Les trois soeurs du Yunnan_Propos du réalisateur
C'est quoi ce travail_Propos du réalisateur
Les trois soeurs du Yunnan_synopsis
C'est quoi ce travail_Synopsis

Durant deux ans, le compositeur Nicolas Frize s'est installé au cœur de l'usine PSA Peugeot Citroën de Saint-Ouen, avec micros et partitions, à l'écoute du personnel et de la cadence entêtante des machines. Ce formidable documentaire fait mieux que filmer une simple expérience : il contemple, donc, le « travail », dans son essence même : un dialogue incessant entre celui qui crée et ceux qui fabriquent. Sont-ils si différents ? Portraits d'humains pris dans le métal, rêvant et pensant leur activité en voix off, dans le tourbillon mécanique. »

Cécile Mury (Télérama : 14/10/2015)

EXTRAITS CRITIQUES

Dans l’usine PSA de Saint-Ouen, Nicolas Frize, compositeur en résidence, prélève des sons. C’est à la rencontre de son travail et de celui des ouvriers que le film invite. Intuitive, unique et éphémère, l’œuvre musicale qu’il composera à partir de cette collecte peut-elle sans obscénité être rapprochée de l’emboutissage à la chaîne ? Les réalisateurs répondent par un choix de montage fort, qui instaure une écoute mutuelle et ouvre à une interrogation sur le travail en général. Parole off et gestes d’ouvriers sont superposés en bonne intelligence, en une magnifique succession de portraits. « J’essaie de me mettre à la place de la pièce […] comme si j’étais dans la matière », dit un travailleur. Satisfaisant ou douloureux, le geste engage le corps et la conscience dans une relation à la machine (« Je comprends toutes ses réactions ») et au temps.

Charlotte Garson Cinéma du Réel (Beaubourg : mars 2015)

« C’est quoi ce travail ? est entièrement enclos dans l’usine, et on y voit la subsistance au cœur de notre monde soi-disant intégralement automatisé d’un travail à la chaîne qui requiert des exécutants la répétition monotone de quelques gestes. Mais les réalisateurs s’attachent à comprendre comment les individus entretiennent un rapport complexe à leur activité, qui n’est pas entièrement indexé aux seules catégories de l’exploitation d’une force ou à une souffrance salariée. La productivité s’insinue dans les corps et les cerveaux, elle insuffle une dynamique vitale qui est aussi un principe d’immobilité mortelle… À côté d’eux, Frize enregistre le raffut des machines et des robots, fait sonner les rouleaux de métal, etc. Il écrit une partition parlée pour quelques ouvriers qui diront leur texte lors d’un concert final organisé au sein de l’usine. La liberté de déambulation du compositeur, ce temps libre qu’il prend à vaticiner dans les travées, contraste violemment avec la temporalité saccadée du travail à la chaîne. On voit très crûment la dissymétrie de conditions entre l’intellectuel et le travailleur manuel sans que l’on sache tout à fait ce que l’expérience artistique en cours entraîne de bienfait, de prise de conscience, de mélancolie aussi dans l’évidente disparité et profondeur des pratiques. »

Didier Peron (Libération : 13/10/2015)

Révéler la beauté de l’homme au travail : voilà ce que viserait ici le projet artistique commun du compositeur et des cinéastes. Pour le premier, cela passe par un apprentissage des ouvriers à une expression différente, car musicale. Les cinéastes, alternant les témoignages des salariés avec le récit chronologique de la préparation du concert, rendent dès le début le spectateur témoin de cette lumière qui ne demande qu’à envahir l’écran. On admire les couleurs chatoyantes de l’usine noyée dans de beaux arrière-plans floutés, et les prises-son impeccablement montées et mixées pour reconstituer des paroles limpides, délestées de toute aspérité. Il en va de même pour la construction du film, d’une fluidité à toute épreuve. Tout est à sa place, jamais la mise en scène ne sort de son dispositif bien rodé : le parti-pris, assumé, est impeccablement exécuté.

Adrien Mitterand (critikat.com : 13/10/2015)