La place
Les Balles du 14 juillet 1953

SAMEDI 20 MAI à 17 h

SYNOPSIS


    Dans le plus grand abattoir d’Alger, des hommes vivent et travaillent à huis-clos aux rythmes lancinants de leurs tâches et de leurs rêves. L’espoir, l’amertume, l’amour, le paradis et l’enfer, le football se racontent comme des mélodies de Chaabi et de Raï qui cadencent leur vie et leur monde.

EXTRAITS CRITIQUES


   « Dans ma tête y a un rond-point. Avec quatre-vingt-dix-neuf chemins. Et je ne sais pas lequel prendre. » Ces mots ne sont pas ceux d'un routier mais d'un jeune boucher, qui travaille dans un abattoir à Alger. Le réalisateur y a posé sa caméra pendant deux mois, jour et nuit, pour filmer la vie des employés, des hommes exclusivement. Dans des conditions d'hygiène effrayantes, ces forçats du coutelas — qu'on voit peu égorger les bêtes — écoutent du raï et discutent beaucoup. D'amours contrariées, de Karim Benzema qui ne chante pas La Marseillaise, ou de ce dilemme si contemporain autour de la Méditerranée : traverser ou se suicider. Entre les murs de cet abattoir se mêlent souffrance et désespoir.

TELERAMA, Jérémie Couston


   Sur fond de raï et entre confidences intimes ou déclarations poétiques, voire frôlant la philosophie, un documentaire âpre mais édifiant sur l'Algérie d'aujourd'hui.

Les fiches du Cinéma, Gilles Tourman

 

   Simple, profond et intelligent, le film produit a la classe de ne pas céder à la facilité de l'allégorie, même si dans le cas présent c'était plus que tentant. Eh bien ! justement non, cette Algérie en sang que filme Hassan Ferhani est une ode à la vie et à ses mystères, la chair de son film n'est pas la vie des bêtes qu'on abat mais celles des hommes qui se débattent avec la vie.

Film en immersion qui ausculte notre part d'humanité, film poétique et habité, donc religieux dans le sens profond du terme, film politique bien sûr et définitivement mais qui redonne à ce mot toute sa signification, l'ultime qualité de ce film reste sa générosité : il s'adresse à tout le monde, et tout le monde peut s'y reconnaître.

HuffPost Algérie, Tewfik Hakem, juillet 2015


   Ferhani arrive à merveille à dédoubler le regard, révéler les paradoxes de cette très étrange coexistence de deux systèmes oppressifs, incommunicables l’un à l’autre : celui des hommes entre eux, celui des hommes et des bêtes ; l’un se filme et s’exorcise par la parole, l’autre se tient juste à côté, sanguinolent, impénétrable. L’abattoir devient un théâtre de proximité, une intrusion chez une jeunesse aux prises avec une broyeuse d’espoirs. Otages de ce huis clos en apesanteur, les bruits et les odeurs accompagnent les journées pénibles comme une mort lente. La lenteur des séquences, c’est celle de l’Algérie d’en bas, une lenteur écœurante et résignée. Ces travailleurs qu’on ne veut pas voir sont pour bon nombre d’entre eux venus de l’intérieur du pays, avec leurs codes et leurs accents, troubler l’image mi-bourgeoise, mi-citadine de la capitale.

Les Inrockuptibles, Théo Ribeton

DANS MA TÊTE UN ROND-POINT

HASSEN FERHANI

   Dans ma tête un rond-point (Fi rassi rond-point) est le premier long-métrage documentaire de Hassen Ferhani. Sorti en salles le 24 février 2016, il a récolté de nombreuses distinctions dont le Grand Prix du Festival International du cinéma d’Alger, le Tanit d’or aux 26èmes JCC de Carthage, ou encore le Prix du meilleur documentaire international au Festival du Film de Turin.

PROPOS du réalisateur : recueillis par Quentin Mével et Stratis Vouyoucas, pour aligre FM (93.1),15 février 2016

   On est dans un abattoir, certes, mais l’abattage reste hors-champ. Ce qui importe ici c’est la parole singulière des ouvriers. Comment avez-vous trouvé ce lieu et rencontré les personnages du film ?

Le quartier où j’ai grandi à Alger se trouve juste à côté des abattoirs. J’ai donc un rapport avec ce lieu depuis longtemps (…) Le film naît aussi d’un désir de tourner avec des ouvriers, ce qui est très rare dans le cinéma algérien. En traversant un jour les abattoirs, j’ai découvert un monde. J’ai d’abord été frappé par un univers sonore, ils écoutent beaucoup de musique. Ce qui m’a aussi frappé, ce sont les couleurs – des aplats rouges, roses, etc. chaque pièce a sa couleur. Puis, tourner dans ce lieu est devenu une nécessité. Parmi toutes les personnes qui travaillaient dans l’abattoir, je cherchais plus particulièrement des personnes qui portaient en eux un certain rapport à la poésie.

   On écoute beaucoup de musique dans ces abattoirs. Quelle est la place de la musique dans votre film ?

   Le raï est une musique écoutée par tout le monde en Algérie. Et on écoute en particulier Cheb Hasni qui a été assassiné dans les années 90. Il y a une chanson dans le film (Hasni Galou Hasni Mat) qui est quasiment prémonitoire puisqu’il y parle de son assassinat qui aura lieu quelques mois plus tard en plein Oran (le 29 septembre 1994, ndlr). Dans cette musique, on passe vraiment du désespoir, au rêve, à l’amour… Le montage que j’ai essayé de faire est à l’image de cette musique. C’est un montage plutôt raï.

   Les deux personnes qui échangent sur l’amour sont passionnantes, et très drôles. C’est un vrai duo comique, des Laurel et Hardy algériens. Deux jeunes qui se posent pleins de questions. Ils me donnent aussi le titre du film (…) C’est d’abord un film avec cinq protagonistes, je reste avec eux, j’ai envie de les montrer en relief, sans les figer. Ils n’arrivent jamais avec un discours, il faut au contraire filmer la complexité de chacun, on est parfois dans le doute, puis dans le rêve. On est tous comme ça. Un ouvrier qui travaille dans un abattoir, payé au smic, se pose encore plus de questions. Ces ouvriers sont en première ligne de tout ce qui se passe en Algérie aujourd’hui. Ils posent les questions de façon plus brutale, mais, en même temps, ils rêvent

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LES BALLES DU 14 JUILLET 1953