Les Lip: Extraits critiques

EXTRAITS CRITIQUES

Propos du réalisateur

 

 « J'avais envie d'un film partiel, partial sans doute, un film qui assume un point de vue et un regard, certain que cette singularité-là dirait plus et mieux que toutes les analyses du monde. Ce qui m'intéresse, ce sont les hommes et les femmes qui ont permis que ce tremblement de terre se produise. Leur mémoire est vacillante, leurs souvenirs imparfaits, ça tombe bien, ce qui m'émeut c'est la façon dont ils en parlent aujourd'hui, les hiatus et les grincements de leurs récits.(...) C'est dans les espaces de cette parole d'aujourd'hui que se glisse la matière proprement cinématographique de l'histoire, la part de l'imaginaire et du récit, l'émotion aussi, sans laquelle le cinéma n'est pas. »

 

« J'ai toujours imaginé ce film projeté dans les cinémas. J'ai pensé qu'il avait besoin du coude à coude et des frissons d'une salle obscure pour trouver son espace. Cette histoire collective appelle une écoute et un regard partagés. Elle veut qu'on soit là, ensemble. A cette condition, elle pourra évoquer des questions qui n'en finissent pas de se poser à nous, qu'on le veuille ou non : la démocratie, la solidarité, la lutte pour la justice, la capacité de vivre ensemble. De grands mots, sans doute, mais dont on a sans cesse besoin de retrouver le sens, de se les réapproprier. Peut-on parler de rêverie politique ? J'aimerais que cette incongruité traverse le film. Lip c'est la poursuite d'un rêve collectif. Une histoire portée par un souffle épique, mais aussi par le désir de mettre en acte des idées, après les avoir malaxées ensemble, avec l'évident plaisir d'inventer. »

  

« Pour réaliser ce film, il fallait tresser ensemble trois fils : le récit des événements, les portraits et enfin les idées politiques qui se tapissent derrière. Mon monteur, qui est aussi mon fils, a été radical. Il a coupé tout ce que lui, qui appartient à une autre génération, ne comprenait pas. » (Libération : mars 2007)

 

« Le tournage lui-même, environ 3 à 4 semaines. Mais j’ai mené une très longue enquête auparavant, j’ai rencontré chaque personnage, avec qui j’ai eu des entretiens prolongés. J’avais 500 pages d’interview. A partir de là, j’ai écrit un scénario pour obtenir le financement du film, en particulier l’avance sur recette. J’ai dû imaginer quelle place chaque personnage allait prendre dans le récit, mais j’avais une idée assez précise de ce qu’ils allaient dire. Ce travail de rencontre, de mise en confiance n’a pas été toujours facile. Car Lip a été une histoire lourde, notamment lors du deuxième conflit, et personne n’en est sorti indemne.  »


« J’avais aussi envie de travailler sur les années 70. J’en ai un peu assez de la façon dont on présente Mai 68, comme un monôme étudiant, mené par des fils de bourgeois désœuvrés et qui, après s’être un peu amusés, sont rentrés chez eux pour faire la révolution en chambre. Pour moi, 68 ça a été dix ans de réflexion, de luttes et de travail avec des gens qui pensaient que des choses devenaient possibles après le mouvement de mai. Des portes s’étaient ouvertes et il fallait continuer à lutter. Mon envie de raconter Lip vient de là. Car s’il y a une lutte emblématique de l’après 68, c’est bien Lip. » (Le Monde libertaire : mars 2007)

Repères

 

10 juin1973 :

Les Lip occupent leur usine. Ils s’emparent et cachent le stock de montres, leur « trésor de guerre». Une semaine plus tard, ils reprennent la production jusqu’au 15août, chassés par les gardes mobiles.

 11 mars 1974 :

Un plan de reprise prévoyant la réembauche en un an de tous les ouvriers est appliqué. L’usine repart.

 29 septembre 1973 :

Marche des 100 000

Une grande marche nationale sur Besançon est organisée. 100 000 personnes manifestent.

 Mai 1974 :

Valéry Giscard d’Estaing est élu président de la République et nomme Jacques Chirac premier ministre.  Son arrivée à la présidence sonne le glas de Lip.