J'ai tué ma mère_Extraits critiques

EXTRAITS CRITIQUES

Propos du réalisateur

Votre cinéma utilise un certain nombre de procédés rhétoriques assez marqués. Cela signifie-t-il que vos personnages «se font un film» ?

«On croit parfois que c’est en hommage à des cinéastes et à des films que je n’ai jamais vus. Mais ces procédés ont une fonction esthétique, pas esthétisante. Par exemple, les ralentis. Dans J’ai tué ma mère, ils rappellent la solitude des personnages, donnent à leur quotidien trivial le côté élégant, fluide, qui leur manque.»


«j’écrivais J’ai tué ma mère, je n'avais pas l'intention de me mettre en scène. Mais, de façon égoïste, ça a été une manière de m'assurer de l'interprétation de Hubert, qui était un rôle collé à ma vie, le rôle de ma vie, si l'on veut.»


Peut-on dire que vos films sont des comédies ?

«Les Amours imaginaires n’est pas une comédie, c’est un drame avec des instants comiques. J’ai tué ma mère est particulièrement violent. Il y a de l’humour, bien sûr, parce que dans la vie il y a de l’humour, mais ce n’est pas une comédie classique. Je n’ai pas envie d’un cinéma monocorde, monotone, monochrome, mono… J’ai envie de dichotomie parce que c’est la richesse. Je n’ironise pas, et je ne me moque pas de mes personnages. Je leur fais assez confiance pour être drôles par eux-mêmes.»


Deux films en deux ans, vous avez 21 ans. Quel rapport avez-vous avec le temps ?

J’ai l’impression que J’ai tué ma mère, c’était il y a dix ans. Ce sera bientôt le cas pour les Amours imaginaires. A partir du jour de sortie du film, je suis déjà blasé. Les spectateurs sont comme des cires vierges quand ils le voient, mais moi j’en ai déjà marre parce que j’ai vule film soixante fois. Je l’ai écrit, joué, réalisé, monté, je l’ai démonté, remonté, jusqu’à 4du matin en dormant deuxheures, je n’ai pas mangé, j’ai le teint verdâtre. Puis vientla répétition technique, le moment où l’on vérifie le film avant de le projeter aux journalistes. Il n’y a rien de pire au monde que ce moment-là. Le film est abject, innommable, c’est d’une médiocrité incommensurable. Tout est mauvais. Personne n’aimera le film.»

Entretien avec Eric Loret (Next : 29/09/2010)

 Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire « J'ai tué ma mère » ?

« C'est venu du ressentiment que j'éprouvais envers ma mère quand je vivais avec elle, lorsque j'avais 15, 16 ans. C'est une sorte de récit librement inspiré de ce que j'ai vécu. J'avais d'abord écrit une nouvelle, 'Le Matricide', beaucoup plus onirique… et diabolique. Puis j'ai écrit J'ai tué ma mère juste après les études collégiales ; je pense que c'était pour faire la paix, pour me libérer, c'était une catharsis. »

Les études finies, vous devenez scénariste-réalisateur-producteur…

J'ai produit le film parce que personne ne voulait le faire, personne n'acceptait de ne pas avoir l'argent de l'Etat et des fonds publics. Ici au Québec, investir de sa poche dans le cinéma n'est pas un concept courant. Personne n'hypothèque sa maison pour tourner un film. On travaille avec l'argent de l'Etat, et quand l'Etat ne finance pas le projet, il part aux oubliettes. C'est comme ça que ça marche chez nous. J'ai dû investir mon propre argent, et j'ai des amis, de la famille, qui ont investi un peu aussi : 200, 300 dollars, 1.000 parfois pour m'aider. Puis la SODEC (2), une institution québécoise, est entrée dans la course au financement. Elle nous a financés in extremis pour nous permettre de terminer le tournage. Sans elle, je ne serais pas ici !

Il y a dans le film un paradoxe entre la violence des propos et l'affection qui transparaît parfois…

Même si j'ai puisé dans mes souvenirs, le point de vue du film n'est pas unidimensionnel, tout n'est pas vu uniquement à travers les yeux de cet enfant. Il y a des scènes où la mère est seule, des scènes transmises par un genre de narrateur-dieu. On trouve plusieurs points de vue qui traitent de sentiments différents : amour, haine, guerre, ressentiment, paix.

Propos recueillis par Nicolas Berniche pour Evene.com (mai 2009)