Premieres neiges_Extraits critiques

Il y a un marché noir, énormément de corruption et beaucoup d’étrangers sont liés à cette chaîne d’affaires. D’autre part, ce Serbe sait que les femmes du village ont été témoins de ses crimes. Même si personne ne découvre jamais qu’il était lié aux meurtres pendant la guerre, ces femmes lui rappelleront toujours qu’il l’a été. Donc son but caché est de se débarrasser d’elles. Aujourd’hui, dans la Republika Srpska (République Serbe de Bosnie), à l’est de la Bosnie, le programme de retour des habitants, qui consiste à faire revenir chez eux ceux qui ont été chassés pendant la guerre (des Musulmans et des Croates) est un échec complet. Quand ces gens reviennent chez eux, on leur tire dessus, on les insulte, on les menace. Personne ne veut qu’ils reviennent.


Vous ne croyez pas à une possibilité pour les différentes communautés de vivre ensemble dans cette partie de la Bosnie ?


Je ne sais pas. C’est très dur. Même dans un endroit comme Srebrenica, ce n’est pas facile pour les femmes de revenir Même si le monde entier sait qu’un génocide y a eu lieu, que 10 000 hommes ont été tués en une seule journée. Même si Radovan Karadzic vient d’être arrêté, d’autres tels que Ratko Mladic sont encore libres. Ces criminels de guerre peuvent marcher tranquillement dans les rues, et ces femmes peuvent les reconnaître. Elles croisent des hommes qui les ont violées ou torturées dans les camps. Certains d’entre eux travaillent même pour la police ou occupent des postes importants au gouvernement. Le système dans son entier empêche le retour des femmes chez elles.


Lors de la tempête, une bâche avec le sigle de l’ HCR,

(Haut commissariat aux réfugiés) vole en éclats. Selon vous,  quel rôle a tenu la communauté internationale en 1997, à l'époque où se passe le film ?


Les forces de l’ONU ont regardé tous ces massacres se perpétrer sous leurs yeux. Elles étaient au courant de ce qui se passait et n’ont rien fait pour l'empêcher. A Srebrenica, il y avait un bataillon entier de l’ONU qui regardait les Serbes tuer tous ces gens. C’est impossible qu’ils ne les aient pas vus car ils étaient partie prenante et d’une certaine façon ils les ont aidés car ils n’ont pas réagi. Leur responsabilité est énorme, de même que la responsabilité de chaque gouvernement d’Europe qui aurait pu faire quelque chose pour arrêter ces trois années et demie d’agression en Bosnie. Ils nous ont regardés mourir sans agir.


Entretien avec Aida Begic (extraits)

dossier de presse

  

Vous êtes née et avez grandi à Sarajevo. Comment avez-vous été amenée à raconter une histoire de villageois de l’est de la Bosnie ?


Après la guerre, beaucoup de gens se sont retrouvés sans leur famille ou leurs proches. Beaucoup de ces femmes habitaient des villages. La Bosnie est surtout constituée de villages, de petites villes et d’une seule grande ville, Sarajevo. Du jour au lendemain, ces femmes ont perdu leurs maris, leurs enfants, et ont dû tout assumer seules, faire un pas de près de deux siècles en avant. Je me suis toujours demandé à quel point cela a dû être un choc pour elles. La plupart ont grandi dans un environnement patriarcal où elles ont été à la fois protégées et opprimées. En plus d’avoir à soigner leur âme, elles ont dû assumer ce changement de vie énorme. Pour moi, cette petite communauté isolée du monde extérieur est fascinante. L’isolement rend les relations entre les membres de la communauté plus intenses. J’ai eu cette expérience lors du siège de Sarajevo. Cet isolement génère aussi une série d’illusions et de mensonges, qui ne peuvent être révélés que par des éléments extérieurs. J’ai d’abord voulu montrer que la vie continue, malgré les horreurs passées. Mon propos n’est pas politique.

Alma, votre personnage principal, pousse les autres à rester et à reconstruire le village. Son personnage semble le plus proche de votre point de vue de réalisatrice…


Premières neiges est aussi une histoire sur la mondialisation parce que chacun d’entre nous, habitant en Europe est confronté au jour le jour à ces dilemmes. Devez-vous accepter une offre pour conforter l’aspect matériel de votre vie, mais en vendant votre âme ? Devez-vous vivre vos propres rêves, tout en sachant qu’ils pourraient être cauchemardesques ? Je pense que ce sont des questions que chaque Européen ou même citoyen du monde, se pose aujourd’hui. En ce sens, la réaction d’Alma à l’offre que les hommes apportent au village constitue une réponse possible à la question de comment garder son identité dans le monde capitaliste, matérialiste et cruel dans lequel nous vivons. Si nous ne résistons pas, nous ne serons plus qu’une partie ridicule d’une machine sans signification qui nous détruira et détruira tout ce qui donne du sens à cette vie.


Pour quelle raison ces deux hommes serbes cherchent-ils à acheter le village ?


Cela arrive tous les jours en Bosnie. La Bosnie est un endroit parfait pour blanchir de l’argent européen ou international.

Propos de la réalisatrice