus de ce qui est dit, où flotte l’âme de ceux qui n’arrêtent pas d’espérer.

Nous sommes tous de ce monde. »


Jean-Pierre Duret et Andrea Santana

Sao Paulo attire les Nordestins comme l’eldorado de toutes les chances. José quitte ses parents pour rejoindre ses frères dans la ville de ses grandes espérances. Là-bas, rien n’est facile et il le sait. Sao Paulo est un rêve : comment résister à un rêve ?


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EXTRAITS CRITIQUES


« José Célio part pour São Paulo, 3 000 km plus au sud. Il en est ainsi depuis des décennies, dans cette immense contrée aride où les pauvres du Brésil «meurent de travail» sans pouvoir arracher à leurs champs de quoi nourrir une famille… Le Nordeste est ici une «lanterne magique», disent Andrea Santana et Jean-Pierre Duret, où se succèdent les visages illuminés de foi et de dignité de leurs héros : paysans courbés sur la terre nue, tailleurs de pierre, petits marchands ambulants. En une suite de séquences aussi brèves qu’intenses, ils recueillent leurs larmes, leurs confidences et leurs serments, ou immortalisent en silence des instants de leur lutte pour survivre : un char à bœufs près d’une mare boueuse, un panier de pêche lancé d’un pont, les lourdes charrettes à bras des éboueurs noyées dans la circulation de São Paulo.

« Les rêves de tous ceux que nous avons croisés sur la route, sont la matière du film, son corps, son cœur.» disent les auteurs. »

ARTE


« Ce long road-movie sans commentaire séduit d’abord par la beauté et la force évocatrice de ses images. [...] À la stérilité des champs du Nordeste, le film oppose l’immensité d’une jungle urbaine dans laquelle on se bat pour survivre, mais surtout pour conserver sa dignité : «Venir ici, c’est comme un jeu : tu perds ou tu gagnes.» Evocation de la pauvreté ordinaire, du manque permanent, mais aussi de ces rêves tenaces qui font tenir debout, tous ces portraits à la fois énigmatiques, fugaces et émouvants, dessinent un tableau particulièrement attachant. »


Hélène Marzolf (Télérama)

Samedi 17 mai : 17 h


LE REVE DE SAO PAULO

Un documentaire de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana

(France/Brésil ; 2005 ;  1 h 42 ; inédit à Troyes)

En présence des réalisateurs