Tokyo sonatra: extraits critiques

Synopsis


Tokyo Sonata dresse le portrait d'une famille japonaise ordinaire.
Le père, licencié sans préavis, le cache à sa famille.
Le fils ainé est de plus en plus absent.
Le plus jeune prend des leçons de piano en secret.
Et la mère, impuissante, ne peut que constater qu'une faille invisible est en train de détruire sa famille.


Tokyo Sonata est le 31ème film de Kiyoshi Kurosawa. Un réalisateur prolifique qui a atteint ce chiffre en l'espace de 31 ans d'une carrière débutée en 1978.

Tokyo Sonata est le septième film dans lequel Kiyoshi Kurosawa dirige Koji Yakusho, son acteur fétiche depuis leur première collaboration sur Cure (1999). De la même manière, Teruyuki Kagawa retrouve le réalisateur pour la seconde fois de sa carrière, onze ans après Serpent's path (1998).

Pour le préparer à son rôle dans Tokyo Sonata (celui du père), Kiyoshi Kurosawa a conseillé à Teruyuki Kagawa de regarder La Strada de Federico Fellini, ainsi que Et la vie continue d'Abbas Kiarostami.

Le grand morceau interprété au piano par Kenji est l'une des pièces de musique classique les plus utilisées au cinéma : le Clair de lune de la Suite bergamasque de Claude Debussy.


Si on vous demandait de définir Kiyoshi Kurosawa, que diriez-vous ?

Je dirais : « Attention, c’est un monstre ! » On ne sait pas d’où il vient ni comment il est devenu celui qu’il est. Il se met à nu devant la caméra, en se fichant de toute psychologie comme de toute sociologie. Malgré son attachement à  Tokyo, où il a tourné la grande majorité de ses films, il n’en montre jamais rien de pittoresque. Il filme Tokyo comme un non-lieu ;  à cet égard, il est dans la tradition d’Ozu. En neutralisant la ville, il peut voir venir les évènements historiques : Kaïro anticipe le 11 septembre, Jellyfish le terrorisme, Tokyo Sonata la crise économique actuelle ».

 

Shigehiko Hasumi (professeur, critique et écrivain, auteur de nombreux livres, (dont un Ozu paru aux éditions des Cahiers)

 « La sortie en salles, le 25 mars 2009 de Tokyo Sonata est comme une célébration. Celle de l’œuvre de Kyoshi Kurosawa d’abord, une œuvre au long cours entamée il y a 25 ans par des films pornos soft. Une célébration plus locale aussi ; voici 10 ans que le cinéma de Kurosawa s’est fait connaître hors du Japon, et en France notamment… Depuis, les films ont connu un sort chaotique. Certains sont demeurés inédits, d’autres ont été rattrapés avec retard (Séance, sorti en 2004, réalisé quatre ans plus tôt.), d’autres encore n’eurent droit qu’à une distribution confidentielle. Si Kurosawa est de plus en plus consacré (Karo qui date de 2001, figure par exemple dans le dispositif Lycéens au cinéma) malgré le faible retentissement commercial de ses films…

Une filmographie de Kurosawa, né en 1955, est en effet plus variée qu’on s’imagine. Il a commencé comme d’autres (Tsukamoto, Aoyama ou Nakata) par le Super 8 avant de faire ses premières armes dans le porno soft. Après l’inventivité pop et délurée des pornos soft, Kurosawa plonge avec Sweet Home, un film très naïf avec des effets grossiers, se redresse avec The Guard from the Underground (1992), plus réussi, et confirme avec une série de petits films pour le marché vidéo (les 6 épisodes de Suit Yourself or Shoot Yourself, en 1995-96, puis les 4 de Revenge, en 1997-98), où malgré de faibles moyens, sa mise en scène devient plus sèche et sa maîtrise de l’espace plus affirmée. Le cinéaste y affiche déjà une attirance pour les paysages urbains anonymes et désaffectés, et la claustration : son génie du cadre est en marche...

 

Avec Cure (1997) s’inaugure pour de bon l’œuvre de Kiyoshi Kurosawa, qui désormais alterne films de terreur, de fantômes surtout, et allégories étranges et sombres : License to Live (1998), Charisma (1999), Vaine illusion (1999), et plus tard Jellyfish (2003, en compétition à Cannes où il reçut un accueil désastreux) forment un ensemble proche du fantastique, sans être assignables à un genre. Quelque chose d’une désolation s’y diffuse et en cela ces films correspondent avec les films de genre (Cure, Retribution ou Kaïro) qui poursuivent le même portrait d’un Japon (et d’un monde) désaffecté, menacé d’être englouti par des vagues de  violence ou le déversement d’une armée de spectres…

Le style Kurosawa est sûr depuis Cure. Ses cadrages anxiogènes figent dans la sidération la présence inouïe des choses et certains prodiges figuratifs, depuis le lent effacement et la réapparition d’un personnage dans Vaine illusion jusqu’au vertige d’une mère au foyer sombrant dans son intérieur, dans Tokyo Sonata, en passant par l’image apocalyptique qui clôt Charisma et les tortillements aberrants et atrophiés de fantômes de Kaïro. Les silences sont assourdissants, comme si le son était prélevé sur le bourdonnement continu et oppressant d’un fond sonore immobile. Par la fulgurance de visions éphémères et fixes d’un antimonde innommable, la mise en scène formule des propositions insoutenables telles que : « le-fantôme-est-là » ou « le-spectre-a-une-conscience ». Les images nous emportent au seuil d’un radical scandale de la raison ».

Jean-Philippe Tessé (Cahiers du cinéma N° 643 mars 2009)

  

Kioshi KUROSAWA

 

« Une vie entière ne suffit pas à comprendre le cinéma » K. K.

EXTRAITS CRITIQUES