Juliano

ALCALAM : Association laïque pour la culture et la langue arabes, dont l’objectif est d’organiser dans l’agglomération troyenne des manifestations artistiques et littéraires en lien avec la culture et la civilisation arabes.

Un festival de films en langue arabe ?

 

Un festival de films en langue arabe ! Ce n'est pas seulement une première à l'espace Pierre Chaussin à Sainte-Savine, mais aussi à l'échelle de l'agglomération troyenne, du département de l'Aube et, probablement, de la région Champagne-Ardenne. L'idée est venue à la suite du succès qu'a connu la projection du film égyptien L'Immeuble Yacoubian en octobre 2010. Renvoyant dos à dos état policier et extrémisme religieux, ce film plaidait pour une troisième voie que le monde arabe, depuis décembre 2010, s'efforce de trouver avec la révolte des peuples arabes qui, de la Tunisie jusqu'à la Syrie en passant par l'Égypte, la Libye, le Yémen et le Bahreïn, fait renaître l'espoir en jetant une énorme pierre dans les eaux stagnantes des régimes autoritaires. Avec  L'Immeuble Yacoubian  deux mois à peine avant le déclenchement de la révolte arabe, nous avons eu du flair !

 

Faire un festival, mais sous quelle forme ? Définir une thématique transversale, puis choisir des films provenant de plusieurs pays arabes ? Rendre hommage à un cinéaste arabe notoire ? Présenter le cinéma d'un pays arabe en particulier ? Nous nous sommes longtemps posés la question, avant que la réponse ne vienne d' « Artisans du monde ». Proposant, en effet, à l'association Pierre Chaussin dans le cadre de la semaine du commerce équitable le documentaire  Tant qu'il y aura des oliviers sur la situation des oléiculteurs palestiniens, avec la présence d'un couple de palestiniens, « Artisans du monde » nous a trouvé le sujet de notre festival : « Le cinéma palestinien aujourd'hui ». Un peuple, dont l'histoire est plus étrange et plus dramatique qu'un film de fiction, mérite que nous lui dédiions notre 1er festival de films en langue arabe.

 

Mais attention ! Projeter des films palestiniens et, ce faisant, mieux comprendre la souffrance et la tragédie du peuple palestinien ? Oui. Désigner, en la personne du peuple israélien, un bourreau et inciter à la haine de l'état d'Israël ? Catégoriquement non. C'est d'autant plus non qu'il y a, en Israël, beaucoup de voix qui ne cessent, avec courage et conviction, d'appeler à la paix, au respect des résolutions des Nations unies et du droit des palestiniens à avoir leur état indépendant sur leur territoire national. Parmi ces voix, il y a le cinéaste Avi Mograbi. Nous avons voulu, à travers un documentaire fait par lui et un autre sur lui, qu'il soit présent dans notre festival de films palestiniens pour montrer qu'il est absurde de penser pouvoir séparer définitivement ces deux peuples en dressant entre eux un mur.

Comment pouvoir, d'ailleurs, séparer ces deux peuples, alors qu'il y a, d'un côté comme de l'autre, des destins qui dépassent les frontières et les lignes de démarcation comme celui de Juliano Mer-Khamis ? Acteur, cinéaste et metteur en scène, israélien né d'un père chrétien arabe et d'une mère juive, Juliano a consacré les dernières années de sa vie à poursuivre l'action de sa mère, Arna, qui, pendant la première Intifada, avait créé dans le camp de réfugiés de Jénine un théâtre pour initier les jeunes palestiniens à cet art. Baptisé « Théâtre de la Liberté », cet endroit fut le théâtre de l'assassinat de Juliano, perpétré le 4 avril 2011 par des hommes armés et cagoulés. Afin de saluer la mémoire de l'homme de paix et de culture que fut Juliano, nous ne pouvions que bousculer le programme de notre festival, pourtant déjà arrêté et publié, pour projeter en séance d'ouverture son documentaire Les Enfants d'Arna  qui retrace le destin tragique, pendant la deuxième Intifada, des jeunes palestiniens qui, enfants, avaient fréquenté, pendant la première Intifada, le théâtre de sa mère.

 

Comme c'était le cas avec  L'Immeuble Yacoubian, nous aimerions que ce festival soit un nouveau rendez-vous avec l'Histoire, dans la mesure où l'Assemblée Générale des Nations unies est susceptible de reconnaître, lors de sa prochaine session de septembre 2011, un état palestinien sur les territoires de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Avec l'association Pierre Chaussin, nous nous préparons, décidément, aux rebondissements de l'Histoire !

 

Aref TAHAN

Professeur d'arabe à l'Éducation nationale et vice-président d'ALCALAM

Juliano Mer-Khamis