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« S’il existe un maître du cinéma de récit, c’est bien Lubitsch et s’il existe un chef-d’œuvre de récit c’est bien cette Huitième femme de Barbe Bleue qui ressemble tant à un film léger qu’il est un piège fascinant. Ce piège est simple : alors que nous acceptons tout ce qu’on nous montre comme une agréable gaudriole, un jeu de mise en scène, un déplacement de caméra, une réplique, nous rejettent dans le drame le plus émouvant. Lubitsch opère avec tant d’aisance et cela nous paraît si logique, que nous n’avons pas le temps de juger ce retournement de situation ou d’état d’âme. » N. S. (La Revue du Cinéma  N° 240 juillet 1970)

« Un dernier point frappe à la redécouverte nostalgique de Bluebeard’s eighth wife, c’est la confiance (absolument justifiée) de Lubitsch dans la valeur de ses gags, de ses situations comiques, des réparties de ses personnages. Jamais la mise en scène ne souligne, n’annonce, n’explique, ne met artificiellement en valeur l’élément comique que le spectateur est alors obligé de subir. Le trait d’esprit, la réplique, le burlesque instantané de telle situation sont au contraire noyés dans la continuité imperturbable d’une intrigue que la mise en scène se contente de servir avec toute la discrétion et la rigueur souhaitables »
Frédéric Vitoux (Positif N° 125 mars 1971)

Opinions    « Dans le gruyère Lubitsch chaque trou est génial ! » François Truffaut

« A travers les films de Lubitsch, c’est toute une comédie humaine qui revit. Aristocrates britanniques, boutiquiers hongrois, bourgeois français, forment une vaste galerie, une société dont Lubitsch dénonce la frivolité et les faux sentiments tout en étant fasciné par ce luxe tapageur. Dans cette société, les personnages sont des acteurs, aux deux sens du mot. Ils jouent la comédie et Lubitsch est tout à la fois chef d’orchestre et spectateur, quelque peu voyeur, de cette pièce aux cent actes divers. »

Patrick Brion (Dossier du cinéma)

 

« Lubitsch appartient à cette catégorie assez rare des auteurs qui sont à la fois des pionniers. Nombre de ses films ont fait progresser le cinéma et c’est à ceux-ci qu’il doit sa renommée ; mais, d’une manière surprenante, ces films n’ont aujourd’hui rien perdu de leur attrait et nous y découvrons encore plus que ceux de leurs contemporains qui les acclamaient. Lubitsch fut pour eux et est avant tout le réalisateur qui fit pressentir au grand public le concept de mise en scène, ( à travers le Lubitsch touch), l’homme qui introduit la psychologie à l’écran, un Protée doté d’une grande faculté d’adaptation à tous les genres, l’héritier et le vulgarisateur de la tradition théâtrale germanique et le créateur d’une tradition cinématographique hollywoodienne originale. »

Bernard Eisenschitz (Lubitsch, in Anthologie du cinéma n° 23, Paris 1967)

  

«  Si vous me dites : « Je viens de voir un Lubitsch dans lequel il y avait un plan inutile » je vous traite de menteur. Ce cinéma-là, le contraire du vague, de l’imprécis, de l’informulé, ne comporte aucun plan décoratif, rien qui soit là pour faire bien, non, on est dans l’essentiel jusqu’au cou. Sur le papier, un scénario de Lubitsch n’existe pas, il n’a aucun sens, après la projection non plus, tout se passe pendant qu’on le regarde. » François Truffaut

 (Lubitsch était un prince, in Cahiers du cinéma n° 198 février 1968).

 

«  Lubitsch répugne à montrer, autant qu’à dire. Chez lui, tout ce qui s’exhibe ou s’expose, qu’il s’agisse du corps, des sentiments, des convictions, des idées, est promis à l’enfer. Au contraire, la retenue est délicieuse. Le ciel peut attendre, il doit attendre. Le spectateur aussi. Car il n’y a pas d’autre paradis que cette attente. Il s’agit de construire le temps du désir. Ne jamais le remplir, le combler, car se serait le détruire. Faire le vide plutôt, entraîner les spectateur toujours plus loin, de surprise en surprise. Le dérouter, le détourner. Art de la dérive et de l’esquive, le cinéma de Lubitsch est la séduction même.

Jean Collet  (Etudes avril 1986)

  

« Lubitsch et ses comédies américaines sont venus au moment où, à cause de la crise économique, l’industrie hollywoodienne du cinéma fabriquait pour le public un univers d’évasion. Peut-on dire que Lubitsch s’est plié aux circonstances ? Son inspiration personnelle s’est confondue avec les nécessités de l’époque. Mais ses comédies ne sont pas lénifiantes. Elles sont brillantes, ironiques, allusives, tant par le dialogue que par les images .Elles s’invitent à vivre sans complexes et sans souci des règles et des morales conformistes. »

Jacques Siclier (Le Monde)