Les trois soeurs du Yunnan_Propos du réalisateur
Les trois soeurs du Yunnan_Propos du réalisateur
Les trois soeurs du Yunnan_synopsis
Les trois soeurs du Yunnan_synopsis

« Ce quotidien rude, extrême, Wang Bing le filme sans commentaire, en favorisant l'immersion complète du spectateur. Remarqué en 2004 avec A l'ouest des rails, documentaire-fleuve sur le déclin d'un immense complexe industriel, ce cinéaste continue son étonnant travail d'exploration et de recension de son pays en croisant une forme d'anthropologie sauvage avec du cinéma contemplatif, fondé sur la durée. Passé par la fiction (Le Fossé, sur la déportation dans le désert de Gobi de citoyens suspectés de « dérive droitière »), il revient au documentaire, en regardant ses personnages de face, en les suivant partout, mais sans donner le sentiment d'une quelconque intrusion. Il trouve sa place dans un coin, observe, laisse venir les choses. Et ce qu'il capte est souvent précieux, d'un point de vue tant social qu'esthétique. »

Jacques Morice (Télérama : 28/03/2015)

 

«... La misère de ces pauvres gamines est suffocante. Sales, pouilleuses, mal nourries, habillées peu chaudement, elles affrontent chaque journée avec une force et une abnégation impressionnantes. Ying tout particulièrement. C’est sur elle que se resserre le film, après le départ de ses sœurs, emmenées en ville par leur père. Wang Bing élargit alors son film à la communauté, à l’occasion d’une fête de village qui rompt avec l’isolement de la fillette. Avec ses membres rougis par un froid piquant qu’on ressent presque grâce à l’approche très physique du filmage de Wang Bing... Ying émeut. Enfant prématurément confrontée à la réalité d’une vie d’adulte, elle s’encadre, fétu de paille, dans l’immensité des décors. Wang Bing  lui emboîte le pas, faisant oublier sa présence et fidèle à sa méthode immersive. On pourrait lui faire le procès de sa passivité face à tant d’adversité. Certes, son film est cruel comme peut l’être l’existence de ces fillettes. Mais le documentariste a-t-il pour rôle d’intervenir dans la vie de ceux qu’il filme ? » Sandrine Marques (Le Monde : 15/04/2014)

 

« Des existences plus reliées à la société par rien, et si démunies qu’elles ne parviennent même pas à rallier le train des villes pour y vivre en clochards. A sa manière habituelle, Wang Bing scrute patiemment cette réalité avec une sidérante ampleur du regard, une intelligence de ce qu’il filme, un sens inouï à faire surgir la douceur face à tant d’indigence et de rudesses. La capacité d’effacement de sa caméra est à la mesure de la beauté de ces quelques plans où sa présence se refait soudain sentir, au détour d’un regard ou au son d’un essoufflement de celui qui la porte – Wang Bing lui-même, atteint par le mal des montagnes, et alors plus perméable que jamais au fourmillement d’un réel que l’on voudrait croire prélevé sur un autre temps que le nôtre. »

Julien Gester (Libération : 15/04/2014)

 

« Dépourvu de tout commentaire, de toute indication autre que les noms et les âges des personnes apparaissant à l’écran, Les Trois Sœurs du Yunnan propose une immersion totale dans un monde oublié. Le temps y paraît cyclique, assurément autre, s’écoulant dans le brouillard et l’humidité qui semblent tout figer…  Les Trois Sœurs du Yunnan est également un documentaire riche des questionnements infinis qu’il soulève sur la position du filmeur face à la misère, sur le décalage entre une si dure réalité et celle du spectateur, décalage sensible notamment dans le caractère surréaliste que peuvent revêtir certaines images mêlant les petits corps d’enfants et les gros animaux des fermes (ce surréalisme-là renvoyant bien sûr au Buñuel de Terre sans pain, documentaire de 1932, ou de Los Olvidados, fiction de 1950). Cinéaste passionné par le réel, Wang Bing n’en est pas moins styliste. Le travail plastique est évident autour des notions d’intérieur et d’extérieur, travail prolongeant chez lui une réflexion sur le passage de l’un à l’autre, du public à l’intime, de la fiction au document. »

Edouard Sivière (Les Fiches du cinéma : 13/04/2015)

 

« Dans Les Trois Sœurs du Yunnan, Wang Bing restitue pas à pas, plan après plan, un quotidien fait de gestes répétitifs, celui de petites paysannes vivant quasiment seules dans un village à plus de trois mille mètres d’altitude. Mais, s’il décrit une situation de grande vulnérabilité engendrée par les bouleversements économiques, il ne cède à aucun misérabilisme, montrant l’énergie acharnée que ces fillettes déploient pour vivre leur enfance.

Wang ne porte aucun jugement sur les personnes qu’il filme et qu’il a soigneusement choisies. Ces vies qu’il présente hors de toute sociologie vont simplement, fortement, constituer un portrait intime et puissant de la société chinoise dans laquelle il est immergé. Se soumettre à la durée peu commune des films de Wang, c’est en quelque sorte partager, au cours d’un moment qui dit leur vérité, le sort de ceux qu’il aime appeler ses « personnages ». D’autant que, tournant en son direct, soumis aux aléas de la lumière fluctuante des endroits clos dans lesquels se déroulent le plus souvent ses films, le cinéaste compte sur l’attention de son spectateur. S’il se dit peu préoccupé par le cadre et libéré de toute prétention artistique, Wang, en photographe, compose des plans loin de laisser indifférents. » Philippe Person (Le Monde diplomatique : mai 2015)

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