Disparaissez les ouvriers_Extraits_Critiques

« Disparaissez les ouvriers est un film qu’on a commencé à tourner sans même savoir qu’on allait faire un film…

J’habite dans le quartier où est cette usine et j’ai appris qu’elle fermait en lisant ce que les ouvriers avaient écrit sur les murs pour exprimer leur colère. Nous avons décidé avec Jean-François d’aller les voir, en leur proposant de les filmer parce qu’on était solidaires de leur lutte. Il nous semblait évident, comme eux le dénonçaient, que cette usine ne fermait pas du jour au lendemain parce qu’on n’avait plus besoin de ce qu’elle produisait, ni par un réel souci écologique, mais parce que le terrain «idéalement situé au pied du futur parc des calanques» à Marseille est un vrai rêve pour les promoteurs immobiliers… »

 

Les ouvriers nous ont dit souvent craindre qu’on ne puisse pas les croire, et il a fallu beaucoup de temps pour qu’ils nous parlent autrement qu’aux journalistes par exemple. Mais de la même manière, il nous a fallu beaucoup de temps pour vraiment comprendre la profondeur de leur colère, et ce qui les faisait «tenir» pour occuper cette usine jour et nuit sans perdre espoir comme ils l’ont fait pendant plus de quatre mois…

 

C’est dans ce temps là, parce qu’on avait décidé d’aller avec eux jusqu’au bout, même si souvent il ne se passait rien de spectaculaire, et quelle que soit l’issue de leur lutte, qu’on a vraiment pu travailler avec eux. Nous, leur parlant de ce qu’on faisait, comme eux nous parlaient de leur travail...Cela peut

sembler être une idée de mise en scène, une sorte de reconstitution, mais on n’aurait jamais pu imaginer (anticiper) que Monsieur Vu, par exemple, ou bien Mario, allaient refaire les gestes qu’ils avaient dû faire mille fois pour nous expliquer leur travail. Tout simplement car ils retrouvaient leurs outils à la place où ils les avaient laissés en quittant leur poste, sans savoir que c’était la dernière fois qu’ils s’en serviraient…

 

On n’a jamais demandé aux ouvriers de faire quoi que ce soit pour nous et ils nous ont souvent surpris.

Ainsi comment ont-ils pu avoir l’idée d’aller s’asseoir à califourchon sur un muret pour parler d’une hypothèque et de discuter de l’avenir de l’industrie

au milieu des arbres, nous offrant ainsi la possibilité de les filmer dans des cadres magnifiques…

Propos de Christine Thépénier

Cette usine avec ces installations rongées par l’acide tartrique, cette ambiance noire bleutée offre un «décor» impressionnant, qu’on peut même trouver «beau». Mais quand on voit les ouvriers se déplacer à l’intérieur

des installations, on prend vraiment conscience des risques qu’ils courraient. La violence de ce qu’ils racontent est d’autant plus grande qu’ils l’expriment un peu comme s’ils se réveillaient après un long cauchemar. On s’est demandé souvent, et on leur a demandé, pourquoi comment, ils avaient pu travailler là, dans de telles conditions, et comment, pourquoi, ils pouvaient encore se battre pour ce travail ? Car cela peut sembler

irrationnel, paradoxal, si l’on ne comprend pas ce que la crainte de perdre son travail peut engendrer comme compromission.

Occupant l’usine, ils disaient non ! Ils refusaient de se résigner, avec la conviction que la justice finirait bien par leur donner raison, qu’elle ne pouvait pas laisser les patrons faire ce qu’ils voulaient en toute impunité. Le film est monté en commençant par la lecture d’un extrait de ce jugement (ils perdent) dont les termes sont contredits par la suite, par ce qu’on a filmé

 

Il y a entre les termes de la justice et la parole de ces hommes un réel grand écart. Alors qu’il est question de «dégradation du climat social» comme étant une des raison de la liquidation, on voit la dégradation des conditions de travail, et le mépris des patrons à l’égard des ouvriers. »

Entretien  (extraits) : Dossier de presse

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