NOTE d’INTENTION et EXTRAIT D’INTERVIEW de la RÉALISATRICE
Quand j’ai entendu parlé du Balai Libéré, j'ai tout de suite été fascinée par le caractère exceptionnel de cette histoire : « Des femmes de ménage licencient leur patron et travaillent en autogestion pendant 14 ans ». J'ai entrepris des recherches dans les archives pour en savoir plus, j'ai découvert le récit d'une lutte réussie qui s'inscrit dans l'histoire de la Belgique des années 70, mais aussi dans l'histoire d'une ville nouvelle, celle de Louvain-la-Neuve. Que Le Balai Libéré ait vu le jour à cet endroit-là, dans ce contexte-là n’est pas anodin.
À cette époque, il y avait un esprit pionnier, une envie de faire les choses autrement. La ville était une grande page blanche où des utopies pouvaient être tentées. Probablement que l’expérience n’aurait pas duré aussi longtemps à un autre endroit, dans un autre contexte que celui de cette ville universitaire en construction. Les revendications des travailleuses de l’époque ont convergé vers les aspirations politiques des militantes et militants de la Confédération des Syndicats Chrétiens et des habitants de l’époque. Trois semaines après le déclenchement de la grève, la direction de l’UCLouvain accepte de soutenir le projet de coopérative en signant un contrat, d’abord de trois mois, qu’elle renouvellera pendant quatorze ans.
Très vite, j’ai su que je ne voulais pas faire un film uniquement tourné vers le passé. Je me suis alors demandé qui nettoie l’université aujourd’hui et dans quelle condition. Je suis allée toquer aux portes de l’UCLouvain, qui m’a immédiatement donné son soutien dans son projet, ainsi qu’un accès inconditionnel à ses locaux, en vue de suivre celles et ceux qui œuvrent aujourd’hui à la propreté des lieux. J’ai été reçue avec beaucoup d’enthousiasme. Cette histoire, bien que tombée dans l’oubli, était présente dans les mémoires des plus anciens travailleurs et travailleuses de l’UCLouvain et évoquait encore beaucoup de la fierté.
Ce film n’aurait pas été possible sans le soutien de l’Université. Grâce à ces accès, j’ai rencontré l’équipe de nettoyage, employée par une société privée, qui, elle, n’avait jamais entendu parlé de cette histoire. J’ai compris très vite qu’ils allaient devenir les principaux protagonistes de ce film. Leur envie d’être dans la lumière pour une fois et de montrer l’utilité et l’importance de leur métier était très forte, surtout après la période covid que nous venions de vivre.
À travers leurs yeux, j'ai découvert la réalité de la sous-traitance et les conséquences que cela a sur les conditions de travail. Le système des appels d'offre de marché public entraîne un nivellement des prix par le bas, ce qui a pour conséquence la réduction des effectifs, entraînant mécaniquement solitude et accélération du rythme de travail.
Ce n’est pas spécifique à l’UCLouvain. Cela s’est généralisé à toute la fonction publique. Toutes les universités de Belgique y ont recours, ainsi que le parlement et la commission européenne, la STIB, (Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles), la SNCB (notre SNCF), etc. pour ne citer que ces grands exemples. C’est ce système généralisé que met en lumière le film, un système qui nous concerne toutes et tous. J’ai choisi de le montrer du point de vue des travailleurs et travailleuses.
Dossier de presse, Coline GRANDO
Extrait d’interview de C. GRANDO
Juste après le premier déconfinement, j’ai eu en face de moi des gens qui venaient de se prendre la crise sanitaire en pleine figure, et qui avaient un besoin criant qu’on parle d’ell-eux ! De fil en aiguille, j’ai fait des repérages, suivi le personnel sur le site durant leurs journées de travail, pour qu’i-els puissent aussi se raconter. Ensuite, l'idée a été de créer des rencontres entre ces personnes et les anciennes du Balai. J'ai essayé de faire des groupes de discussion avec des thématiques précises. Mais dès qu'une ancienne demandait:
«Mais alors, vous êtes combien aujourd'hui pour nettoyer ce bâtiment ?», ça partait en discussion ! Finalement le film parle surtout des conséquences de l’isolement au travail: collectives, individuelles, physiques, morales. Et ça, je ne l'ai pas écrit (rires). D'où l'importance du montage pour dégager ce qui semble important.Au final, moi qui ne voulais pas faire un film de parole... J'ai fait un film de parole (rire).
SCAM Belgique (Société Civile des Auteurs Multimedia), interview d’Elli Mastorou
Extraits critiques