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RENE ALLIO : PROPOS

« Le tournage avec les acteurs non professionnels de Moi Pierre Rivière… a été pour nous une expérience passionnante… Pendant deux mois, Gérard Mordillat, Nicolas Philibert et moi-même, nous nous sommes faits dans un périmètre d’une trentaine de kilomètres, celui-là même de notre futur tournage, les commis voyageurs de notre entreprise, chaque visite  à tel ou telle nous voyant repartir avec dix adresses nouvelles à visiter, chaque occasion de nous expliquer (marché, fête, réunion syndicale, comice agricole) rendant un peu plus familier et plausible à tous notre projet… Mais pourtant, il y avait déjà quelque chose que nos futurs partenaires partageaient avec nous, c’était l’envie de donner une image juste de la vie paysanne, si rarement montrée au cinéma (et cela, ils le savaient bien). Mais quelque confiance que nous ayions eue dans la réussite de ce qui commençait un peu comme une aventure, nous ne pouvions pas deviner à quel point elle deviendrait, mieux qu’un travail, une rencontre avec des hommes et des femmes dont la richesse de sentiments, la délicatesse d’esprit, la générosité de cœur, le rapport simple et direct aux choses du travail, à l’équipe, nous seraient un enseignement… Je n’ai pas demandé autre chose à nos interprètes paysans que ce que j’aurais demandé à des « professionnels » : faire acte de création. » René ALLIO

« Pour Pierre Rivière, je sentais clairement que la politique n’est pas forcément inscrite dans un film parce qu’on y parle de politique ou parce qu’on a inventé une fable qui renvoie à une problématique politique et cherche à démontrer quelque chose. Je crois que la politique se trouve d’abord dans la manière dont on produit, dont on introduit dans la réalité un fait, un objet artistique... »

« … Pour moi, le noyau du film, c’est la relation qu’a le discours de Pierre Rivière avec les autres discours. Je confronte la parole de Rivière à celle des autres et cela fonctionne dans une interrogation. Il répond d’une manière qui satisfait et tout à coup des témoignages ou d’autres informations remettent tout cela en cause. Le discours de Rivière déborde tout le temps. Je trouve que cela renvoie assez bien à la démarche artistique, celle-ci devrait fonctionner ainsi, déborder toujours quelque part le décryptage qu’on en fait. »

 (Entretien avec R. ALLIO (Libération 25/10/1976).

« Ma préoccupation dans mes films a été de recentrer un personnage toujours évacué, toujours marginal, qui est le personnage populaire, l’homme du commun ; non pas l’homo qualunque, mais l’homme et la femme du peuple. Tous mes films, sauf un, racontent les grands moments historiques de ces vies obscures et a-historiques. Dans la mesure où je cherche à leur rendre la parole, je suis en effet confronté au problème d’inventer des histoires adéquates. Dans le cas de Pierre Rivière, il s’agit d’un document où pour une fois c’est le peuple qui parle. »

« Il existe une forme particulière de financement pour la fabrication de marchandises présentant des caractéristiques spécifiques propres à faire circuler convenablement ces marchandises, à les rendre non seulement rentabilisables, mais productrices de profit. Ce processus va en s’amplifiant, créant une attitude du spectateur par rapport au récit, qui fait que cet échange entre produit et consommateur devient de plus en plus passif, comparable justement à la consommation d’une marchandise. Ces marchandises présentent donc des caractéristiques dans lesquels le marchand reconnaît le produit susceptible de marcher, qui a déjà bien marché et sur lequel il peut s’engager de nouveau à moindre risque. Ces caractéristiques sont des formes artistiques qui renvoient à des manières d’appréhender la réalité. Elles se nomment vedettes, un certain type de dramaturgie, de personnage central, de héros, d’acteurs pour les interpréter et un certain mode de narration, et constituent autant de valeurs marchandes. ».

(Entretien  :Positif N° 189  - janvier 1977)

  

Extraits critiques