Touki Bouki_Extraits Critiques

PROPOS


«Mon désir profond était, et est toujours, de continuer le western que j'ai vu dans mon enfance. C'est ça qui m'a amené au cinéma. Mais ce n'était pas pour raconter des histoires... Ce qui m'en a détaché un temps, sont des priorités sur un plan autant personnel que social. Et quand on voit la façon dont nous sommes distribués en Afrique, on se dit que le cinéma n'est vraiment pas le meilleur moyen de s'adresser à son peuple… C'est le cinéma qui m'a choisi. Parce que je voulais toujours, toujours refaire Le Train Sifflera Trois Fois. Peut-être que si je n'avais pas vu ce film je n'aurais pas fait de cinéma. J'aurais écrit, peut-être. Pourquoi Le Train Sifflera Trois Fois ? Parce que j'avais entendu : "si toi aussi tu m'abandonnes..." En fait, c'est la solitude qui caractérise ma vie. Malgré moi. Dans Touki Bouki, c'est des hommes seuls. Badou boy, c'est des gamins seuls. Contrat city, c'est une ville seule. Les Hyènes, c'est un homme seul. Qui meurt en respiration, la cigarette au bec.  L'image n'a pas de rôle. L'image reçoit des ordres. Une image en elle-même dans le cinéma n'existe que quand tu lui donnes un ordre. Mais il faut accompagner cet ordre. Il faut lui dire : " bon, image, où es-tu ? ", elle te dit: " je suis là ", et tu lui dis : " va me faire ça ". Et elle le fait si tu lui en donnes l'ordre correctement et poliment.


La seule création qui appartienne à Dieu et qui soit accessible à l'homme est de créer le vent. T'es-tu jamais posé la question de savoir où va le vent ? Moi je n'ai jamais arrêté de me la poser. Le destin de l'image, le destin du vent, le destin d'un homme, le destin d'un souffle, le destin d'un sentiment, le destin d'une cause, c'est là où va le vent. C'est un acte grave que de montrer des hommes en mouvement et il ne faut pas se tromper.

Interview par Simon Njami  (Revue noire)

SYNOPSIS


Mory, jeune berger un peu marginal, et Anta son amoureuse, étudiante provocante, rêvent de partir pour Paris. Pour réaliser leur rêve, il ne leur manque que l'argent du voyage. Mory décide de se le procurer par des moyens peu orthodoxes.... Récit poignant de l'Afrique des années 1970, celle divisée par l'envie d'exil et la volonté de s'affirmer. Choisir entre modernité et tradition, voilà ce que soulève comme question, ce grand maître du cinéma sénégalais.

Djibril DIOP  MAMBETY

Né le 23 janvier 1945 à Dakar. À l'âge de dix-sept ans, Djibril Diop Mambéty crée le premier café-théâtre sénégalais. Un temps sociétaire du Théâtre National Sorano de Dakar, il joue dans quelques films et obtient du directeur du Centre Culturel français de Dakar de l'équipement et un cameraman pour tourner son premier court-métrage.

Djibril Diop Mambéty, à la différence de beaucoup de ses contemporains africains, commence à faire du cinéma sans aucune formation théorique ni pratique. Il tourne une première version de Badou Boy en noir et blanc, puis une seconde en couleurs (1969). Mais c'est avec Touki-Bouki (1973), évocation du sort de jeunes Dakarois rêvant de venir en France, qu'il entre au panthéon des cinéastes africains. A l'aide d'images symboliques et d'une bande-son colorée, il dresse de son pays et de ses rapports avec l'ex-puissance coloniale un constat à la poésie amère. Menant une vie de saltimbanque, et ne désirant tourner que " s'il a quelque chose à dire ", il attend plusieurs années avant de refaire du cinéma. Hyènes (1992) est une nouvelle allégorie de la corruption à l'œuvre dans la société africaine, inspirée par la pièce La visite de la vieille dame de Friedrich Dürrenmatt. Une fois encore, la manière du cinéaste se détache du lot commun de la production africaine en imprimant à la fiction un rythme soutenu et un regard mobile. Le Franc (1994) et La petite vendeuse de soleil (1999) sont deux moyens métrages d'une trilogie inachevée, Histoires de petites gens, où le cinéaste sénégalais donne une vision de plus en plus sombre de l'Afrique, sans toutefois perdre de son humour et de sa lucidité. Il décède le 23 juillet 1998 à Paris.

 BIFI : La Cinémathèque française

«Je crois à la vertu du vent, aux commandements du vent. Je sais attendre le vent parce que j’aime le vent, parce que j’écoute le vent. Je suis ouvert au vent. Les vents contraires, comme ils m’indiffèrent, passent. Mais le vent que j’attends vient, m’emplit, m’emporte. Il n’y a que des possibles qui se rencontrent. Pas des amis forcément, mais des possibles.

Et quand je rencontre des possibles, nous faisons ensemble des petites merveilles. Je remercie toujours mes possibles.»

Djibril Diop Mambéty