No land's song
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SYNOPSIS


 En Iran, depuis la révolution de 1979, les femmes n'ont plus le droit de chanter en public en tant que solistes. Une jeune compositrice, Sara Najafi, avec l'aide de trois artistes venues de France (Elise Caron, Jeanne Cherhal et Emel Mathlouthi), va braver censure et tabous pour tenter d'organiser un concert de chanteuses solo.


Après la révolution islamique de 1979, l’Iran interdit aux femmes de chanter seules en public – leurs voix feraient naître des désirs impurs. Et si elles s’entêtent encore à apprendre à chanter, c’est avec la quasi-certitude de ne jamais exercer leur talent hors de chez elles, explique Sara Najafi. L’une des chanteuses que l’on voit dans le film, raconte-t-elle, a réussi un jour à chanter seize secondes en solo en public, et le fait d’armes était tel qu’elle n’a cessé d’en parler des semaines durant.

Autant dire que la croisade de Sara Najafi aura plus d’une fois tenu du calvaire, et qu’elle aurait peut-être renoncé sans le soutien des siens. Le film met en scène certains de ces acolytes, mais les plus précieux sont cachés, dans le hors-champ du film : son père, qui l’invitait par gestes à rester calme face au théologien comparant l’effet de la voix féminine à celui d’un « fromage trafiqué ». Sa mère, qui l’accompagnait au ministère de la culture et de l’orientation islamique dont Sara devait franchir seule les portes, ayant caché sous ses voiles un dictaphone, car « il fallait tout enregistrer, en vue du prochain rendez-vous avec l’Histoire ».

Le concert a eu lieu, mais il reste improbable que le film circule en Iran autrement que sous le manteau – ce que Sara Najafi appelle de tous ses vœux. Elle semble en attendant accorder beaucoup de prix à la sortie française. « Nos pays sont très proches, affirme-t-elle. Mais à Paris, vous vivez chez vous et dehors de la même manière. En Iran, nous n’avons pas le droit de vivre ainsi dehors, alors que chez nous, nous vivons comme vous. »

 

Un album en préparation à Paris

Cette proximité explique peut-être le rapprochement artistique autour du concert avec les chanteuses françaises Jeanne Cherhal et Elise Caron (dont Sara Najafi précise qu’il a sans doute permis d’obtenir in fine l’aval du gouvernement iranien, soucieux de son image internationale). Le film prend cependant le temps d’illustrer le fossé qui demeure en dépit des beaux sentiments. Avant l’arrivée des musiciens français, Sara Najafi se moque gentiment de ce qu’ils ont parlé d’annuler leur voyage, parce qu’ils craignaient une guerre en… Syrie...

En Iran, dit Sara Najafi, le gouvernement fait comme si le concert n’avait jamais eu lieu. « Quel concert ? », lui répond-on si elle l’évoque. « Voilà pourquoi il était si important de filmer, conclut-elle. Si nous n’avions pas filmé, personne ne voudrait nous croire. » Elle continue d’espérer, et prépare l’enregistrement à Paris en septembre d’un album qu’elle tentera de diffuser en Iran. En attendant que sa musique y revienne par ce chemin ou un autre, la plus belle pierre que le public français puisse apporter à l’édifice est peut-être la plus simple : aller au cinéma voir et entendre son histoire, pour témoigner que le concert a bel et bien eu lieu.

 

Noémie Luciani, Le Monde, 18-03-2016

 

Le documentaire d’Ayat Najafi a été projeté une seule fois à Paris, à L’Arlequin, et a été suivi d’un concert.

Ayat Najafi

 Né à Téhéran en 1976, Ayat Najafi étudie la scénographie dans sa ville natale et crée sa compagnie de théâtre étudiante en 1995 à l'université de Téhéran, participant à plusieurs ateliers sous la direction de maîtres du théâtre iranien. Il travaille comme réalisateur, auteur et scénographe pour divers ateliers et productions théâtrales.

Depuis 2000, il développe son propre travail de réalisateur pour un public iranien et international. En 2003, Ayat crée l'Atelier Arta, en se concentrant sur une approche interdisciplinaire et multimédia du théâtre, et réalise des courts métrages expérimentaux et documentaires. En 2005, il participe à la Berlinale Talent Campus avec son court métrage Move It (2004).

Étudiant à l'Université de Konstanz (octobre 2008-septembre 2009), il y présente sa pièce, Histoires de femmes à moustache et d’hommes en jupe. Lady Téhéran, sa deuxième production théâtrale en Allemagne avec une équipe internationale, est montée à Berlin en 2009, suivie de Pakistan (does not) exist. En 2011, il crée Rasht-City of Women, également réalisé à Berlin.

La carrière cinématographique internationale d'Ayat débute en 2005, lorsqu'il participe à "Shoot Goals, Shoot Movies" à la Berlinale Talent Campus avec son court métrage, Move It (2004). Son premier documentaire Football Under Cover, co-réalisé avec David Assmann, est présenté au Festival international du film de Berlin 2008, remportant le prix Teddy du meilleur documentaire et le Prix Europa Iris du meilleur programme de télévision multiculturelle de 2009.

No land’s Song paraît en 2016.

Ayat a également été membre de plusieurs jurys de festivals de haut niveau, plus récemment du Jury d'Amnesty International au Festival international du film de Berlin 2012. Il a écrit de nombreux articles sur l'art et la culture.

Il vit actuellement entre Berlin et Téhéran.

 

 

Sara Najafi



  

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