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SUITE des EXTRAITS CRITIQUES

SYNOPSIS

EXTRAITS CRITIQUES

 

 « Thomas Ciulei nous installe en pleine Moldavie rurale, dans la ferme de Costica, un père de famille agriculteur, un « acteur né » dit-il, mélange de Dustin Hoffman et de Robert de Niro. Rencontré pendant un repérage, Costica a abordé le réalisateur en le prenant pour un détective. Après quelques verres du vin que l'on sert à flot pendant le film, le casting était conclu.

Costica résume sa situation intenable face caméra : il sème dix hectares d'orge, trois vont aux animaux, il lui en reste sept à vendre. Quand tout va bien il s'en sort tout juste : « c'est ça l'agriculture en Moldavie », ajoute-t-il avec un sourire crispé. Il sème et récolte à la main avec l'aide de ses seuls enfants, un jeune garçon et deux adolescentes. Pour sauver les siens de cette impasse, la mère est partie travailler en Italie...

Temps de l'absence. Quotidien de la maison. Cycle naturel. Tout est comme « avant » dans l'environnement de la maison. Costica s'y emploie avec acharnement. Le temps qui passe est suggéré par de très beaux plans de la campagne environnante, une nature sauvage et belle, tranchante et immuable. Les jours se suivent, les uns ressemblant aux autres. Le retour de l'école est ponctué par l'incontournable compte-rendu des enfants sur les notes obtenues en roumain, en maths, en histoire géo. Les repas et les couchers se répètent et traduisent l'absence de la mère, la douleur de la séparation


Le film est ponctué de déclarations de Costica à la caméra, comme des petits bilans de ce qu'il vit, comme des extraits de ce qu'il pourrait dire à sa femme. Comme des moments de pause, de relâchement, de confidence qu'il nous livre. Le reste du film observe patiemment la vie de ce père poule bouleversé et bouleversant. La caméra nous rend témoin distancé de la relation de toute la maisonnée avec la mère absente. Des colis arrivent d'Italie avec du fromage que le jeune fils prend pour du savon et qui sent l'ailleurs, la vie étrangère de la mère. Des communications téléphoniques avec elle dont la voix paraît si loin montrent le désarroi et le manque. Le temps passe, la ferme paraît de plus en plus éloignée de tout.

Les scènes de la vie ordinaire comportent de nombreux champs, contre-champs et une touche fictionnelle qui peut dérouter le spectateur. Les protagonistes jouent leur propre rôle avec talent et ces scènes rituelles, où le geste est répété et rejoué comme à l'infini, permet à Thomas Ciulei de composer une forme documentaire originale. Tourné en 35 mm, avec une équipe de sept personnes pendant trois mois, six jours par semaine, Podul de Flori a la beauté d'un film de cinéma patiemment composé avec le réel. Chaque jour, Thomas Ciulei décide de filmer des saynètes observées quelques heures auparavant qu'il demande aux protagonistes de rejouer. Ces scènes entre fiction et réel ponctuent le film et lui donne sa profondeur temporelle. Les saisons s'enchaînent, les enfants grandissent et la mère n'est toujours pas là. Les liens se distendent. L'absence se fait plus crue de jour en jour. Les lettres des enfants lues en voix off nous invitent un peu plus dans leur univers face à un Costica hyperactif. Il retourne la maison, nettoie, s'occupe du jardin, soigne les animaux et les êtres vivants sous son toit. »

Chrystel Jubien / Collectif Les Incorrigibles

 

« Fragments de la vie quotidienne dans l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Costica, petit paysan moldave se démène pour élever ses trois ados. Il y a trois ans, sa femme, à l’instar de milliers de ses compatriotes, est partie chercher du travail en Italie. Un exil économique dont elle n’est jamais revenue. Le Pont des fleurs est la chronique de cette absence. Pleine de tendresse mais aussi de douleur… Le temps qui passe est souligné par des plans admirablement composés de la campagne au fil des saisons, alors que, au jour le jour, les mêmes gestes se répètent. Les travaux des champs, les comptes rendus de la journée à l’école, les rituels du repas et du coucher s’enchaînent dans l’attente des lettres, d’un paquet-cadeau, des rares appels téléphoniques, et, surtout, d’un retour qu’on pressent de plus en plus hypothétique. C’est magnifique et déchirant. »

Sauel Douhaire (Télérama : décembre 2009)