Les intranquilles_Extraits critiques
Photos Nous les intranquilles

Message d’un terrien qui n’est plus en détresse, par Sébastien


Ce film est une histoire, une belle histoire! C’est une histoire qui a une histoire. Au départ nous ne savions pas où cela allait nous mener. On ne savait pas que nous traverserions la France pour le représenter, l’accompagner. Ce film est aussi, un message. Il montre toute l’humanité que nous avons en nous, il porte en lui ce qui nous lie et nous rapproche. Chacun des participants livre une part de lui-même, fait cadeau de ce qu’il est et de ce qu’il ressent. Pour moi, ce film réalisé avec Nicolas Contant est une œuvre à part. Partout où nous l’avons accompagné il a été bien accueilli; aussi bien par les spectateurs lambda, que par les professionnels et les personnes en souffrance psychique qui l’ont vu. Ce film est un exemple de ce qui peut se réaliser de manière collective, dans le respect de la singularité de chacun d’entre nous. Son originalité, sa poésie, sa faculté à capturer les instants, les moments de nos vies, en fait un témoignage. Il n’est pas plus beau, pour les patients qui y ont participé, que les moments où la salle rit ou s’étonne, quand les débats sont riches d’enseignement, quand les applaudissements retentissent à la fin de la projection, et quand les professionnels et les patients nous disent merci. Je suis fier d’avoir participé à cette aventure, je suis fier du film, je suis fier de mes amis, de mes soignants qui gentiment nous ont aidés guidés, soutenus. Je suis fier de l’image donnée par ce film et de cette autre psychiatrie, de cette pensée magnifique, de cette vision qui nous permet de nous exprimer, d’exister, de goûter au bonheur et d’être reconnus aussi comme des artistes.

Oh! Je ne me prends pas pour une vedette, je ne revendiquerai ni oscar ni césar, mais seulement la reconnaissance de notre statut d’êtres humains à part entière. Nous sommes peut-être des résistants...

Extraits critiques

Entretien avec Nicolas Contant

MCW - Nous, les intranquilles est un film réalisé dans un centre d’accueil psycho-thérapeutique, en collaboration avec les équipes soignantes et les patients. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre démarche?

NC - Mon intention était de faire un film collectif sur un collectif. Autrement dit, documenter par un geste partagé ce qui traverse un groupe sans hiérarchie, les possibilités qu’un tel fonctionnement offre, les tourments traversés, la charge subversive qu’il peut porter dans un monde entièrement hiérarchisé (dans l’entreprise, l’organisation du pouvoir politique, etc.).

J’ai donc cherché, à partir de mes expériences personnelles, des groupes militants, collectifs d’artistes, jardins partagés, associations... qui vivaient un fonctionnement horizontal. Je dois avouer que dans un premier temps je n’ai pas tellement trouvé d’expérience suffisamment intéressante ni explicite pour en faire un film. Jusqu’à ce que l’on me parle du Centre Médico Psychologique Antonin Artaud de Reims, inspiré par la psychothérapie institutionnelle. Loin de trouver un lieu parfait du point de vue du fonctionnement collectif, j’ai trouvé un lieu en recherche, dans une élaboration continuelle de ce qui fait le collectif, où la pratique alimente une réflexion théorique de fond. Il s’agit avant tout pour ce Centre d’être dans un processus. Et surtout, il y a une culture de la parole, ce qu’ils appellent l’intelligence collective, et cette formalisation quotidienne des enjeux et des problèmes était idéale pour faire un film.

Je suis donc allé quelques fois au Centre Artaud. à l'occasion d'une Assemblée Générale pour parler du projet, on a proposé que ça se passe dans le Centre et avec les patients. Ce procédé a fait débat, puis a été validé. Je suis donc revenu quelques mois plus tard, pour une durée de trois mois. L'accueil a été très généreux de la part des patients et des soignants. J'ai pris mes marques assez rapidement. On me laissait à peu près tout faire du moment que je contribuais au collectif comme n'importe quel membre. Dans un premier temps, j'ai donc participé aux différents groupes (chant, repas, écriture, assemblées générales).

Puis j’ai rencontré des personnes, patients et soignants, désireux de participer activement au film. Nous avons donc sorti les caméras et le film a vraiment commencé. Certains ont pris le son, d’autres ont voulu faire des films autonomes. On a tourné quelques séquences à plusieurs. En parallèle une caméra enregistrait les choses en train de se faire car j’imaginais qu’il serait difficile de faire exister tous ces éléments hétérogènes sans les contextualiser.

Initialement, je pensais qu’il serait possible de tourner le matin et monter l’après midi, mais j’ai bien vite réalisé qu’il y avait tant de choses à vivre au Centre, une réalité si dense à laquelle se confronter, qu’une telle ubiquité me serait impossible. Alors, j’ai réajusté les choses.

Il y a eu ces 3 mois de tournage à temps plein, puis des allers et retours durant 2 ans, pendant lesquels on regardait des prémontage de séquences, on en reparlait, on enregistrait des retakes, des corrections. Et nous avons enfin remis au collectif le soin de traiter les questions de montage les plus sensibles, autour de la représentation de la maladie notamment: l’incohérence, la violence, le délire, etc. Le film s’est donc constitué ainsi, par croisement des regards et ajouts successifs.

Mon Cher Watson

Article de presse

l'Est-éclair 17/05/2018