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EXTRAITS CRITIQUES

Propos de la réalisatrice

«J’ai la conviction que rien à l’écran n’est exotique mais, au contraire, très familier en Amérique. Je suis très sensible sur cette question parce que nous avons impliqué de nombreuses familles et que je ne voulais pas que l’interprétation de leur réalité soit trop éloignée de la vérité. Il fallait faire attention à expurger la moindre notion de jugement moral sur leurs conditions de vie. Ce n’est pas anodin que les gens là-bas puissent garder la même voiture vingt ou trente ans ou que la chasse ne soit pas un sport mais une tâche comme une autre. Au Missouri, comme dans huit ou dix autres Etats aux Etats-Unis, les enfants ne vont à l’école que quatre jours par semaine, de sorte qu’ils puissent aider leur famille. Il fallait que tout cela se perçoive à l’écran.»

 

«L’une de nos principales préoccupations était de ne pas se tromper sur la nature de chaque acte, de chaque décision. Il y a eu tant d’occasions de trahir la réalité. Par exemple, beaucoup de gens qui vivent dans les montagnes mangent de l’écureuil autant qu’ils vont s’acheter à manger à l’épicerie. C’est comme ça, ça existe et c’est autant culturel que synonyme de pauvreté. Alors, nous avons filmé les deux scènes. Tout est une question de délicat équilibre. Je ne nourris pas d’illusions sur la réalité objective d’un film, mais c’est un travail très minutieux.»

 

«Cela va peut-être sembler présomptueux, mais la plus grande partie de ma sensibilité vient d’Europe. Quand je suis venue montrer mon premier film, Down to the Bone, à Vienne notamment, j’avais été rassurée. Des gens m’ont dit qu’ils trouvaient très positifs le fait que tout ne soit pas toujours expliqué dans un film. Ca m’a fait un bien fou.»

 

«J’ai été nourrie au cinéma des années 70. Payday de Darryl Duke, Cockfighter de Monte Hellman, tout le travail de John Cassavetes… Je me souviens d’un documentaire extraordinaire sur Cassavetes réalisé par une équipe de la télévision française. On y sentait tout l’esprit et le désir d’expérimentation de l’époque.»

Entretien  avec B. Icher: Libération :2/3/2011

« On a peur quand on fait un film et on n’a pas toutes les réponses : cela, il faut l’accepter tout en gardant une foi inébranlable dans le film. Ce n’est pas à mon propre cerveau de tout résoudre, mais je dois me mettre à l’écoute de l’équipe, et surtout des acteurs qui travaillent de leur côté à déchiffrer leurs rôles. Cette collaboration profonde permet de trouver des solutions ensemble. »

 

Ce roman  (Un hiver de glace de Daniel Woodrell) est arrivé comme un don du ciel, parce que quelqu’un avait déjà œuvré tellement dur pour l’écrire ! C’est comme s’il avait répondu à toutes les questions qu’on se pose en écrivant un scénario… C’est un auteur qui décrit tout de façon précise… C’est un grand cinéphile. Il voit de nombreux films de tous pays, il adore ça. Comme il vit dans un lieu assez isolé, il se fait ses festivals à lui dans son salon ! Je pense que c’est pour cela que son écriture se prête si bien à l’écriture filmique.

 

Dans les Ozarks, « nous avons demandé à des experts locaux de lire avec soin le scénario et les dialogues, et de faire leurs remarques : certaines choses passent bien dans un roman et moins bien à l’écran. Ils nous ont aussi  montré comment ils allument un poêle, coupent du bois, chassent du gibier…

Sur place, « nous avons aussi engagé tous les non professionnels  qui jouent dans le film. Et, à leur tour, ils ont influencé la réécriture du scenario, comme une sorte de boucle entre la fiction et le réel. Le film résulte vraiment d’un mariage entre des éléments qui nous semblaient convenir à l’histoire, et d’autres que nous découvrions sur place.

 

J’essaie le plus possible d’intégrer dans la scène  des détails dont j’ignorais l’existence auparavant, et qui sont issus de la vie des gens que j’ai observés. »

 

« Techniquement, j’ai filmé avec une mentalité de documentaire. C’est indispensable quand on veut tourner en  décors réels avec la population locale. »

Propos recueillis par Yann Tobin

(Positif N° 601 : mars 2001)