Il était un père_Extraits critiques

Réception de son œuvre

L’œuvre d'Ozu reste inconnue en France jusqu'en 1978, soit quinze ans après sa mort. En 1978, trois films sortent sur les écrans français : Voyage à Tokyo, Le Goût du saké et Fin d'automne. Gosses de Tokyo sort en 1980. Josiane Pinon écrit qu'« au sein du cinéma japonais, l'œuvre d'Ozu Yasujiro – qui s'étale sur plus de trente ans – est d'une importance considérable ».


Analyse selon Gilles Deleuze, philosophe

Gilles Deleuze a analysé l’esthétique d’Ozu dans son ouvrage Cinéma 2 : L’image-temps. Selon lui, l’œuvre de Yasujirō Ozu dans son ensemble « réussit à rendre visibles et sonores le temps et la pensée ». Ainsi, à la question de savoir si le réalisateur japonais est un cinéaste néoréaliste, Deleuze répond que les néoréalistes ne l’ont pas imité, en créant le mouvement, mais l’ont plutôt rejoint. On peut donc rattacher Ozu au néoréalisme, à la condition de se détacher du cadre historique du néoréalisme italien, et de l’entendre comme « s'attachant à rendre des situations optiques et sonores pures »

Selon Deleuze, trois éléments sont importants chez Ozu : la caméra, l’esthétique du vide, et l’esthétique de la nature morte.

 

Concernant la caméra, elle est toujours basse et le plus souvent fixe, ou effectuant des « blocs de mouvement » lents et bas. Le montage est composé d’un simple cut, ce qui fait partie du style moderne sobre : « le montage-cut […] est un passage ou une ponctuation purement optique entre images, opérant directement, sacrifiant tous les effets synthétiques ».

L’esthétique du vide est liée selon Gilles Deleuze à la tradition japonaise zen-bouddhiste.

Chez Ozu, « un espace vide vaut avant tout par l'absence d'un contenu possible » : sans personnages et sans mouvements, ce sont des intérieurs vidés de leurs occupants, des extérieurs déserts ou paysages de la nature. Vidés de contenu dramatique, ils atteignent l'absolu, comme des contemplations pures, et prennent chez Ozu une certaine autonomie.

La nature morte est une image-temps directe, c’est l’image pure et directe du temps : elle donne à voir un changement, mais la forme de ce qui change,

  

EXTRAITS CRITIQUES

elle, ne change pas, ne passe pas. « La nature morte est le temps, car tout ce qui change est dans le temps, mais le temps ne change pas lui-même ».

L’esthétique d’Ozu a ce trait particulier de mettre en scène le charme triste des choses. C’est un élément important de la culture japonaise en général, et du cinéma d’Ozu en particulier : tout est assez triste, mais est ordinaire et banal, même la mort qui fait l'objet d'un oubli naturel. Les scènes de larmes soudaines sont d’ailleurs intégrées à cet ordinaire : elles ne marquent pas un temps fort ou une action décisive qui s'opposerait aux temps faibles de la vie courante. Il y aurait ainsi une harmonie, une continuité de l’univers, que les hommes viendraient troubler. « C'est la pensée d'Ozu : la vie est simple, et l'homme ne cesse de la compliquer en "agitant l'eau dormante". Il y a un temps pour la vie, un temps pour la mort, un temps pour la mère, un temps pour la fille, mais les hommes les mélangent, les font surgir en désordre, les dressent en conflits ».

Un cinéma extrêmement moderne donc -il ne manque rien ici au style de Ozu : composition et épurement du cadre, plans fixes, caméra au ras du sol, recours à l'ellipse et à la litote et même Chishu Ryu avec lequel il travaillera trente ans- au service d'une vision conservatrice que le cinéaste fera progressivement évoluer.


WIKIPEDIA, extraits

 

"Je vous parle des plus beaux films du monde. Je vous parle de ce que je considère comme le paradis perdu du cinéma. (…) Si notre siècle donnait encore sa place au sacré, s’il devait s’élever un sanctuaire du cinéma, j’y mettrais pour ma part l’œuvre du metteur en scène japonais Yasujiro Ozu…Les films d’Ozu parlent du long déclin de la famille japonaise, et par-là même, du déclin d’une identité nationale. Ils le font, sans dénoncer ni mépriser le progrès et l’apparition de la culture occidentale ou américaine, mais plutôt en déplorant avec une nostalgie distanciée la perte qui a eu lieu simultanément.

Aussi japonais soient-ils, ces films peuvent prétendre à une compréhension universelle. Vous pouvez y reconnaître toutes les familles de tous les pays du monde ainsi que vos propres parents, vos frères et sœurs et vous-même. Pour moi le cinéma ne fut jamais auparavant et plus jamais depuis si proche de sa propre essence, de sa beauté ultime et de sa détermination même : de donner une image utile et vraie du 20ème siècle". Cette déclaration d’amour d’un cinéaste à un autre est signée Wim Wenders, extraite de son documentaire, Tokyo Ga... 

Propos du réalisateur