03-Rumble Extraits critiques

Aux origines du rock

On dit souvent que le rock trouve son origine dans le blues que jouaient les esclaves noirs, eux-mêmes inspirés par les chants africains. Ce documentaire nuance cette affirmation, en montrant ce qu’il doit aussi à la culture amérindienne. Il nous présente un titre instrumental, Rumble (qui signifie littéralement «se bagarrer»), sorti en 1958 et interprété par un certain Link Wray, descendant de la tribu shawnee. Beaucoup de musiciens la considèrent comme le premier vrai morceau de rock.

La Vie, Étienne Séguier


Mémoires amérindiennes:

Victimes de génocide, réduites au silence et déportées pendant des siècles, les tribus autochtones des états-Unis avaient failli voir leurs traditions disparaître. La survivance de leur héritage culturel, chants et danses, s’était notamment perpétuée via les liens que certains de ces Amérindiens avaient tissés avec d’anciens esclaves noirs, échappés des plantations du sud.

Tandis qu’au début du XXème siècle, le gouvernement fédéral de Washington s’inquiétait que ne disparaisse le patrimoine amérindien, envoyant ethnologues et photographes (comme Edward Curtis) documenter les coutumes des dernières tribus, l’Amérique avait ensuite réalisé que certains de ses plus grands musiciens avaient, eux aussi, des origines autochtones...

Dans cette histoire encore méconnue que documente Rumble, on croise des costumes extravagants, des danses des esprits, des accords de guitares rugissants, des fiertés conjuguées et un ouragan.

France Culture, Juke Box


Longtemps occultée – voire censurée –, cette musique indienne aux racines ancestrales a séduit et influencé, par la suite, presque tous les musiciens et chanteurs comme Jeff Beck, Jimmy Page, le guitariste de Led Zeppelin ou Pete Townshend des Who. Bob Dylan s’entoura de Robbie Robertson, descendant d’une tribu mohawk, et le bluesman Charley Patton, métis choctaw, fut une grande référence pour les Rolling Stones. Sans oublier Jimi Hendrix, métis cherokee, qui pulvérisa le rock avec sa guitare électrique. Michka Assayas, qui anime sur France Inter l’émission «Good Trip», rappelait récemment que le guitariste Buddy Guy, l’un des derniers géants vivants du blues de Chicago, estimait que «blues n’a rien à voir avec la musique africaine. En revanche, tout avec celle des Amérindiens dont la présence l’entourait, en l’occurrence les tribus houma».

Le Monde, Daniel Psenny

  

Permanence des musiques autochtones


D’origine indienne (Apache), à son tour Stevie Salas, (producteur exécutif) porte le projet Rumble à bout de bras depuis presque dix ans maintenant. C’est précisément en se retrouvant avec Rod Stewart sur la scène du Madison Square Garden qu’il dit avoir eu le déclic, se demandant alors s’il avait été le premier, voire le seul Native American à avoir foulé les planches de la mythique salle new-yorkaise. «À partir de là, c’est devenu une sorte de hobby. J’ai commencé à fouiller ici et là pour savoir s’il y en avait eu d’autres dans le rock et j’ai fini par en rencontrer certains.»

Si le documentaire est le prolongement d’une exposition sur le même thème au Smithsonian Museum de Washington en 2010 et que le nombre comme la diversité de ses intervenants en impose –de Dan Auerbach à Steven Van Zandt dans l’ordre alphabétique, en passant par Tony Bennett, Billy Cox, Taj Mahal, Steven Tyler, Iggy Pop, Slash, Martin Scorcese et à peu près une trentaine d’autres–, il n’était pas question pour Salas d’en faire un film didactique.

Encore moins un film “victimaire”. Qu’ils s’appellent Link Wray, Robbie Robertson, Jimi Hendrix, Charley Patton, Peter LaFarge, (…), ce sont des “héros modernes” que Salas entendait présenter. Sans acrimonie ni aigreur. “Bien sûr que la colère et le sentiment d’injustice persistent au sein des communautés, poursuit-il. Et si le film se termine dans la réserve de Standing Rock au moment des manifestations contre la construction du pipeline pétrolier en 2017, c’est aussi pour montrer que rien n’est réglé avec le ‘pouvoir blanc’. Pour autant, je voulais un film positif, une célébration du talent de musiciens exceptionnels, pas une revendication revancharde.

Rolling Stone France, Xavier Bonnet



Cette terre des Indiens d’Amérique d’avant Colomb était profondément musicale, avec des chants pour saluer le matin, des mélodies en hommage aux ancêtres, des hymnes guerriers, des danses des esprits, des litanies pour les morts… Une tradition qui a failli se perdre quand les Indiens, exterminés, ont eux-mêmes manqué disparaître. Mais c’est le contraire qui s’est produit: les voix, les rythmes et les traditions amérindiennes ont façonné la musique américaine. À travers des artistes aux métissages shawnee, tuscarora, apache, choctaw, cherokee (comme Jimi Hendrix), le film prouve l’impact de leur musique sur les plus grandes rock stars.

La CROIX, Nathalie Lacube

A PROPOS DU DOCUMENTAIRE ET DE SON CONTEXTE

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