Le Brésil désenchanté (Encantado)
Où est Edson ? (Cadê Edson)

  

Kleber Mendonça Filho

 est un réalisateur, scénariste et ingénieur du son brésilien, né en 1968 à Recife. Formé au journalisme, il devient critique de cinéma et programmateur, avant de réaliser ses propres films. Son œuvre, empreinte de critique sociale, intègre des éléments du thriller et du fantastique.En 2016, Aquarius, son second long-métrage est sélectionné en Compétition au Festival de Cannes du film étranger. Au Festival de Cannes 2019, il remporte le prix du Jury pour Bacurau, qu’il a co-réalisé avec son directeur artistique depuis 2004,

Juliano Dornelles.

Ce dernier est né à Recife en 1980. Il a également été chef décorateur des films Les Bruits de Recife et Aquarius. En tant que réalisateur et scénariste, il a réalisé  



Lunga apparaît comme un personnage mythique, qui va et vient comme une apparition.

KMF : Lunga est probablement un remix de différents éléments apportés par l’histoire et la culture populaire. Il a toujours eu ce côté mythique. Il vit enfermé dans sa forteresse, un barrage surplombant une digue asséchée, et il est annoncé dès le début du film comme « recherché » par la justice. C’est aussi un héros régional et populaire, un héritier possible de la culture du cangaço, un homosexuel dont on dit « Elle ».

 

Le film a une forte résonance politique vis-à-vis du contexte politique actuel du Brésil, qui rouvre tout un ensemble de plaies historiques. Mais de manière plus ponctuelle, on identifie la question des barrages meurtriers, de l’accès à la santé, de la libération du port d’armes.

 

KMF : C’est étrange comment Bacurau a été rattrapé par l’histoire du monde. L’écriture du scénario était en cours depuis des années quand des événements politiques sont survenus qui touchaient à des choses que nous avions écrites. Puis, il y a des éléments qui font partie de la vie au Brésil et des défis de notre société toujours très violente, comme par exemple le fait de traiter les livres comme de l’ordure.

 

JD : Nous avons eu affaire à une sorte de course contre la réalité tout au long du processus d’écriture du scénario. Les nouvelles que nous lisions tous les jours étaient (et sont toujours) si absurdes et dystopiques que Bacurau gagnait de plus en plus de vraisemblance.

EXTRAITS CRITIQUES


Le réalisateur des Bruits de Recife et Aquarius nous revient, accompagné d’un acolyte et coréalisateur, pour un film collectif, un western fantastique, une fable insurrectionnelle. Prix du jury pas volé au festival de Cannes 2019.

Bande à part, Isabelle Danel

 

Pur plaisir de cinéma, de cinéastes et de cinéphiles, Bacurau se fait le pertinent témoin de l’évolution d’une société brésilienne en plein bouleversement, pour ne pas dire au bord de l’implosion.

Culturopoing.com, Jean-François Dickeli

SAMEDI 27 MAi 2023 17h


Bacurau 

de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles


drame, thriller, 2h10, Brésil, V.O.S.T., sortie le 25 septembre 2019

Synopsis :


Un mystérieux serial killer s’attaque aux cinéastes les plus adulés de Téhéran. Hasan Kasmai, un réalisateur iranien, est étrangement épargné. Censuré depuis des mois, lâché par son actrice fétiche, il est aussi la cible des réseaux sociaux. Vexé, au bord de la crise de nerfs, il veut comprendre à tout prix pourquoi le tueur ne s’en prend pas à lui… et cherche, par tous les moyens, à attirer son attention.

Entretien avec Kleber Mendonça Filho & Juliano Dornelles


Bacurau est une ville imaginaire, et à l’intérieur du film, elle disparaît de la carte, ce qui lui confère une aura mythique. En même temps, c’est un foyer de résistance où différents leaders guident la communauté, on dirait un refuge qui réunit les derniers braves du monde dans tous les domaines.


KMF: L’aspect délicat de cette idée est de rendre cet endroit intéressant et confortable d’une certaine manière, en tant que communauté humaine, isolée et tranquille, mais consciente de ce qu’elle est et de son emplacement. Et si petit qu’il serait facile d’imaginer que quelqu’un pourrait essayer de jouer avec. Il est intrigant de penser à des étrangers ayant le pouvoir de désactiver une région d’un radar, des cartes ou du GPS. C’est une démonstration de puissance; ça arrive probablement tout le temps...


Le film se déroule dans un futur proche, mais on a le sentiment que différentes temporalités cohabitent dans ce monde: l’archaïque et l’hypermoderne alternent et se mélangent, comme si on était en dehors du temps.


KMF: L’effet spécial le moins cher de tout le film est la phrase «quelques années» au tout début. Cela donne le ton en renvoyant au futur, de manière que le spectateur est à la recherche d’artefacts futuristes dans l’image. Il y en a quelques uns, mais très peu. Je soulignerais l’utilisation d’objectifs Panavision anamorphiques américains de la série C (années 1970), qui donnent aux images du Nordeste dans Bacurau un aspect industriel inhabituel pour le cinéma brésilien. Les distorsions optiques de ces objectifs spéciaux évoquent un souvenir de cinéma très familier (le cinéma américain), mais aussi tout à fait étranger (nous sommes des cinéastes brésiliens qui filment le Nordeste). Nous adorons l'image produite par ces objectifs.


«» est un mot polysémique en portugais et présente une forte connotation régionale.

JD: Bacurau c’est la dernière chance de rentrer chez soi. C’est un oiseau aux habitudes nocturnes, qui se camoufle très bien quand il se repose sur une branche d’arbre. C’est un mot court et fort qui m’évoque le mystère de quelque chose qui est là, vivant, dans le noir, mais que personne ne voit. Il ne sera remarqué que s’il a lui-même envie d’apparaître. Le village de Bacurau se porte ainsi, il est intime du noir, il sait se cacher et attendre, et préfère même ne pas être aperçu.


KMF: C’est un terme local: le dernier bus du soir est dit «».

 

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