08-03-Penché dans le vent_Extraits critiques

En tant que cinéaste, comment envisagez-vous votre relation au public ? Qu’est-ce qui est le plus fort: les images ou les mots ?

L’intéressant dans le fait de réaliser des films c’est d’offrir une expérience sensuelle au public; il s’assoit dans la salle, et consacre du temps et de l’argent pour se retrouver dans une salle noire. L’écran et le son ont la capacité d’aspirer le public et de faire du film une expérience émotionnelle. Je suis caméraman, alors je privilégie souvent l’image. Je ne fais pas trop confiance aux mots, et je pense que l’image est beaucoup plus intéressante parce qu’elle laisse plus de place à l’interprétation. Chaque membre du public y amène ses propres bagages et regarde ces images. J’essaye de trouver la métaphore dans les images et d’en faire quelque chose de sensuel… Comme d’être ici.


Pensez-vous que la nature et l’art révèlent quelque chose de nous-mêmes et de l’humanité ?

En tant que cinéaste, la nature est pour moi l’une des choses les plus intéressantes parce qu’il y a cette idée que nous lui appartenons tous. Grâce à la nature, nous entrevoyons quelque chose de plus grand et c’est principalement ce qu’elle représente pour moi. Elle rend humble et fait prendre conscience que tout ne tourne pas autour de soi. La nature fait son travail ; elle ne vous attend pas. Ce qu’Andy Goldsworthy essaie de faire est de comprendre les cycles de la nature et comment nous pouvons vivre avec elle. Il ne s’agit pas de faire sans elle. Il est tout à fait conscient que nous avons besoin de la nature. Si vous entretenez un lien profond avec la nature, vous ne la détruirez probablement pas. Ce que j’aime dans l’art c’est qu’il offre une voie très intéressante pour comprendre ce qui se passe en soi, avec les autres et la société. Je suis particulièrement attiré par cet univers parce qu’il est très différent des approches scientifiques et autres ;  il est beaucoup plus profond pour moi.


  

Serait-il juste de dire que vous êtes un humaniste ?

Oui, j’aurais tendance à dire ça. J’aime ce que l’être humain peut faire et son système de pensée. Faire du cinéma, c’est s’appuyer sur l’humanité et essayer d’entrer en relation avec elle et de la comprendre. Faire un film, c’est toujours l’idée réconfortante d’essayer de comprendre quelqu’un. J’essaie vraiment de comprendre Andy et son travail. Grâce à son travail, je comprends ce que je fais de ma propre perception du monde. Je dois dire que j’ai beaucoup appris sur lui et l’art de faire du cinéma.


Comment avez-vous établi les limites entre Andy Goldsworthy et vous afin de ne pas empiéter sur sa vie privée ?

Dans ce cas précis, il y a quelque chose dont je voulais vraiment parler avec Andy : sa séparation et, finalement, la mort tragique de sa femme, Judy. (…). J’ai compris qu’il était important que ça apparaisse dans le film parce qu’au cours de ces quinze dernières années sa vie a changé. Il a traversé une épreuve et je pense que cela a eu un impact sur son travail. Alors, nous avons décidé qu’il aurait le dernier mot à la fin du film, que je puisse l’utiliser ou non, et nous en avons discuté.


Pensez-vous que nous vivons dans un monde superficiel ? Y a-t-il une quête éperdue de spiritualité ?


J’imagine, bien sûr; c’est un fait. Je crois qu’il y a une sorte de superficialité dans ce monde, mais si je regarde mon fils et ma fille, cette génération a beaucoup de choses intéressantes à offrir. L’argent ou travailler toute la journée ne les intéressent plus. De nouvelles conceptions de comment vivre sa vie se manifestent, comme la notion de partage ou cultiver son propre potager. Alors, je ne sais pas vraiment si le monde est superficiel. Certaines choses comme la télévision et peut-être les hommes politiques le sont, mais dans l’esprit des gens, j’ose espérer que l’espoir et l’idée que le monde ne peut se résumer à ça perdure : qu’il y a quelque chose de plus grand dans la vie. Je garde quelques espoirs à cet égard.



Entretien publié dans NYC MOVIE GURU

ENTRETIEN AVEC THOMAS RIEDELSHEIMER

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