L'île aux chiens
L'île aux chiens_Extraits critiques

SYNOPSIS


En raison d’une épidémie de grippe canine, le maire de Megasaki ordonne la mise en quarantaine de tous les chiens de la ville, envoyés sur une île qui devient alors l’Île aux Chiens. Le jeune Atari, 12 ans, vole un avion et se rend sur l’île pour rechercher son fidèle compagnon, Spots. Aidé par une bande de cinq chiens intrépides et attachants, il découvre une conspiration qui menace la ville..


L’animation réussit bien à Wes Anderson. C’est la deuxième fois qu’il recourt au stop-motion («en volume»), technique qui consiste à photographier image par image des figurines façonnées à la main, dans des décors en modèles réduits... L'animation touche au cœur de ce cinéma ­maniaque, qui voit dans la fixité le comble du mouvement, dans la pose l'apogée du geste, dans l'image la pointe du récit. L'animation renvoie à la primeur enfantine des fables, de celles qui n'hésitent pas à faire dialoguer humains et animaux, comme issus d'un même moule.

L’Île aux chiens se déroule dans un Japon réinventé dont l’esthétique cérémonieuse offre un terrain de jeu idéal aux compositions frontales et guindées du cinéaste. Dans la mégalopole fantaisiste de Megasaki [se déroule] une quête mettant bientôt au jour les malversations électoralistes du maire Kobayashi.


Un récit à tiroirs

Retracer l’intrigue ne rend pas complètement justice à un récit à tiroirs, qui se déploie en une riche arborescence de flash-back et de digressions enchevêtrés. Le film multiplie les protocoles narratifs et scéniques, jusqu’à cette idée jubilatoire de mettre en scène, par des commentateurs assermentés, la traduction du japonais (langue des personnages) vers l’anglais (langue originale du film). De plus, l’odyssée des chiens se trouve innervée par un réseau de sous-intrigues retraçant les divers courants de résistance qui s’opposent à l’édile tyrannique… Le tout dans une effervescence romanesque menée tambour battant, où le simple fait de raconter devient une entreprise gigogne et ludique.

La plus grande beauté de L’Île aux chiens réside toutefois dans son rendu plastique. L’exubérance décorative d’Anderson, ici démultipliée, enlumine chaque image d’une multitude de détails picturaux, qui sollicitent l’œil dans une grande orgie de signes. On est convié à «» l’image du regard: le pelage pouilleux des chiens, les ordures et la vermine de l’île, les nuages filandreux de poussière, les luisances… Autant de textures merveilleusement figurées par le talent des animateurs-sculpteurs.


Un terrain politique

Pourtant, cette efflorescence formelle se fonde bel et bien sur un terrain politique - chose jusqu’alors assez inhabituelle dans le cinéma de Wes Anderson. Si le personnage du maire évoque clairement la récente vague des leadeurs populistes, l’exclusion et la relégation des chiens, parqués dans une jungle à ciel ouvert, semblent désigner une autre forme d’actualité: celle des crises migratoires qui font des ravages un peu partout dans le monde.

Plus largement, l’île apparaît comme le symptôme général d’une mise au rebut, dont le monde occidental est devenu le producteur massif; rebut matériel, animal, humain, sans quoi les grandes métropoles ne savent plus prospérer, et signe d’un dérèglement profond, à l’image des monstrueux amoncellements de déchets qui parsèment la décharge. Contre cela et contre toute démagogie politique, les personnages de Wes Anderson nous montrent la seule réponse appropriée: résistance, recherche, empathie, intelligence et loyauté.Mathieu Macheret, Le Monde

Wes ANDERSON

Wes Anderson (1er mai 1969 à Huston - Texas), réalisateur, scénariste, producteur américain, se revendique comme cinéaste autodidacte et indépendant. Amoureux de Paris, il y réside la majeure partie de l’année.

Après une licence de philosophie (Université du Texas), il s’amuse à réaliser des courts métrages en caméra Super 8. Malgré sa vocation cinématographique, il refuse d’étudier le cinéma à l’Université Columbia et se lance dans l’écriture et la réalisation d’un court-métrage, qui devient son premier long-métrage (Bottle Rocket, 1996) avec, dans les premiers rôles, ses amis Luke et Owen Wilson, qui entretiendront dès lors une relation privilégiée avec lui. Son deuxième film Rushmore (1998), très bien accueilli par la critique, l'impose comme un nouvel espoir du cinéma indépendant américain et marque sa première collaboration avec Bill Murray qui devient son acteur fétiche et tourne dans La Famille Tenenbaum (2001) et dans La Vie aquatique (2005), où il est un plongeur dépressif dont le look rappelle le commandant Cousteau. Dans la lignée de ses films "mélancomiques" sur les relations familiales, le cinéaste réalise À bord du Darjeeling Limited (2007) qui s'ouvre sur un court métrage, Hôtel Chevalier (avec Natalie Portman).


En 2010, il se lance dans le film d’animation avec Fantastic Mr. Fox adapté de la nouvelle du même titre de Roald Dahl, un long-métrage en stop-motion où il intègre les voix de Meryl Streep, Bill Murray, et George Clooney. Nommé aux Oscars et aux Golden Globes, le film reçoit le Cristal du Meilleur long métrage au festival international du film d’animation d’Annecy.


En 2012, Wes Anderson revient au film live avec Moonrise Kingdom, conte initiatique co-écrit avec Roman Coppola, et surprend à nouveau avec un casting éclectique composé de Bruce Willis, Edward Norton, Tilda Swinton et Bill Murray. Projeté en ouverture de la 65e édition du Festival de Cannes, le film est acclamé par la critique. En 2014 Anderson ouvre le festival de Berlin avec The Grand Budapest Hotel où défilent des personnages hauts en couleur, interprétés par un casting brillant parmi lequel les Français Mathieu Amalric et Léa Seydoux. Le film est encensé par la critique et plébiscité par le public.


En 2018, le cinéaste revient à la stop-motion avec L’Île aux chiens, un hommage à la culture et au cinéma japonais. Le casting vocal est prestigieux en version originale (Bryan Cranston, Frances McDormand, Scarlett Johansson,...) comme en version française (Vincent Lindon, Isabelle Huppert, Louis Garrel, Jean-Pierre Léaud,…). L’Île aux chiens ouvre la Berlinale 2018 remporte l’Ours d’argent du meilleur réalisateur.

La sortie du prochain film de Wes Anderson, The French Dispatch, tourné à Angoulême avec un nouveau «de rêve», est prévue pour 2020.

L'île aux chiens

Extraits critiques