Propos_sur_le_film

EXTRAITS CRITIQUES


« Ce qui survient aux personnages de Becker compte moins que la manière dont cela leur survient… Touchez pas au grisbi ne raconte que le transfert forcé de quatre-vingt-seize kilos d’or ; « Ce qui m’intéresse, ce sont d’abord les personnages », nous dit Becker ; aussi bien le véritable sujet du Grisbi est-il le vieillissement et l’amitié. Ce thème transparaissait dans le livre de Simonin, mais peu de scénaristes l’eussent su déceler et amener au premier plan, rejetant au second l’action violente et le pittoresque.  Simonin a quarante neuf ans, Becker quarante huit, le Grisbi est un film sur la cinquantaine. A la fin du film, Max - come Becker - chausse des lunettes pour lire. Vieillissement et amitié, disions-nous… La beauté des personnages du Grisbi, plus encore que de ceux de Casque d’or, vient de leur mutisme, de l’économie de leurs gestes ; ils ne parlent ou n’agissent que pour dire et faire l’essentiel ; comme Monsieur Teste, Becker tue en eux la marionnette. De ces tueurs, il ne reste plus que des matous face à face. Le Grisbi est à mes yeux une sorte de règlement de compte entre gros chats -  mais chats de luxe – fatigués et, si j’ose dire, minés. »

François Truffaut (Les Cahiers du cinéma N°34 avril 1954)

«Du roman d’Albert Simonin, Jacques Becker s’est principalement attaché à rendre le plus grave : l’histoire d’un gangster vieillissant  qui échoue au moment même où il allait se retirer victorieusement «affaires». Or cet échec est dû à ce qu’il a de meilleur en lui : son amitié pour un camarade dont il préfère le salut à celui de sa fortune et au sien propre. Cette camaraderie virile est le vrai sujet du film. Elle nous est décrite avec une si chaude tendresse, une complicité tellement humaine que nous avons tendance à oublier la nature plutôt particulière des affaires traitées pour ces dus hommes dont nous nous sommes faits des amis. »

Claude Mauriac : Le Figaro littéraire : 27/03/1954)

« Jacques Becker a su faire d’un roman de Simonin une œuvre d’une valeur et d’un intérêt bien supérieurs à ceux des « films de gangsters » qu’on produit régulièrement… Il la peint des gangsters avec une minutieuse attention : aussi pour la première fois, ces personnages sont-ils des hommes et leurs sentiments autre chose que des ressorts de l’intrigue… Magnifique réussite dans la construction, l’acte de mener une scène, de diriger les acteurs, ce film est une démonstration exceptionnelle de la maîtrise de Becker. »

Jean-Louis Tallenay : Radio Cinéma

 

« Ce ne sont pas des trouvailles isolées, mais une somme de détails incorporés au scénario qui indique, sans insister, un certain nombre d’à-côtés apparemment sans importance. En réalité, ils en ont une grande - la caméra ne se contente pas d’enregistrer les « scènes » et les « dialogues » essentiels ; elle prend le temps de suivre les personnages dans des gestes et jusqu’à des milieux apparemment inutiles pour qu’on comprenne quel genre d’homme est Max… L’interprétation irréprochable suit admirablement le texte et contribue à lui conférer son naturel. »

Gilbert Salachas : Téléciné : fiche N° 224)

 

«Jacques Becker est grand spécialiste de peinture d’un milieu déterminé… Le rythme est excellant notamment au cours de la poursuite finale. Jean Gabin fait une remarquable composition et René Dary personnifie avec grand talent l’inquiétant Riton. Le danger d’un tel film est qu’il présente avec sympathie des personnages d’une immoralité totale et dépeint un milieu pourri qui se présente aux spectateurs sous un jour assez favorable. L’atmosphère factice des luxueuses boites de nuit ne peut que renforcer l’impression quelque peu nocive que produit le film. » C.C.C. Répertoire général des films1954/55

 

On se doit de reprocher à J. Becker d’avoir mis tant de soin à créer une œuvre dont le sujet reste, malgré tout, méprisable. Quand bien même tous les voleurs, casseurs, malfrats et autres criminels seraient-ils agités de sentiments aussi honorables que l’amitié de max et Riton, ils restent voleurs, casseurs, malfrats et criminels. Leur raison est celle du plus fort. Le meurtre est chose courante en leur milieu. Le public est déjà trop abreuvé de spectacles où le crime est la principale attraction, pour qu’on y ajoute encore l’humanité, et pour qu’un réalisateur d’aussi grand talent que J; Becker y ajoute au surplus la qualité. »

Fiche filmographique N° 115 de l’I.D.H.E.C.

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