Toni_Propos du réalisateur
Toni_Extraits critiques

EXTRAITS CRITIQUES


«Renoir, avec Toni, entr’ouvre la porte dans laquelle les cinéastes italiens s’engouffreront quelques années plus tard lorsqu’ils inventeront le néoréalisme, c’est avant tout qu’il entend alors se placer dans les pas de Marcel Pagnol, coproducteur du film et, pour une part certainement, auteur des dialogues. L’exemple de Pagnol le guide en effet dans sa recherche d’une indépendance que l’auteur de Marius a déjà trouvée. C’est la raison première qui le conduit à situer son film aux Martigues et à employer plusieurs acteurs de Pagnol, ainsi que quelques techniciens. Toni est le premier de ses films qui ait été réellement remarqué par la critique, celle de gauche notamment, et de l’expérience il tirera divers enseignements et théories… que par la suite il se gardera le plus souvent de suivre. Quatre-vingts ans plus tard, la splendeur de Toni éblouit comme fascinent les œuvres de grands primitifs.»  

  Pascal Mérigeau


«historiquement fondamental et fort révélateur de la pratique du cinéaste dans les années 30, Toni, comme tous les Renoir, n'arbore pourtant jamais la défroque du grand œuvre intimidant. Ici, tout est simple comme une poignée de main fraternelle et transparent comme la lumière provençale inondée de soleil. Rien que de l'anodin magnifié par la mise en scène. Plus que jamais, Renoir fait sienne la sentence de Flaubert concernant la pratique littéraire : “Etre présent partout mais visible nulle part.” A l'instar du grand Gustave, les arabesques de Jean le patron désignent un art inimitable de l'amour du réel.» O de Bruyn (Les Inrocks : 5/06/1996)


«la soumission de l’espace au libre instinct des acteurs, par la découverte d’un pays où règne la densité charnelle de chaque instant et par la présence presque palpable de la vie et de la mort, Renoir accomplit ce qu’on peut désirer du cinéma, où le mystère des choses et des êtres devient perceptible par le seul fait d’une  transcription fidèle de la réalité. A chaque séquence, Renoir donne une unité jamais bousculée par un trop grand découpage, et c’est au rythme des personnages que le film tient sa durée et trouve une dimension de tragédie presque unique dans son œuvre.» Vincent Vatrican (Cahiers du cinéma N° 482 juillet/aout 1996 «Renoir»)


«devait voir plus tard, en Toni, un film précurseur du néoréalisme italien, alors qu’il relève tout simplement de la tradition régionaliste que Renoir admirait chez Pagnol.  Il s’agit -dans un milieu d’immigrés italiens et espagnols que l’on n’avait certes pas l’habitude de montrer à l’écran- d’une tragédie des rapports sociaux et des passions humaines, sous le soleil de Provence.  La caméra capte des gestes, des sourires, des regards, des actes banals, s’attarde sur les paysages, ne sépare jamais les personnages de leur environnement. Renoir, refusant la psychologie théâtrale et littéraire de l'époque, a signé là une de ses œuvres maîtresses. Admirable !»

Jacques Siclier (Télérama 26/01/1992)


«imbrication de l’individuel dans le collectif caractérise le film,  à travers un développement symphonique marqué notamment par le motif répété de l’ouverture et du final (l’arrivée des contingents ouvriers par le petit train local) et par les courtes séquences musicales du guitariste ou des charbonniers dont les chants rythment l’action, ponctuent le récit, lui donnant comme sa respiration, ses points d’orgue. Mais ce qui est surtout remarquable, c’est la façon dont l’intrigue s’insère dans le milieu où s’agitent les personnages dans les conditions de leur vie, de leur travail, dans cette communauté qui les réunit et ce décor qui les enserre.»

Pierre Leprohon  («Renoir» Edtions Seghers 1967)


«Ce qui frappe dans Toni, c'est l'aspect onirique de ce fait divers, l'allure féérique d'un drame presque quotidien. La mise en scène, complètement «ée», particulièrement déroutante, et très primitive, si on la compare à celle de La Chienne par exemple. On devine un tournage absolument improvisé et même échevelé… Toni est l’un des cinq ou six plus beaux films de Renoir, une tragédie dans laquelle le soleil tient lieu de fatalité.»

François Truffaut (Cahiers du cinéma  :  Noël 1957)


«film modeste, ses évènements et ses images paraissent d’abord terre à terre, mais se gravent en vous, et vous reviennent dix fois en tête. On croit que tout est quotidien dans Toni, et pourtant toute l'œuvre respire la poésie. Malgré quelques failles accusées par le temps, le film apparaît bien comme une œuvre-clé, comme une source essentielle du néoréalisme, et de tout un courant du cinéma contemporain. Parce qu’il a conté une histoire vraie, avec des acteurs alors quasi-anonymes, dira-t-on. Ce serait réduire l’apport  de Toni à une anecdote et des procédés. Les évènements «» ne sont pas le meilleur de Toni. Ce qui est réaliste, c’est avant tout le milieu social. Clair et Vigo avaient déjà peint les milieux populaires. Toni étudia de front (pour la première fois dans notre cinéma) une couche nettement déterminée du prolétariat.» Georges Sadoul (Les Lettres françaises : 21/06/1956)


Georges Sadoul

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