Casa grande_synopsis
Casa Grande_Propos du réalisateur

En posant sa caméra à Rio le cinéaste s’attaque à la capitale culturelle du pays, miroir d’une identité, mais surtout symbole d’un malaise. Loin du film-carte postale, loin du misérabilisme également. Barbosa articule discrètement son militantisme autour d’une famille très aisée dont le père est en déroute financièrement. La maison de 1400 m2 et le jacuzzi vont de pair avec la cuisinière et le jardinier, un monde d'excès, un monde de servitude [...]. Malgré la description crue du quotidien de cette famille embourgeoisée, encerclée par une misère plus suggérée qu’exposée, la caméra ne pose pas un regard malveillant sur ce père endetté, sur cette mère précieuse, sur ce fils qui est conduit à l’école par son chauffeur. Mais un regard honnête dira-t-on, honnête sur les désillusions du travail, de la famille, et du cœur.

En cela le film fait figure de parcours initiatique pour Jean, 17 ans, en âge de sortir de son cocon d’argent, de se confronter à une vision plus globale de la société brésilienne. Par le biais de cette jeune fille qu’il rencontre dans le bus qu’il prend pour la première fois de sa vie; par le biais des serviteurs de sa demeure qui disparaissent au fur et à mesure que les factures s’accumulent.

Le cinéaste s’adresse à tous en filmant de l’intime, du personnel, car, après, tout cela reste l’histoire de l’émancipation d’un gamin qui découvre l’injustice. Et sans s’apitoyer sur lui-même le film a le mérite de montrer ce qui doit l’être; on ne s’attarde pas dans le ghetto mais on y passe, et quand on pense que finalement c’est plus ou moins folklorique avec tous ces jolis murs colorés, on prend la rue suivante, et la boue recouvre tout, les pierres comme les pieds.

Cine Séries-mag, Grégoire LEMAITRE, juin 2015

La question de savoir si Jean, adolescent de Rio de Janeiro, réussira à connaître sa «ère fois» ne suscite aucun suspense particulier. Non que l’affaire soit simple: le premier et plus grand obstacle sur sa route réside dans son propre milieu grand-bourgeois, cocon étouffant qui instaure entre lui et le monde cette satanée distance de classe (alors que lui-même, pour assouvir ses désirs, est prêt à franchir cette distance). Cocon par ailleurs menacé: le père s’est mis en faillite et le cache du mieux qu’il peut à sa femme, ses enfants et leurs domestiques, mais les conséquences sont inévitables et mettent encore plus en évidence le caractère aliénant du milieu et la nécessité pour le jeune héros d’en sortir. La perspective de l’accomplissement sexuel ne se révèle qu’une locomotive pour amener le personnage à une autre forme de maturité: la libération du poids de sa condition sociale, du conflit de classe dans lequel sa naissance même l’a impliqué. Cette perspective ressemble au revers du Cinema Novo brésilien penché sur les défavorisés de la société: ici c’est le jeune bourgeois trop riche, trop propre et aux parents trop suspects qui se retrouve objet d’observation, voire se voit frappé du délit de «gueule» par d’autres, a fortiori quand il ose s'aventurer dans les favelas.

Benoit Smith, Critikat.com


La colonne vertébrale de Casa Grande, c'est avant tout un mouvement d'introspection bourgeoise, où l'on sent que Barbosa –a lui-même grandi dans ces couches aisées de la société, s'est inspiré d'une faillite économique que son père avait également tenté de lui dissimuler, et tourne même dans sa propre maison de famille– va à confesse, fait carburer son film aux souvenirs d'adolescence, et qu'il aurait peut-être même dû se protéger un peu moins par moment. Le film manque parfois d'une brutalité sociale que le réalisateur a peut-être voulu adoucir, ou du moins éloigner de cette autobiographie détournée. Il n'en reste pas moins le signal supplémentaire d'un renouveau du cinéma brésilien qui a pour figure de proue une façon très particulière de fragmenter les espaces, de découper en cubes l'intérieur et l'extérieur, et d'y rebattre sans répit les cartes de l'hétérogénéité sociale.


Théo Ribeton, Inrocks

EXTRAITS CRITIQUES


Première œuvre du réalisateur Fellipe Barbosa, Casa grande est «autobiographie fictionnelle, un voyage au cœur d’une classe privilégiée sur le point de tout perdre.»

Après Les Bruits de Recife et quelques semaines avant l’excellent Une seconde mère, le nouveau cinéma brésilien démontre qu'il est en pleine effervescence avec ce premier long-métrage de Fellipe Barbosa. Sur le papier, il s'agit d'un classique film d'apprentissage adolescent, où un jeune garçon de 17 ans, que sa francophile de mère a baptisé Jean, rencontre une jolie métisse, Luiza, avec laquelle il entend bien assouvir sa libido débordante. Mais cette trame-là se joue sur fond de choc entre classes sociales, la famille bourgeoise de Jean faisant tout pour dissimuler sa banqueroute financière, tandis que Luiza, elle, entend bien profiter de la nouvelle loi sur les quotas décrétée par Lula pour s'offrir un futur que ses origines modestes lui interdisaient jusqu'alors.

Avant Première, 2014

SYNOPSIS

PROPOS DU REALISATEUR