ENTRETIEN avec le RÉALISATEUR
Interview de Guðmundur Arnar Guðmundsson par Cineuropa
Cineuropa : À un moment du film, vous citez un reportage télévisé sur la montée de la violence parmi les jeunes. Avez-vous a été inspiré par de vrais reportages concernant l'Islande?
Guðmundur Arnar Guðmundsson : Le film puise dans une période de ma vie d'adolescent, quand il y avait beaucoup de violence parmi les jeunes en Islande, surtout parmi les garçons. Ensuite, le gouvernement a réagi et il est parvenu à changer les choses : la situation s'est rapidement améliorée. Une des mesures qui a très bien fonctionné consistait à encourager les jeunes à faire du sport. Hélas, si le taux de violence a baissé pendant longtemps, il s'est remis à monter, il y a environ 10 ans. Ça n'a rien à voir avec ce que c'était avant mais malgré tout, il est difficile de dire pourquoi ça s'est passé. Il est aussi possible que maintenant, avec les réseaux sociaux, il soit plus facile de s'en apercevoir que par le passé. Quoiqu'il en soit, j'ai été inspiré pour cette histoire par mon voisinage, mais ça reste un récit fictionnel, un récit auquel ma génération pourra se rapporter assez fortement.
Les sujets de l’amitié et de la famille sont récurrents dans plusieurs de vos films. Les relations père-fils y sont très importantes aussi. Est-ce que vous insérez vos propres expériences dans les histoires que vous racontez ?
Je viens personnellement d’une famille avec des parents divorcés, et il y a beaucoup de familles de ce type en Islande. Comme moi, beaucoup de mes amis ont grandi avec des modèles féminins forts. Mon père était absent de ma vie. J’ai eu un beau-père qui était un homme formidable, mais il était un marin, donc il était absent aussi. Je n’avais pas d'homme violent à la maison, mais pour un bon nombre d'enfants du voisinage, c'était autre chose. Je voyais bien qu’ils avaient peur de leur père. Pour moi, c’était surprenant, tordu et bizarre. J’ai vu beaucoup d’hommes adultes qui étaient des gros durs à la maison et des types fragiles quand ils buvaient. L’Islande était un pays marqué par la masculinité toxique, à l'époque où j’ai grandi, mais ça a beaucoup changé, heureusement. Au-delà de ces sujets de fond importants, je voudrais souligner que ce qui m'intéressait d'évoquer ici, c'est plus l’amitié que la violence. L’amitié entre ces garçons est l’élément le plus important du film.
Cela montre que même si tout le reste est dur, l’amitié est encore possible, et elle peut devenir la chose la plus importante, à cet âge-là aussi. C'est peut-être un groupe de mauvais garçons, mais ça ne les empêche pas d'avoir une amitié puissante et réelle.
Comment avez-vous trouvé les jeunes acteurs ? Et comment avez-vous travaillé avec eux pour les préparer à leurs rôles ?
Nous avons fait un casting ouvert, pour essayer d'attirer le plus de garçons possibles. Nous avons ainsi choisi notre groupe et organisé un long atelier à côté de l’école, plaçant de plus en plus de responsabilité sur eux à travers une sorte de formation pas à pas. Leurs propres vies sont assez éloignées de celles de leurs personnages, même si la plupart d’entre eux connaissaient des garçons à l’école qui pouvaient avoir vécu cette histoire.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la manière dont vous avez développé votre approche visuelle dans ce film ? Quels sont les aspects les plus importants de vos choix à cet égard?
Je voulais que ces garçons, les héros de l’histoire, aillent voir le film. C’est pour cela qu’il fallait que tout soit aussi réaliste que possible. Nous avons décidé de tourner avec une caméra à l’épaule, que nous avons utilisée comme une sorte de capteur émotionnel. Ça donne aux jeunes beaucoup de liberté, et elle suit la façon dont ils bougent tout en maintenant une fluidité et en leur permettant d’improviser avec leur corps. Le tournage était comme une danse entre le chef opérateur, les jeunes et moi. Sturla Brandth Grøvlen, notre directeur de la photographie, est génial dans sa manière de lire une scène et d’interagir avec l’acteur. Son travail est magique.
Vous sentez-vous influencé par l’héritage cinématographique islandais dans votre au travail ?
Je pense que Beautiful Beings est assez différent d’autres films – par exemple dans le sens où nous ne montrons pas la nature et ne l'utilisons pas comme un personnage important dans le film. Dans mon film précédent, Heartstone, c'était différent. L'histoire se passait dans une petite ville et là, la nature était incontournable car elle fait partie de votre vie.
Cineuropa, Teresa Vena
Extraits critiques