Propos de la réalisatrice
Trois générations de femmes
« Les personnages de ma mère et de ma fille évoquent avec moi, trois générations de femmes aux prises avec l'héritage Khmer Rouge. Ma mère, ma fille et moi sommes allées ensemble dans les villages où ma mère, ma grand-mère, mon frère et moi étions pendant les Khmers Rouges. Nous trois, femmes, nous nous soutenons mutuellement pour survivre. Ma mère me regarde vivre la vie de femme, que les Khmers Rouges lui avaient volée pour toujours. Elle me regarde prendre soin de ma fille, l'amour d'une mère qu'elle a tant voulu me donner lorsque j'étais enfant. Et moi, je regarde ma fille vivre sa vie d'enfant recevant tout l'amour que j'ai à lui donner, ce que je n'ai pas connu. Nous ne sommes que des puzzles de vie, brisée par la guerre. »
« Ça a été très difficile. Il m'a fallu trois ans avant de le rencontrer. Il fallait que je me fasse accepter dans le cercle des Khmers rouges, dans sa ville, Païlin. J'ai eu le temps de me préparer pendant toutes ces années. Je l'ai rencontré grâce des connaissances personnelles, à condition aussi que je fasse un film sans le juger. Ce qui est le cas de mon film, je ne le juge pas, je laisse les spectateurs juger par eux-mêmes. »
Rencontre avec Kieu Samphan
« Il ne s'agissait pas d'apporter simplement un film journalistique qui se confronterait directement aux propos tenus. Mais adopter une perspective purement cambodgienne sur la responsabilité de l'un des grands chefs de l'Angkar, dans son quotidien, la " vérité " d'un homme, enfermé dans un monde idyllique, irréel, là où s'est forgé le cœur de la folie meurtrière, dont je suis une rescapée. »
Tournage
«Les conditions ont été très pénibles. J'ai tourné le film en deux fois. Le premier tournage a été consacré à l'entretien avec Khieu Samphan, dans la ville de Païlin, qui est le fief des Khmers rouges. Le deuxième tournage, c'est la partie qui est liée à mes souvenirs personnels. »
«Tout a été fait après avoir entendu l'interview, il s'est écrit pendant la fabrication, au fur et à mesure de la réalisation du film. J'ai même continué à l'écrire jusqu'au dernier jour du mixage. Il m'a fallu cinq ans pour le réaliser.»
Documentaire historique
«J’ai tenté, dans ce film documentaire de témoignage, de créer une texture cinématographique poétique mêlant les arbres, le vent, la nuit que j’appris à connaître mieux que jamais et qui furent une source d’angoisse, et en même temps, dans mon imaginaire d’enfant, le lieu des esprits protecteurs, le lieu préservé pour toute vie intérieure.
Ce film n’est pas un film documentaire historique, car je ne suis pas historienne, mais un film où l’histoire d’une enfant qui a dû fuir son pays pour se réfugier en France et qui revient au Cambodge. Qui ose revenir sur les traces, sur le passé en dépassant la peur qui habite encore de nombreux cambodgiens exilés, incapables d’envisager même un voyage au Cambodge, tant la période « Khmer rouge » a laissé de douleur»
Les yeux grands ouverts