Retour_normandie_2

Synopsis

 

C’est sur le tournage de Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma soeur et mon frère que Nicolas Philibert a fait ses premières armes, aux côtés de René Allio. Cette fiction retraçait l’itinéraire du jeune assassin à partir d’un ouvrage collectif dirigé par Michel Foucault. Film à tiroirs, ce Retour... est un bel hommage à un cinéaste largement oublié. Philibert évoque René Allio comme un artiste en perpétuelle résistance, qui se voulait "comme le chiendent, indéracinable", comme en témoigne sa carrière marginale. Prenant tous les risques avec Pierre Rivière, il avait choisi de confier les rôles principaux à des habitants de la région où il tournait. Retour en Normandie relate l’aventure humaine que fut cette rencontre entre une équipe de cinéma et des paysans du Calvados.

Fiches du cinéma

  

Nicolas Philibert

 

« Le documentaire n’est pas une caméra de surveillance qui filmerait tout et n’importe quoi. Je fais des centaines de choix en permanence. Je décide de suivre les gens ou de faire un plan fixe, de poser la caméra ici ou là… »

Né à Nancy le 10 janvier 1951, Nicolas Philibert après des études de philosophie débute à 19 ans comme stagiaire à tout faire sur Les Camisards de René Allio. Deux ans plus tard il est embauché comme assistant sur Rude journée  pour la Reine, du même René Allio.

 Après avoir travaillé avec Alain Tanner et Claude Goretta, il retrouve une 3ème fois René Allio comme assistant réalisateur  pour Moi Pierre Rivière...une expérience  qui eut une profonde influence sur son propre travail de cinéaste. Avec Gérard Mordillat, lui-même assistant réalisateur sur le film d’Allio, il co-réalise en1978, à 27 ans,  La voix de son maître et Patrons/Télévision (3 épisodes de52 minutes). En 1990, il signe son premier  long métrage documentaire, La Ville Louvre qui retrace la vie nocturne du musée, réalisé quelque temps avant sa réouverture au public. En 1992, dans Le Pays des sourds, il décrit le quotidien des personnes atteintes de surdité.

Six ans plus tard, dans La Moindre des choses, il filme les pensionnaires et les soignants de la clinique psychiatrique de La Borde en train de monter leur pièce de théâtre annuelle : « S’il fallait en définir le sujet, confie-t-il, je dirais que c’est un film qui parle de ce qui nous relie à l’autre, de notre capacité -ou incapacité- à lui faire une place. Et finalement, de ce que l’autre, dans son étrangeté, peut nous révéler de nous-mêmes... ».

En 2002,   Etre et  avoir, un documentaire sur une classe unique d’une école communale de Saint Etienne sur Usson en Auvergne, rencontre un énorme succès auprès du public (1,8 millions d’entrées) et remporte le prix Louis Delluc. Une controverse portée devant les tribunaux, oppose le réalisateur et la production du film d’une part  à l’instituteur et aux parents d’élèves d’autre part sur le montant de leur rétribution eu égard au succès rencontré par le film. La justice finit par trancher en donnant raison au producteur.

Professeur à la FEMIS (Ecole normale supérieure de limage et du son), Nicolas Philibert au cours de la présentation de  l’œuvre de René Allio est stupéfait par la méconnaissance de ses élèves sur ce cinéaste, dont certains ignorent le nom même de ce réalisateur et de son film Pierre Rivière. Il décide alors de revenir sur les lieux de tournage de Moi Pierre Rivière..., à la rencontre des ‘’acteurs’’ du film, des paysans normands. Ce sera Retour en Normandie, documentaire  qui sortira sur les écrans en octobre 2007

Faire retour (s)

 

« Un des nombreux effets bénéfiques de Retour en Normandie aura été de susciter aussi le retour du beau film de René Allio, devenu invisible… Mais bien sûr, qu’on ait ou non déjà vu le film, nous ne pouvons plus regarder Moi Pierre Rivière… comme le firent les (trop rares) spectateurs de l’époque où il a été réalisé. Le projet cinématographique tel que le film l’atteste engendre aujourd'hui d’autres échos. Deux exemples, parmi d’autres : la prise en compte de la violence populaire et sa possible articulation à un discours aussi sophistiqué qu’occulté ne s’entend pas de la même manière au temps de l’obsession du terrorisme que dans le fil des  mouvements issus de 68 ; le fonctionnement de la justice, et la notion de culpabilité sont sinistrement en phase avec notre époque sécuritaire et médiatique - c’est pareil, ça aussi, Foucault l’avait bien vu - dans les termes qu’on croyait révolus, au moins en voie d’obsolescence, en 1976

 

Jean Michel FRODON

Cahiers du cinéma  N° 627

(octobre 2007).