L'impératrice rouge_Propos Marlène Dietrich

Jugements et critiques

D’après Maria Riva (o.c.): «À sa sortie, L'Impératrice rouge recueillit des critiques désastreuses.»

Homer Dickens écrit en 1974 (in Les films de Marlene Dietrich) que les critiques, à sa sortie, «èrent le film de spectacle délirant, d'hallucination, de sophistication outrancière.»

Thierry de Navacelle (in Sublime Marlene, éditions Ramsay) rajoute en 1982 que les critiques «le film de mauvais goût, de folie, de prétention et de ridicule.»

Pour le Time Magazine, le film est une «hyperbole; le réalisateur Josef von Sternberg a réussi l'exploit invraisemblable d'ensevelir Marlène Dietrich sous un monceau de gargouilles en plâtre de Paris et de Cosaques au galop [.] La pire séquence est celle où, montant un cheval blanc, Marlène Dietrich escalade les degrés conduisant au palais.»

Le critique du New York Herald Tribune juge le film «, maniéré et ostentatoire.»


Il faut croire, comme l’écrivait Marlene Dietrich (voir plus haut), que le film était vraiment en avance sur son temps. Et Sternberg lui-même explique à sa façon ce mauvais accueil dont souffrit son film:


«Le monde est avide de formules faciles à assimiler, et comme je ne lui en ai pas fourni, je ne pouvais échapper à de sévères critiques… Je n’ai fait qu’explorer la puissance des éléments cinématographiques, en laissant aux autres le soin de l’utiliser à vendre de l’émotion. L’analyse des lois qui régissent la mise en forme cinématographique est le travail d’un esprit scientifique, qui lui aussi doit laisser ses émotions à l’écart du but poursuivi. Au cœur même de la science se révèle la poésie de l’univers…»

Josef von Sternberg, Lettre à Curtis Harrington, 1949.


Entre temps, les choses ont bien changé, et on ne compte plus les jugements dithyrambiques émis au cours de ces dernières années depuis la reprise du film.

«Cela ne faisait pas quatre ans que Sternberg avait "inventé" sa Dietrich. Ces quatre ans, de 1930 à 1934, pendant lesquels ils firent ensemble cinq films, ont suffi à construire un des mythes les plus absolus d'Hollywood, une femme fatale indépassable, sinon peut-être par Garbo, son unique rivale qu'elle avait d'ailleurs pour mission de détrôner.»

Isabelle Régnier, Le Monde, 10 avril 2012


«des films les plus ambitieux de Sternberg, sur lequel il exerça un contrôle absolu, veillant au moindre détail et allant même jusqu’à diriger lui-même un orchestre symphonique. [...] L’irrésistible ascension de Sophia Frederica, devenue la Grande Catherine, la Messaline du Nord, est d’abord pour Sternberg l’éveil à la vie d’une jeune femme, surprotégée pendant son enfance, qui découvre le pouvoir qu’elle peut exercer sur les hommes et qui en use pour justement parvenir au pouvoir absolu, mais aussi pour sauver sa vie. Le film est certainement un des plus délirants qui aient jamais été tournés, un des plus aboutis plastiquement. Le palais des tsars, avec ses portes gigantesques, ses sculptures monstrueuses, ses chambres meublées de fourrures, ses milliers de bougies, ses icônes et ses fresques, est un "paysage" fabuleux, à la mesure d’un délire baroque dont on n’en finirait pas d’énumérer les temps forts.»

Pascal Mérigeau, http://www.lecinematographe.com


«Dietrich, façonnée plus luxueusement que jamais par son cinéaste-Pygmalion, fait entrer la vie dans l'univers morbide et décadent du palais d'Hiver, décor à huis clos du film. Et quel décor! Un monde d'artifices et d'illusions où règnent les voiles, les bougies et les miroirs. Un monde où les objets inanimés semblent avoir une âme: les sculptures du Christ convulsé font écho au désordre du monde, quand d'autres statues grimaçantes semblent se voiler la face devant les horreurs dont elles sont les témoins. Rarement mise en scène n'a été aussi baroque que dans ce spectacle fascinant, à la fois ironique et tragique, terrifiant et somptueux.»

Samuel Douhaire, Télérama, 23 juillet 2016

Marlène DIETRICH