Pororoca
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SYNOPSIS


Cristina et Tudor Ionescu forment une famille heureuse avec leurs deux enfants, Maria (5 ans et demi) et Ilie (sept ans). Ils ont la trentaine, vivent dans une ville roumaine, dans un joli appartement. Il travaille dans une entreprise de téléphonie, elle est comptable. Un dimanche matin, alors que Tudor se trouve avec les enfants au parc, Maria disparaît.


Immédiatement assimilable à la nouvelle vague roumaine, Pororoca, pas un jour ne passe, s’en écarte pourtant par bien des aspects. L’affiliation à ses semblables se situe surtout du côté de la profusion de détails de la vie quotidienne. L’immersion du spectateur dans la vie des protagonistes est immédiate et totale. Le spectateur est emmené directement dans l’ambiance de la famille de Tudor, un soir d’été sur la terrasse de leur appartement bourgeois du centre-ville de Bucarest. Tudor est un homme comblé, deux beaux enfants, une femme belle, aimante et complice, une situation financière confortable. On est loin pour le coup des portraits sociaux brossés par ses congénères de la nouvelle vague, on est ici plutôt dans une situation standard qui aurait pu avoir lieu à Madrid ou à Copenhague…

 

Le cinéaste donne, en filigrane d’une vie bien huilée, les indices d’une autre vie plus obscure. Madame reçoit des coups de fil suspects sur son téléphone portable, monsieur flirte avec une autre femme, également au téléphone. Mais ils ferment plus ou moins les yeux, car ils veulent préserver leurs intérêts communs, et par-dessus tout ils ont deux enfants qu’ils chérissent et qui occupent le gros de leur existence. Quand le drame arrive, la disparition dans un parc d’un des enfants, sous la surveillance de Tudor, les choses évoluent graduellement pour arriver à un paroxysme aussi violent qu’inattendu, que le mot pororoca (mot de la langue tupi de certains indiens du Brésil qui signifie énorme grondement et qui désigne un mascaret) ne suffit presque pas à traduire.

 

Pour en arriver à ce paroxysme, Pororoca chemine presque continuellement avec Tudor, d’abord quand il est en famille, puis, petit à petit, quand tout se délite autour de lui, et qu’il se retrouve seul face à son obsession de trouver, coûte que coûte, le coupable de la disparition de sa fillette. Constantin Popescu déroule patiemment son film. Les routines de la vie quotidienne se répètent inlassablement, de plus en plus vides de sens à mesure que les jours passent. L’après-midi joyeux au parc, du début de métrage, est un incroyable plan-séquence de plus d’un quart d’heure, où le spectateur, sentant le drame arriver par de petites touches, se surprend à fureter dans tous les coins, découvrant une scène avec un couple et leur bébé par-ci, une dispute à propos d’un chien par-là. La musique est quasi-inexistante, le bruitage de tous ces pans de vie est un personnage à part entière, très présent.

 

Pororoca est un film long, sans jamais être lent. Le sous-titre du métrage, pas un jour ne passe, illustre cette idée du temps qui s’étire, du protagoniste qui passe ce temps à attendre que quelque chose arrive, quelque chose qui n’arrive jamais. Le temps est un autre personnage de Popescu ; il accompagne Tudor dans sa lente descente aux enfers.

Constantin POPESCU

Réalisateur, écrivain et scénariste roumain, né le 15 décembre 1973 à Bucarest.

 

Après des études universitaires à Bucarest, en langues et littérature étrangères (licence d’espagnol et d’anglais, master d’Études Culturelles Britanniques), il fait des débuts littéraires. Il écrit ainsi dans plusieurs revues littéraires et publie un roman qui, en 2000, obtient le prix des jeunes écrivains de l’Union des écrivains Roumains de Bucarest.

Avant de devenir réalisateur il travaille comme traducteur et comme assistant de production et de direction pour les réalisateurs Bertrand Tavernier, Michael Haneke, Costa Gavras, Lucian Pintilie et Francis Ford Coppola. Il travaille parallèlement pour la radio roumaine internationale. À travers la société Filmex Romania, il est producteur sur des films de Lucian Pintilie, notamment Terminus Paradis (1998), Niki et Flo (2003) et La Tête d’Aurochs (2005), mais aussi sur Dimanches de permission de Nae Caranfil (1993), Trahir de Radu Mihaileanu (1993), Code inconnu de Michael Haneke (2000).

 

L’Appartement, son premier court métrage en tant que scénariste et réalisateur, obtient le Grand prix du Festival international du film de court métrage de Venise en 2005. La Maison du garde-barrière, sur un scénario de Cristian Mungiu, remporte le même prix en 2006. Son troisième court, Eau (‘Apa’), est présenté en 2008 en première mondiale au Festival du cinéma de Brive. L’action se déroule en juillet 1944 sur un champ de bataille au nord de la Roumanie. Soldats russes et roumains observent une courte trêve pour aller boire à un puits situé entre les tranchées qui les séparent.

En 2009, Constantin Popescu est l’un des réalisateurs roumains choisis par Cristian Mungiu (palme d’Or à Cannes avec 4 mois, 3 semaines, 2 jours en 2007), pour tourner un épisode de Contes de l’Âge d’Or (Tales From The Golden Age), présenté au Festival de Cannes 2009 dans la sélection « Un Certain Regard ».


Son premier long métrage, Portretul luptatorului la tinerete (Portrait of the Fighter as a Young Man) est projeté au festival de Berlin en 2010, et obtient le prix du meilleur réalisateur à Bratislava. Le deuxième, Principii de viata (Principles of Life, 2010), est projeté au festival de San Sebastian (section Zabaltegi – Nouveaux Réalisateurs).

 

Il est membre du jury de la sélection officielle du Festival de Cinéma de Turin en 2012 et membre du jury du Festival se Saint Sébastien en 2018.

 

Poporoca est son troisième long métrage. Le scénario, dont il est l’auteur, est presque un véritable roman de 350 pages.

POROROCA, pas un jour ne passe

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