Woman at War_Extraits critiques

Conversation avec BENEDIKT ERLINGSSON

 

Vos deux longs métrages Des Chevaux et des hommes et Woman at war, montrent l’humanité échouant à dompter ou dominer la nature. Qu’est-ce qui fait de ce conflit, de notre échec total, voire de notre bêtise, une si bonne source d’histoire et de comédie pour vous ?

 

J’ai récemment commencé à penser au lien entre mes deux films – Des Chevaux et des hommes et Woman at war, C’est quelque chose dont je n’étais pas vraiment conscient avant d’avoir terminé ce nouveau film. Il est clair pour moi que les droits de la nature doivent être considérés au même niveau que les droits de l’homme, et c’est effectivement une idée qui imprègne les deux films. Il est évident pour moi que les droits de la nature doivent être défendus par des lois nationales, inscrites dans toutes les constitutions, et par des lois internationales. Nous devons comprendre collectivement que la nature possède un droit intrinsèque et une nécessité d’exister, en dehors de nos besoins humains ou du système économique. Je peux, par exemple, imaginer un système plus rationnel, où une sorte de tribunal, statuerait si nous humains, souhaitons exploiter des sites vierges. Ces questions concernent le bien commun et notre existence à long terme. Tout comme la possibilité de priver quelqu’un de liberté en l’enfermant dans une prison pour le restant de ses jours. Je pense que c’est le bon moment pour réfléchir à ces questions.

Ajoutez à ça le paradoxe d’avoir dans certains pays un État, un instrument créé par le peuple et pour le peuple, facilement manipulable par des intérêts particuliers qui vont manifestement à l’encontre de l’intérêt général. Lorsque nous considérons le défi environnemental auquel nous sommes confrontés et ce qui se passe, c’est parfaitement limpide. Parfois, c’est un terreau fertile pour la comédie, comme dans mon petit pays ou dans le film, mais dans de nombreux pays, c’est une tragédie pure et simple. Je veux mentionner deux de mes héroïnes. Des femmes qui étaient vraiment en guerre. Berta Cáceres du Honduras et Yolanda Maturana de Colombie. Ces deux défenseures de l’environnement luttaient pour la vie même et en raison de leurs actions, elles ont été assassinées par des forces obscures qui avaient des intérêts pour les terres qu’elles défendaient. Le pire dans tout ceci est que l’État ne semblait pas se soucier de les protéger. Il semble même que dans certains pays, l’État se bat pour l’autre bord. On en arrive à des situations où les défenseurs de l’environnement sont les ennemis de l’État.

 

Le film pourrait être décrit comme un drame, un thriller écologiste, une comédie ou les trois à la fois. Comment pensez-vous le genre en travaillant sur un film ?

 

Je ne pense pas du tout au genre du film lorsque je le prépare ou travaille au scénario. Vient ce qui vient, le genre est quelque chose sur lequel on peut spéculer, une fois que l’enfant est né, si on peut dire. Vous ne réfléchissez pas à quel genre de personne sera votre enfant quand vous êtes en train de le faire. En tout cas, moi pas. Mon coscénariste Ólafur Egill Egillsson et moi n’avons jamais sérieusement parlé du genre du film. Nos discussions qui s’en rapprochaient le plus portaient sur les mots... conte, par exemple. 

Comment avez-vous choisi l’actrice principale Halldóra Geirhasdóttir ?

 

Halldóra est une amie d’enfance et une collègue. Professionnellement, nous avons grandi ensemble, elle était en quelque sorte ma grande sœur. J’ai également dû, dans le scénario, travailler la gémellité, je voulais qu’elle soit naturelle. Puis le destin m’a ramené Halldóra et j’ai compris qu’elle n’était pas seulement un choix évident mais le bon choix. Comme actrice elle a une puissance naturelle, et dans le théâtre islandais, c’est l’ACTRICE de notre génération. L’éventail de ses talents est tel que j’ai le sentiment que la qualifier d’actrice est réducteur. En plus de jouer à l’écran, c’est la clown la plus célèbre de Reykjavík et chaque année, dans un registre dramatique, elle tient des rôles principaux dans le principal théâtre de répertoire d’Islande. Elle a avec brio joué des rôles masculins, le chevalier lui-même dans Don Quichotte – un rôle qui pourrait être en lien avec celui du film. (…)

 

Elle a le même nom que l’héroïne du film est-ce une coïncidence ?

 

Halla est un nom répandu en Islande, chargé de références historique et culturelle. Halla et Eyvindur sont les derniers bandits de l’histoire islandaise, ils sont célèbres pour avoir survécu plus de 20 ans en se cachant dans les Hautes Terres au XVIIème siècle. C’était de vrais montagnards, voleurs de moutons et rebelles, de nombreuses histoires ont raconté leurs exploits et leur lutte. (…) Le nom Halla a donc une connotation agréable, tout au moins pour le public islandais.

 

Quelle a été votre démarche pour collaborer avec les musiciens et les chanteurs, était-ce un processus plus en profondeur qu’à l’habitude ?

 

Nous avons commencé à travailler sur la musique très tôt, nous devions trouver précisément ce que représenterait le groupe de musiciens dans le film. Tandis que nous suivions cette voie, cette autre musique revenait sans cesse, insistante. C’est devenu les trois voix de femmes ukrainiennes qui constituent le chœur d’Halla. Avec la musique, je voulais comme nous le disons en Islande, « garder la ceinture et les bretelles » pour être certain d’être flexible et ne pas me retrouver bloqué au moment du montage. À cette fin, nous avons fait des enregistrements de tous les morceaux puis nous avons fait des essais de prise de vue pour toutes les séquences avec les musiciens et les chanteurs. Notre but était de faire le plus possible d’enregistrements en direct lors des prises de vue. C’était un défi pour tous, pas seulement les musiciens mais aussi le chef décorateur, le directeur de la photographie et tous les techniciens son.

 

Comment votre parcours d’acteur et d’homme de scène influe-t-il sur votre manière de faire des films comme réalisateur ?

Je me considère comme un raconteur d’histoire qui souhaite également être un poète, donc je suis coincé entre ces deux approches, qui reviennent à vouloir monter deux chevaux à la fois. Ce qui d’ailleurs, est possible, il faut simplement avoir un don et un entraînement adapté, comme les meilleurs artistes de cirque.

Extraits du dossier de presse

Propos du réalisateur

Extraits critiques