Pater_Propos du realisateur

EXTRAITS CRITIQUES


« Qualifié d’ovni dans la sélection officielle du festival de Cannes ce seizième long métrage d’Alain Cavalier a néanmoins reçu un accueil triomphal lors de sa présentation, accompagné, pour son auteur, d’une standing ovation de dix-sept minutes. Il est indéniable que Pater n’appartient à aucune catégorie de films établie. Ni véritable œuvre de fiction, comme les premières prestations du cinéaste (du Combat dans l’île, 1962, à Libera me (1993), ni regard introspectif auquel s’est adonné Cavalier depuis La Rencontre (1996) jusqu’à Irène (2009), Pater est né d’un désir éprouvé par le réalisateur de travailler avec Vincent Lindon, sentiment partagé par le comédien...Un film qui jongle et joue à la fois avec l’imitation de la vie personnelle quotidienne et l’imagination qui permet de se glisser dans la peau des hommes de pouvoir, de leur prêter des réflexions, des propos, des décisions qu’on aimerait bien leur voir appliquer dans la réalité. Le tout conduisant à l’éternel dilemme  soulevé par le cinéma : où se situe la vérité dans tout cela ? »

Michel Cieutat (Positif  N° 605/606  juillet/août 2011)

 

« Le dispositif ludique qui structure le film tient dans un improbable et désarmant jeu de rôles : Alain Cavalier, président de la République choisit Vincent Lindon comme premier ministre. Pari gonflé d’aborder frontalement la chose publique. Pari, qui paraît même, sur le papier, disproportionné  pour un cinéma qui s’est toujours vanté de filmer « à portée de main » et pari gagné avec une telle maestria qu’il fait résonner à nos oreilles un paradoxe  dans l’esprit de Clémenceau : la politique est une chose trop sérieuse pour être confiée aux seuls hommes politiques. Pourtant, Pater n’est ni une satire, ni un film militant et s’il traite de la politique, c’est finalement pour s’intéresser à ses rituels, ses confidences, ses secrets, ses pactes d’alliance ou de trahison, non pas pour eux-mêmes mais pour la matière humaine qu’ils révèlent et modèlent. »

Joachim Lepastier (Cahiers du cinéma N° 668 juin 2011)

 

« De quoi Pater est-il le film ? Que l'on soit sur le terrain du cinéma ou de la campagne présidentielle, on est dans les coulisses, en préparation d'une représentation à venir. En mettant sur le même plan acteurs et hommes politiques, Cavalier met au jour la commune ambiguïté de ces fonctions et les éclaire mutuellement d'une manière passionnante. Quel rôle joue Vincent Lindon lorsqu'il affirme, indigné, n'avoir jamais fait le moindre compromis dans sa carrière ? Et que joue le premier ministre lorsqu'il tape du poing sur la table pour énoncer qu'il veut non seulement punir tous les fonctionnaires qui se servent dans les caisses de l'Etat, mais qu'ils "prennent le max !" ?

Comment décider de ce qui, chez un acteur censé jouer son propre rôle, relève du jeu ? Comment faire la part des choses, chez un homme politique, entre le calcul et la conviction ? Qu'est-ce qui est montré ou dissimulé ?... . Montrer le moins pour exprimer le plus, c'est l'art généreux et délicat du cinéma d'Alain Cavalier. »

Isabelle Régnier (Le Monde : 22 juin 2011)

 

« La Conquête ? Non, l’anti-Conquête. Pas de grimace, pas de ressemblances (pauvre Podalydès, Lindon, dans sa nervosité, fait plus Sarkozy sans avoir même besoin de se ridiculiser). Que des correspondances - mais à la Cavalier, c’est-à-dire infiniment plus piégées. Des jeux de rôle, des jeux de mots. Ainsi le père et le fils politique se joueront l’inusable scénario œdipien. Le plaisir de dingue que provoque Cavalier vient surtout de là, l’ébahissement devant lequel on se trouve à devoir admettre que tout, absolument tout des affres de la politique, est déjà cuisiné dans un langage emprunté au cinéma. Pour Cavalier, qui mène à la fois le film de cette lutte politique et le fil de son tournage (sans que jamais on ne sache auquel on fait face), il n’y avait donc qu’à se baisser et ramasser les expressions, les mots-valises à la pelle... »

Philippe Azoury (Libération : 22 juin 2011)

 

« Où commence le cinéma? Comment distinguer le vrai du faux? Cavalier dans un face à face final, caméra au poing, assure à son comédien ravi de recevoir sa légion d'honneur: " tout est faux, c'est du cinéma!" Et Lindon, de lui répondre du tac au tac:" non, c'est vrai puisque c'est du cinéma!" Preuve également de la toute puissance de ce film,..  Le filmeur Cavalier, contourne une nouvelle fois les limites de l'autofiction pour signer un objet cinématographique singulier et dont l'a priori radicalité s'avère d'une limpidité déconcertante. C'est aussi , et surtout un film qui s'interroge sur les rapports de force entre les hommes et les moyens de limiter les inégalités entre eux. Un des sommets du Festival vient assurément d'être franchi. Et nous ne pourrons nous empêcher désormais de démasquer dans chacun des autres films de la compet' leur part de vérité et de mensonge.

Merci monsieur Cavalier! » 

Thomas Baurez (Studio Ciné Live : 17/05/2011)

PROPOS DU REALISATEUR