Le bouton de nacre
Le bouton de nacre_Extraits critiques

SYNOPSIS


Le bouton de nacre est une histoire sur l’eau, le Cosmos et nous. Elle part de deux mystérieux boutons découverts au fond de l’Océan Pacifique, près des côtes chiliennes aux paysages surnaturels de volcans, de montagnes et de glaciers. à travers leur histoire, nous entendons la parole des indigènes de Patagonie, celle des premiers navigateurs anglais et celle des prisonniers politiques. Certains disent que l’eau a une mémoire. Ce film montre qu’elle a aussi une voix.

 

En ayant pour fil conducteur le rapport à l’eau qu’entretient le Chili, le film évoque des épisodes historiques chiliens tels que l’histoire des Amérindiens de Patagonie (Kawésqar, Tehuelches, Selknam, Mánekenk, Yagán) qui ont été massacrés, déportés, déculturés et dont il ne reste de nos jours que de rares descendants, et le coup d’État du 11 septembre 1973 et la répression qui a suivi durant le Régime militaire d’Augusto Pinochet.


Le film propose un parcours intrigant sur le thème de l’eau, à la manière de Gaston Bachelard (L’Eau et les Rêves, 1942), ou encore à la façon de Chris Marker, mais c’est pour mieux évoquer deux épisodes fondateurs du Chili actuel, la disparition, occultée et oubliée, des peuples autochtones, et celle plus bruyante des années de plomb de 1973-1990.

 

Que serait le Chili sans l’eau ? Les habitants actuels du pays semblent l’avoir oubliée, alors qu’elle faisait partie intégrante de la vie des indigènes de Patagonie. Mais l’homme blanc s’est emparé de leurs territoires : les Indiens ont perdu leur langue, leurs coutumes, ont sombré dans l’alcoolisme et ont péri à cause des maladies amenées par les colons. C’est également là-bas, qu’ont été enfermés les anciens membres ou sympathisants du gouvernement Allende. La dictature de Pinochet a éliminé ses opposants avec des méthodes barbares, parfois aidée par les civils sur place. L’océan, mémoire des années de plomb, leur a servi de tombeau... Télérama


Quelques personnages 


Gabriella Paterito

C’est la dernière descendante de l’ethnie kawésqar qui peut encore se souvenir de la vie de son peuple avec lucidité et précision. Enfant, elle a parcouru plus de 1000 km en canoë, de Punta Arenas jusqu’au golfe des Peines. Grâce au travail entrepris par son fils Juan Carlos Tonko, la vie de Gabriela est sortie de l’anonymat. Elle vit à Puerto Edén et gagne sa vie en réalisant des objets artisanaux.

 

Christina Calderón

Elle est la dernière représentante de l’ethnie yagán et reconnue comme un « trésor humain vivant » par le Conseil national de la culture et des arts du Chili. Elle a 86 ans et gagne aussi sa vie en fabriquant des tissus artisanaux. Elle a œuvré pour la sauvegarde de la culture et des légendes yagán. Elle vit à Villa Ukika, le village le plus austral au monde.

 

Gabriel Salazar

Il est actuellement professeur de philosophie et de droit à l’université de Santiago. Il a reçu le Prix national d’Histoire en 2006. Il a fait des études supérieures en Angleterre où il a obtenu un doctorat en histoire économique et sociale. Il a été torturé dans les geôles de Pinochet. C’est un des intellectuels les plus véhéments du pays aujourd’hui, attaché à étudier le « sujet populaire chilien ».

 

Claudio Mercado

Il a créé les archives de musique indigène du Musée chilien de l’art précolombien. Titulaire d’un master en musicologie, il est anthropologue spécialisé en archéologie. Il est auteur de musique expérimentale et se passionne pour les chants traditionnels qu’il interprète lui-même avec des groupes de paysans de la côte et du centre du Chili.


Raul Zurita

Son œuvre poétique lui a valu le Prix national de littérature en 2000. Après le coup d’État, il a été torturé dans les soutes du cargo Maipo.

Patricio GUZMÁN

Depuis plus de quarante ans qu’il réalise des documentaires, Patricio Guzmán Lozanes apparaît aujourd’hui comme le cinéaste de la mémoire du Chili. Né en 1941 à Santiago du Chili, il débute des études de cinéma en 1963, qu’il poursuit à Madrid de 1966 à 1969.

En 1973, neuf mois avant le coup d’État militaire du 11 septembre, il entame un projet cinématographique inédit, consistant à filmer l’expérience de la gauche chilienne au pouvoir. La Bataille du Chili (1973-1979), vaste et passionnante trilogie construite avec l’aide de Chris Marker (spécialiste du documentaire engagé), dénonce le mécanisme politique qui conduisit au renversement du président Salvador Allende. Le film, fondateur de la démarche bientôt obsessionnelle de son auteur pour la tragédie nationale, lui vaut d’être arrêté pendant deux semaines par le régime d’Augusto Pinochet. Relâché, Guzmán quitte le Chili à la mi-octobre 73.



Vivant d’abord à Cuba, puis en Espagne, il finit par s’installer en France. Le cinéaste continue cependant de s’intéresser à son pays, notamment par un hommage rendu au rôle de l’Église catholique pendant la dictature (Au nom de Dieu, 1987). Il s’écarte un moment de l’histoire du Chili, et réalise La Croix du sud (1992), sur la religiosité populaire en Amérique latine, puis Les Barrières de la solitude (1995), histoire d’un village mexicain racontée par ses habitants. Mais, en 1997, après vingt-quatre ans d’exil, Guzmán remet le traumatisme des « années de plomb » sur le métier et questionne la mémoire de son pays, alors en pleine expansion économique et enclin à l’oubli (Chili, la mémoire obstinée). Le Cas Pinochet (2001) s’intéresse ensuite aux actions en justice menées à Santiago et à Londres par les [familles de] victimes de tortures et de meurtres commis sous Pinochet. En 2004, trente ans après La Bataille du Chili, le réalisateur revient sur la figure de Salvador Allende dans un documentaire éponyme. Entre images d’archives et témoignages, Salvador Allende retrace la vague d’espoir suscitée par le président socialiste, démocratiquement élu en 1970, et stigmatise l’implication de la haute bourgeoisie chilienne dans sa destitution.

Après Mon Jules Verne (2005), regard croisé entre l’imaginaire vernien et la science contemporaine, Guzmán réinvente soudainement son cinéma. Nostalgie de la lumière (2010) 1, premier volet de ce qui forme aujourd’hui un diptyque 2 avec Le Bouton de nacre, n’est alors plus une « simple » mise en scène de l’Histoire, mais le brillant moyen de faire converser entre elles les strates qui la composent. Attestant de sa fascination pour les télescopes les plus puissants du monde (qui permettent d’entrevoir le passé et d’annoncer l’avenir), le cinéaste tourne Nostalgie de la lumière dans le désert d’Atacama au nord du Chili. Là même où gisent les ossements des opposants au régime de Pinochet, torturés et assassinés sous son commandement. De la lumière du ciel à l’ombre des fosses, Guzmán fait alors pivoter son regard sidéré, et témoigne d’une émouvante nostalgie pour le passé astronomique sans retour et les espoirs politiques déçus, sans lendemain.

Le même principe de correspondance du singulier à l’universel, des éléments et du cosmos en relation avec le roman national chilien, anime aujourd’hui le cœur du Bouton de nacre.

Le bouton de nacre

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