Se battre_Extraits critiques

ANDREA SANTANA

Jean Pierre Duret est né en Savoie en 1953 dans le milieu paysan et y travaille jusqu’à l’âge de 20 ans. C’est la rencontre décisive d’Armand Gatti qui le plonge dans le monde du théâtre, puis du cinéma. Ingénieur du son dès la fin des années 1980, il travaille pour Pialat, Resnais, Mazuy, Garcia, Jaoui, Doillon, Varda, les frères Dardenne, Straub et Huillet, Wajda, des Pallières, Kahn, Zulawski, Bonello… En 1986, l’écrivain anglais John Berger l’encourage à réaliser son premier film, Un beau jardin, par exemple, consacré à ses parents paysans.

Andrea Santana est née au Brésil en 1964. Architecte et urbaniste de formation, elle s’installe en France en 1999 où sa rencontre avec Jean-Pierre Duret la met sur la voie du cinéma documentaire.  Dans les années 2000, ils réalisent ensemble une série de trois films tournés au Brésil :

  • Romances de terre et d’eau (2001)

  • Le Rêve de São Paulo (2004)

  • Puisque nous sommes nés (2008)

 Ces deux derniers documentaires ont été présentés en mai dernier en présence de J. P. Duret et A. Santana, dans le cadre de notre Ciné rencontres « Un autre regard sur le Brésil ».


« C’est bien plus compliqué de filmer les gens qui galèrent aujourd’hui en France qu’au Brésil. Ils ont une image d’eux-mêmes déplorable. Pas confiance dans ce qu’ils sont et dans le fait que cela peut intéresser quelqu’un d’autre. Ils se méfient de l’image que la télévision a pu renvoyer d’eux, redoutent qu’une caméra voyeuse les mette en fragilité.» J.P.Duret


« Je touche mes sous, mon loyer passe avant. Le gaz, la cantine des enfants, et après je gère pour les nourrir. Je fais mes courses pour le mois, et avec ce qui reste, j’achète des vêtements et des chaussures. Il faut apprendre aux enfants qu’on n’a pas d’argent tous les jours. Moi, je n’appelle pas ça la misère. La misère ce sont les gens qui dorment dehors, qui n’ont pas à manger ni à boire. »

Felixia

« Les associations humanitaires comme le Secours populaire, c’est des soupapes de sécurité ; ça empêche qu’il y ait des émeutes, que ça couve dans les quartiers. Ils enlèvent la soupape, la vapeur sort un peu, mais y a toujours le feu quoi, ça chauffe toujours en-dessous. Parce que des associations, on en a de plus en plus. Et ça n’empêche pas la misère d’augmenter de plus en plus aussi. »

Alex

JEAN-PIERRE DURET

NOTE D’INTENTION


Les personnes que nous avons fil­mées sont quelques unes parmi les millions qui, dans notre pays, ont des fins de mois difficiles, qu’elles aient un travail ou non.

Ce n’est pas un film sur la précarité ou la pauvreté. C’est un film fait avec des êtres qui traversent cette préca­rité dans la banalité du quotidien, du chômage, de la survie ou du travail mal payé. Ils sont le paysage à décou­vrir avec leur vitalité, leur détermina­tion à vivre, leur culture de résistance. En effet, ce n’est pas parce qu’on est pauvre, qu’on est dénué de parole, de rêves, de sentiments, ou qu’on n’est pas dépositaire de mémoire et d’en­vie de transmettre à ses enfants l’idée d’un monde meilleur.  Nous sommes en train d’accepter petit à petit en France l’idée d’une société à deux vitesses, entre ceux qui ont plus au moins, et ceux qui n’ont plus. Mais être pauvre aujourd’hui chez nous, c’est aussi ne plus être entendu, ne plus être vu ou regardé, c’est se cacher, se taire, et subir un vrai racisme social. Tous ces mots par lesquels on les stigmatise, assistés, déclassés, et tant d’autres qui font mal, provoquent ainsi chez eux un sentiment de culpabilité, tout en les séparant de plus en plus de nous. Filmer, c’est prendre soin de l’autre. Chacun de nous construit sa vie en se confrontant aux regards des autres. Si ce regard n’existe plus, la vie s’arrête.

C’est pourquoi nous voulions aussi rendre hommage au travail des bé­névoles des associations d’entraide, une véritable armée de l’ombre, qui aux côtés des plus démunis essaye de ne pas les laisser seuls. L’évidence avec laquelle certains êtres aident les autres, leur don de soi, est quelque chose d’admirable. Nous avons eu le sentiment de fil­mer à Givors la substance d’un pays, sa moelle. Nous avons rencontré le peuple français tel qu’il est et tel qu’il maintient vive sa culture de ré­sistance et de générosité, sa part de singularité.

A condition de lui prêter attention. A condition de le considérer et ne pas le laisser dans la solitude.

Jean-Pierre Duret et Andréa Santana

SYNOPSIS


Aujourd’hui, pour plus de 13 millions de Français, la vie se joue chaque mois à 50 euros près. Derrière ces statistiques, se livrent au quotidien des combats singuliers menés par des hommes et des femmes qui ont la rage de s’en sortir et les mots pour le dire. À leurs côtés, des bénévoles se donnent sans compter pour faire exister un monde plus solidaire.



«Même s'ils ont une grande colère en eux, les gens que nous avons rencontrés ont comme ambition de continuer à se tenir debout. J'insiste: tous sont dans le film. On n'a pas choisi untel ou untel pour sa capacité à savoir raconter une histoire ou à trouver des mots pour le dire.»

J.P. Duret