Les éclats Propos du réalisateur

Propos du réalisateur

EXTRAITS CRITIQUES


«Tout documentariste ambitieux fait face à une double exigence: révéler un réel et produire une œuvre dotée de valeur esthétique. La vérité de la fiction ou de l’œuvre formelle repose d’abord sur sa consistance interne. Celle du documentaire, quoique devant satisfaire celle-ci, nécessite d’abord, dans la mesure où cela est possible, une pure présence du réel: le présenter avant de le représenter, le «-être» en quelque sorte. L’effacement du réalisateur devant son objet est une condition de la vérité ainsi qu’une exigence morale, surtout lorsque trahir le réel c’est trahir des hommes. Le grand documentaire, c’est la conjonction improbable de cet effacement avec la souveraineté de l’acte cinématographique: c’est aimer, et c’est difficile, le réel et le cinéma. Les Éclats atteignent cet épanouissement.»

Matthieu Amat : (critikat.com)

«En 2011, on découvrait Qu'ils reposent en révolte, documentaire de Sylvain George tourné auprès des migrants de Calais, damnés de la terre d'aujourd'hui qui y acquéraient une aura de héros sublimes. Réalisés par le même auteur, L'Impossible - Pages arrachées (2009) et Les Eclats (2011) procèdent de la même démarche. Une démarche poétique et insurrectionnelle par laquelle le cinéaste agence des fragments d'un monde où s'entrechoquent violence politique, esprit de résistance, fulgurances artistiques, pulsions de vie… Samplant la parole des uns et des autres, samplant leurs gestes, leurs musiques, le cinéaste parle de sa propre voix. Celle d'un citoyen de l'Europe de Schengen révolté contre la violence d'Etat et l'acceptation générale d'un arbitraire dont les conséquences se traduisent par de la souffrance et de la mort. Celle d'un poète qui oppose à cette violence une vision du monde dans laquelle sont magnifiés les individus dont elle voudrait nier l'existence. Une voix brûlante qui continue de vous hanter, longtemps après la fin du film.»

Isabelle Regnier (Le Monde: 04/12/2012)

«Comme il l’avait déjà fait avec Qu’ils reposent en révolte, Sylvain George regarde et écoute, il marche et il court, il voit. Il voit la violence et la crasse, il voit la beauté aussi. La beauté? Est-elle là? Est-ce lui qui l’ajoute, la construit? Formes et contrastes, chorégraphie des corps et des flammes, délicatesse d’une ombre, d’une plaque de neige, d’une branche ou d’un rire, justesse du cadre et élégance de l’objectif. Il y a une vilaine formule pour ça: esthétiser la misère. Mais ce n’est pas la misère qui est rendue belle, c’est le regard sur les hommes qui se battent contre la misère, c’est l’ambition un peu folle et très émouvante de ne pas les abandonner, de ne pas abandonner le monde tout entier à sa brutale et omniprésente laideur. Aller là-bas, y rester longtemps, filmer, exige aussi de filmer avec respect, avec recherche, avec exigence. Dans ce film au sous-titre emprunté à Aimé Césaire, chaque plan tourné par Sylvain George venge de cette autre laideur, la laideur vulgaire des images des reportages télé, qui sont un autre aspect de la même horreur qui traque les hommes sombres dans les rues et les futaies du Pas de Calais. Le bateau part. Nul de ceux qui en rêvent à en crever n’y est monté. C’est horrible, et le navire est beau.»

Jean-Michel Frodon (Projection publique : blog.slate.fr)


«George, ou l’honneur du cinéma engagé. Qu’il filme Calais la nuit et ses migrants clandestins qui parfois s’y font assassiner ou les manifs du 1er mai 2009 à Paris sous Sarkozy, Sylvain George reste avant tout un cinéaste, ne séparant jamais le fond de la forme, faisant de la forme le fond même de sa colère, de son cri contre les injustices, les morts qu’on cache, la violence policière inexplicable… Avec sa caméra, Sylvain George saisit l’irruption du politique, quel qu’en soit le bord. Un politique intimement lié au poétique, donc, puisqu’inclus dans le plan qui l’enregistre. Sylvain George ou l’honneur du cinéma, engagé en cinéma, engagé en politique. Sur les traces évidentes des cinéastes militants du passé le plus proche – Chris Marker, Jean-Luc Godard, le groupe Dziga Vertov, etc. – dans cette manière de chercher encore et toujours à coïncider avec son époque, à rendre compte le plus justement possible de ce qui se passe, là, en France, dans la rue, sous nos yeux, dans nos champs, et qui n’est pas normal.»

J.B. Morain (Les Inrocks : 04/12/2012)