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EXTRAITS CRITIQUES

Synopsis :

Dans son village de Moldavie, Costica élève seul ses trois enfants : leur mère a émigré pour travailler en Italie, elle n’est là qu’au téléphone, et par ses colis. Costica n’est pas l’unique « père seul » de son village.

 En Moldavie, 4,3 millions d’habitants, la crise dure depuis dix ans. Le pays s'est déjà vidé d'un quart de sa population active. Les hommes rejoignent les chantiers de construction en Ukraine et en Russie. Les femmes deviennent nourrices, femmes de ménage en Italie ou alimentent les réseaux de prostitution dans le reste de l'Europe. Conséquence : 38 % du PIB provient des transferts d'argent de ces émigrés.

Depuis 2007, La Roumanie a intégré l’Union européenne. Ce pays partage langue, tradition et culture avec une grande partie des Moldaves.

 


‘’CITERCINE ‘’

A bon entendeur...

« Rien ne vaut le bouche à oreille, bien avant la télévision, pour inciter à aller au cinéma, Le bouche-à-oreille est cité par les trois quarts (74,4%) des 20-24 ans et par 63,5% des femmes. C'est le premier vecteur d'information pour 58,9% des personnes interrogées, loin devant la télévision (46,8%) ».

Enquête du CNC (septembre 2010)

 

« Ce que j’observe surtout de plus en plus, c’est un phénomène d’avachissement de la critique. D’où vient tel réalisateur ? Qu’est ce qu’il a fait avant ? Dans quel contexte ? Plus personne ne s’en soucie… Il n’y a plus de passeurs, comme avant dans les ciné-clubs, à la Cinémathèque, etc. Résultat - et c’est paradoxal à l’heure des chaînes de multidiffusion et de l’explosion de l’offre de DVD - , le public n’a plus aucun repère. Et il finit par tomber dans le « tout se vaut »... »

 

Patrick BRION

(Entretien : Annuel du cinéma 2010)

Critique et historien du cinéma, Patrick Brion est l’un des grands spécialistes du cinéma américain.

Depuis 1976, il programme le Cinéma de minuit, tout le dimanche sur France 3. Auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages sur le cinéma, il a écrit également de nombreux articles (Les Cahiers du cinéma, Télérama) sous le pseudonyme de André Moreau..

THOMAS CIULEI

«Ciulei, cinéaste roumain-allemand, poursuit depuis une quinzaine d’années une œuvre documentaire remarquable. Si la plupart de ses films ont été coproduits avec l’Allemagne, où il a étudié le cinéma, tous se déroulent en Roumanie, excepté le dernier qui nous entraîne dans un village de Moldavie, pays voisin.

Dans Le Pont des fleurs, le cinéaste partage le quotidien d’une famille de paysans dont la mère est partie travailler clandestinement à l’étranger, pour essayer d’améliorer une vie de plus en plus difficile. Dans un style très maîtrisé (porté par un tournage en pellicule auquel il tient), il accompagne les efforts du père pour combler le vide laissé par ce départ : sous sa conduite, les activités de la journée s’enchaînent sans répit et chaque instant est chorégraphié par le cinéaste dans une mise en scène minutieuse. La virtuosité qu’il manifeste raconte avant tout sa croyance dans la force d’un plan, d’une séquence pour dire toute la simplicité d’une vie, la douceur ou la vigueur d’un geste, la beauté d’un visage. Et cette mise en scène s’imagine avec ceux qu’il filme, comme une invitation à jouer, que l’on retrouve aussi dans Asta e, son précédent film. Il y a chez Thomas Ciulei, une jubilation, un plaisir du jeu auxquels se joignent ses personnages, une autre manière pour eux de surmonter des situations parfois un peu désespérées et pour lui de les rendre belles — un clown se cache pudiquement derrière le cinéaste, son sérieux est celui d’un Keaton. Son cinéma s’appuie sur une relation très respectueuse et attentive qui se dévoile parfois dans une parole ou un regard de ceux qu’il filme. Comme avec Gratian, ce vieil homme rejeté du village qu’on prétend loup-garou mais dont le film montre toute la beauté et la grâce, les monstres n’étant pas ceux que l’on prétend. Dans ces films, on parle peu, la parole est accueillie, attendue, mais on le sent, jamais forcée.
Dans Face Mania, c’est cette relation de confiance qui lui permet de recevoir de Lena Constante, comme un don, le récit de ses terribles années de détention politique dans les geôles roumaines. Elle s’est servie des mots pour échapper à la folie, elle a contenu ses peurs avec ses mots. Dans son tout premier film, Thomas Ciulei recueillait aussi une parole : celle de ceux qui avaient choisi de rester dans leur village de Transylvanie déserté par la majorité des habitants (d’origine allemande) qui s’exilèrent après la chute de Ceausescu. Lui aussi, pour d’autres raisons, quittait la Roumanie des années plus tôt, à l’âge de quatorze ans. Dans tous ses films, cet exil ressurgit : qu’on soit rejeté, qu’on ait décidé de rester, qu’on ait été obligé de se séparer, qu’on se soit inventé un exil intérieur, il faut construire un pont. Le pont des fleurs était le symbole du rapprochement entre la Moldavie et la Roumanie après 1989. Dans Face Mania, il y a un long travelling de nuit sur un pont dont l’image est double, d’un parfait reflet sur le fleuve, une illusion. Lena Constante capturait avec des mots des visages inquiétants, puis transformait ses rêves en poèmes pour les garder en mémoire, ce rêve maintenu éveillé par les mots : « une prairie couverte de fleurs ».
Christophe Postic 

Thomas Cilulei ; Fragment d’une œuvre

Etats Généraux du film documentaire : LUSSAS