Mon père_Extraits critiques

L’origine du projet

Mon Père raconte l’histoire de Segundo, un garçon de 14 ans formé par son père à l’art du retable afin qu’il devienne à son tour artisan. Le concept d’héritage est présent depuis l’origine du projet : cette force invisible, transmise de génération en génération et inoculée dans notre peau sans que nous le sachions. Lorsque nous découvrons cet héritage, il est difficile de dire ce qui nous appartient à nous ou à ceux qui nous ont précédés. C’est une histoire sur la tentative de se libérer du fardeau familial, une expérience complexe que beaucoup d’entre nous ont peut-être déjà affrontée à un moment donné. Mon intention était tout d’abord de réfléchir et de comprendre ce qui se passe lorsque la figure paternelle que nous admirons s’effondre. Comment cela affecte-t-il la recherche de notre propre identité, quand on a 14 ans et que l’on vit dans une petite communauté isolée ? Car il y a à la fois ce sentiment de vide et de dépendance, qui peut rendre inconciliables les notions de tolérance et d’acceptation. Et au-delà de la relation de parenté, le film se plonge dans l’existence humaine, en termes de lutte comportementale, entre une voie moderne et alternative et un ordre traditionnel et conventionnel.

 

Art traditionnel

Le retable est un art populaire andin sophistiqué fait de plâtre et de pommes de terre, présenté sous forme de boîtes à histoires portables qui illustrent des fêtes religieuses, historiques et culturelles. Ce sont des portails de vie. Plus vous les contemplez, plus vous découvrez des détails qui changent la vision initiale que vous aviez eue. Je n’oublierai jamais la première fois que j’ai parlé à un maître de retables. Il m’a dit que nous avions un métier similaire, qu’il me fallait une caméra pour pratiquer mon activité, tandis que lui avait sa caméra dans sa tête. « Quand je vois quelque chose qui me touche, je dois fermer les yeux et prendre une photo dans ma tête, car c’est ce que je dois construire ». Je me souviens que j’ai trouvé cela fascinant parce que nous pouvons retrouver dans les retables les mêmes qualités qu’au cinéma. L’image du film qui me revenait constamment était la fin, comment l’histoire se terminerait. Et c’était Segundo sortant d’un retable. Et le film devait également commencer comme un vrai retable, où le garçon voit la vie à travers les yeux de son père, de façon très colorée et très bien composée. Après la découverte du secret du père, la vie de Segundo s’effondre et il doit naviguer dans d’autres visions du monde, à l’image de différents retables. Segundo est à la recherche de son propre point de vue, c’est pourquoi nous utilisons des prises très longues. Dès lors, le retable n’est plus une boîte mais un labyrinthe avec de nombreux passages d’où il faut sortir. Les mouvements, les couleurs et le son gagnent en intensité à mesure que Segundo perd son propre cadre d’observation de la vie. Je crois que notre vie est semblable à l’exploration de différents retables où nous nous retrouvons et découvrons qui nous sommes vraiment. Cependant, entrer dans ces endroits peut être difficile et effrayant. Plus nous explorons, plus cela devient complexe et donc risqué. Mais cela conduit également à une identité plus forte. Cela donne de l’espoir, car nous pouvons toujours réparer nos images. Et le meilleur tissu social pour cela est l’amour.

Les acteurs

Pour trouver Segundo, il nous a fallu cinq mois d’auditions et 720 rencontres d’adolescents. Nous sommes allés dans toutes les écoles d’Ayacucho, dans plusieurs montagnes et villes, à la recherche de ce personnage. Trouver un jeune de 14 ans dans les Andes avec une expérience cinématographique et théâtrale était impossible. Nous recherchions un garçon talentueux et sans doute inconscient de l’être, un garçon courageux et capable d’aller vers des lieux inconnus. Quelqu’un qui ne jugerait pas le personnage mais le respecterait entièrement. Nous avons rencontré Junior Bejar Roca, et avons alors rapidement rencontré ses parents. Nous avons lu le script avec eux. Ils ont été touchés par l’histoire et par toute sa signification, car la plupart des sujets qui y sont abordés sont tabous dans les Andes.

Mais ils souhaitaient que Junior prenne la décision lui-même. Je devais rencontrer Junior et lire le script avec lui. Je me souviens de la rencontre avec Junior et mon producteur. C’était magique. Quand nous avons fini de lire le scénario, Junior m’a dit que c’était une histoire d’amour. Un amour entre un père et son fils. J’étais particulièrement ému. Amiel Cayo, qui tient le rôle du père, est un acteur de théâtre très connu dans les Andes mais c’est aussi un artisan très connu pour les masques qu’il fabrique. La première fois que je l’ai rencontré, je n’ai pas voulu qu’il lise le script. Je voulais le rencontrer dans son atelier et apprendre comment il fabriquait les masques de ses mains. C’était incroyable. Dès le départ, j’ai senti que c’était lui qui devait jouer le père de Segundo. Puis, pour le rôle de la mère, je leur ai présenté Magaly Solier, l’actrice péruvienne contemporaine la plus connue. Elle a déjà tourné dans plus de 20 films, dont Fausta (Ours d’or 2009) et Amador. Mais elle est surtout née à Ayacucho où nous allions tourner. Nous avons commencé à répéter. La ressemblance physique entre eux trois était très naturelle. C’était vraiment une coïncidence.

 

Tourner en quechua

Initialement le script était écrit en espagnol, car personnellement, je ne parle pas quechua. Mais un jour où nous prenions le petit-déjeuner chez Magaly, je l’ai entendue parler en quechua. Tout comme Amiel parlait quechua à sa famille par téléphone. Et Junior parlait également quechua avec sa grand-mère et parfois avec ses amis, c’était la langue naturelle du film. C’est arrivé de manière magique et authentique.

 

Dossier de Presse

Propos du réalisateur

Extraits critiques