01-03_Les heures heureuses_ Exraits critiques
01-01_Les Heures heureuses

Martine DEYRES


Née à Lyon en 1972, Martine Deyres a d’abord suivi des Études théâtrales et été́ comédienne avant de se diriger vers le cinéma documentaire. Formée aux Ateliers Varan puis à Lussas (Master 2 documentaire de création), elle a réalisé Lieu commun (2003) ou White Spirit (2006). Elle s'intéresse depuis quelques années au monde de la psychiatrie. En travaillant à la préparation de son long métrage sur l'asile de Saint-Alban, elle a rencontré le célèbre psychiatre Jean Oury avec qui elle a réalisé́ un long film composé d'entretiens, Le Sous-bois des insensés (2015).

Source: Tënk

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Les Heures heureuses est consacré à une star, une star assez particulière: l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban. Cette bourgade de Lozère est en effet depuis 1936 un haut lieu des pratiques alternatives dans les façons de prendre en charge ceux qui souffrent de maladies mentales.

Le film évoque les nombreuses personnalités marquantes qui ont travaillé à Saint-Alban, et leurs apports successifs et décisifs aux pratiques de ce secteur. Parmi elles, il faut mentionner au moins Francesc Tosquelles, médecin psychiatre catalan qui, après avoir expérimenté les camps où la République française a interné les Républicains espagnols, sera l’inventeur de cet ensemble de pratiques libératrices qu’on appellera ensuite la psychothérapie institutionnelle.

Mais le lieu a également été une étape importante dans le parcours d’autres grandes figures de tout le mouvement qui a tenté de repenser la relation entre l’institution, les soignants et les soignés, dont le philosophe Georges Canguilhem et le médecin Jean Oury qui dirigera ensuite l'autre lieu repère qu'est la clinique de La Borde.

Le lieu a également accueilli le poète et résistant Paul Éluard, et le peintre Jean Dubuffet, qui sut voir la beauté de certains productions visuelles des internés, donnant naissance au domaine désormais fécond de l’art brut dont Dubuffet avait très tôt commencé à explorer les ressources.

Sous l’occupation, Saint-Alban ne fut pas seulement un refuge pour les résistants, mais fut aussi le seul endroit où des internés psychiatriques ne furent pas impitoyablement sacrifiés aux duretés de l'époque.

Et de façon peut-être encore plus significative, ce fut le creuset d’une recherche sur d’autres pratiques du soin, en lien intime avec la réflexion d’ensemble en vue d’une autre société, d’un bouleversement des rapports humains. La référence explicite du titre aux «Jours heureux», intitulé du programme du Conseil national de la Résistance, est à cet égard très légitime.

Slate.fr, Jean-Michel Frodon

Extraits critiques

Une photo immense commence le film. Un homme et une femme discutent. Ce sont deux soignants à la retraite. Sur le papier noir et blanc, les gens posent. Les malades mentaux se mêlent indéfiniment aux personnels qui œuvrent à leur côté. Nous sommes exactement dans ces mouvements innovants qui ont structuré une partie de la psychiatrie française où la camisole de force et l’enfermement étaient interdits. C’était une psychiatrie innovante, entre le soin et le médico-social, avec des vertus inclusives d’abord avant d’être thérapeutiques.

Le documentaire témoigne d’une alternative à la psychiatrie traditionnelle mais aussi de l’importance du centre hospitalier de Saint-Alban pendant la Seconde guerre mondiale où de nombreux malades ou indigents et même de grands intellectuels comme Éluard ont échappé à la barbarie des camps de concentration. Balvet et Tosquelles, puis plus tard Bonnafé, militent pour une prise en charge qui soit digne, adaptée et soucieuse d’humanité. L’expérience de cette institution préfigure le développement de l’ergothérapie qui a aujourd’hui toute sa place dans les protocoles médicaux.

Les Heures heureuses parlent d’une époque où la maladie mentale était loin d’être au cœur des préoccupations sociales. En tous les cas, cet hôpital de Saint-Alban est un exemple de militantisme social et thérapeutique.

aVoir-aLire.com, Laurent Cambon


Une stratégie de réalisation à part entière: le «found footage» –la chercheuse Christa Blümlinger, spécialiste de la question, a proposé l’expression de «cinéma de seconde main». Il s'agit du réemploi de films, ou de fragments de films, qui ont été tournés dans un autre contexte, pour d'autres raisons et qui sont assemblés avec un projet inédit: raconter une autre histoire, faire de l'histoire, susciter des émotions visuelles et sonores. le «footage» n'est pas «found», au sens de surgissant de manière (supposément) fortuite, mais résulte d'une recherche des auteurs, au service d'un projet. De manière qui peut être en partie un artifice narratif mais implique un rapport particulier aux documents, le «found footage» est, lui, une composition à partir d'un ensemble dont les éléments se sont trouvés mis à disposition de façon inopinée, ou pour des raisons étrangères à la réalisation du film qui les utilise.

SYNOPSIS

Les heures heureuses


Sous le régime de Vichy, quarante-cinq mille internés sont morts dans les hôpitaux psychiatriques français. Un seul lieu échappe à cette hécatombe. À l’asile de Saint-Alban, soignants, malades et religieuses luttent ensemble pour la survie et accueillent clandestinement réfugiés et résistants.